67P/Tchourioumov-Guerrassimenko est pleine de vide !

 

Réunis au Congrès européen de planétologie qui se déroule cette semaine à Cascais (Portugal), plusieurs scientifiques en charge de la mission Rosetta ont dévoilé lundi 29 septembre les premières données récoltées par les instruments de la sonde européenne, qui constitue véritablement la grande star du colloque.

La plus grande surprise vient de la constitution physique de la comète 67P/Tchourioumov-Guerrassimenko. Outre le fait qu'il s'agit d'un double noyau relié par un "cou", une forme connue depuis l'approche en juillet dernier, la surface elle-même est criblée de trous et d'aspérités, un peu comme ces représentations du sol lunaire répandues dans les illustrations des romans de science-fiction des années 50.

De prime abord, on pourrait penser que le sol a été déchiqueté par de multiples impacts de météorites. Mais ce n'est pas le cas. "L'origine de la plupart de ces bassins est plus mystérieuse que cela", annonce l'astrophysicien Philippe Lamy, directeur de recherche au Laboratoire d'astrophysique de Marseille, impliqué dans la conception de plusieurs instruments de Rosetta, dont la caméra haute résolution Osiris. "Ce pourraient être des zones où la glace souterraine s'est évaporée lors des précédents passages près du Soleil et où la croûte se serait ensuite effondrée. Mais ce scénario n'est qu'une hypothèse très préliminaire", poursuit le chercheur.

Encore plus étrange, certaines images montrent une croûte stratifiée par endroits. Là encore, Philippe Lamy reconnait ne pouvoir actuellement donner aucune explication à cette apparence, tout en soulignant avoir déjà observé de telles structures sur la comète Tempel 1.

 
 

 

Mosaïque de 4 images prises le 24 septembre par la caméra de navigation de Rosetta à 28,5 km
(résolution 2,5 m/pixel environ). Crédits : ESA/Rosetta/NavCam.

 

Et elle flotte !

Mais ce n'est pas tout. En étudiant les subtiles modifications de la trajectoire de la sonde induites par le champ gravitationnel très ténu de la comète (mille fois plus faible que sur Terre) les scientifiques ont pu en estimer la densité moyenne, qui est de l'ordre de 500 grammes par décimètre cube, soit deux fois plus légère que l'eau. Dans une mer terrestre, 67P/Tchourioumov-Guerrassimenko flotterait. Mais compte tenu de la composition de cette boule de glace et de poussières, cela veut aussi dire que le noyau cométaire contient de 70 à 80% de vide.

Il ne s'agit vraisemblablement pas de grandes cavités creuses telles des grottes ou des galeries, mais plutôt de milliards de petites bulles, à l'instar de la pierre ponce ou de roches très légères. Selon Stéphane Erard, Astronome à l'Observatoire de Paris (LESIA), "c'est un milieu à très faible gravité qui peine à comprimer la matière. Les relevés de température penchent d'ailleurs pour une croûte très isolante faite dans un matériau poreux qui camoufle la glace en dessous".

Cet aspect particulièrement tourmenté de la surface explique que celle-ci ne réfléchit que 4% de la lumière du Soleil (10 à 12% pour la Lune). Comme elle en absorbe aussi très mal l'énergie, cela induit de très grandes différences de température entre les parties éclairées ou plongées dans l'ombre, de -40°C à -100°C. "Comme la comète tourne assez vite sur elle-même et que sa forme complexe créée de nombreuses ombres portées qui provoquent des nuits secondaires, il y a beaucoup de variations de température assez complexes", poursuit Stéphane Erard.

 
 

 

Carte d’illumination du noyau de 67P à la date prévue pour l’atterrissage
de Philae, le 11 novembre 2014. Crédits : SONC/CNES/ESA.

 

67P n'en n'est encore qu'au tout début de sa période d'activité. Se trouvant encore trois fois plus éloignée du Soleil que la Terre, elle commence à peine à se réchauffer et ses glaces commencent tout juste à se vaporiser, peut-être de l'ordre d'un kilo de matière par seconde, soit beaucoup moins que le pic attendu au mois d'août 2015 lorsqu'elle atteindra le périhélie.

L'analyse des gaz émis révèle la présence d'eau, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone, rien de bien surprenant. "Nous avons aussi quelques signatures qui font penser à des hydrocarbures solides, type bitume, mais il est un peu tôt pour en être certain", constate Stéphane Erard.

Quelques particules de poussière émis avec ces premiers jets de gaz ont aussi frappé le détecteur Cosima, l'instrument de spectrométrie de masse d'ions secondaires à temps de vol (TOF-SIMS), embarqué et dont l'objectif est l'étude de la composition chimique des grains de poussière éjectés par la comète lorsque le rayonnement solaire sublime sa surface. Ces minuscules témoins de la naissance du Système solaire seront prochainement analysés.

Le 25 septembre 2014 à 0h00 (UTC), Rosetta se situait à 453,6 millions de km de la Terre et il fallait 1 513 s, soit 25 min 13 s aux données qu’elle émettait pour nous atteindre ; tous les systèmes à bord et tous les instruments fonctionnaient parfaitement.

 
 

  L'instrument Cosina. Crédits : CNES / ESA.
 

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