4 novembre 2014

 

L'accident de SpaceShipTwo provoqué par le basculement prématuré de l'aile

 

Christopher A. Hart, directeur du NTSB (National Transportation Safety Board), a annoncé ce lundi 3 novembre lors d'une conférence de presse que le propulseur de SpaceShipTwo n'était vraisemblablement pas en cause lors de l'accident du 31 octobre dernier ayant provoqué la destruction de l'appareil et la mort d'un de ses pilotes.

Selon les résultats de l'enquête en cours, le réservoir de comburant et le bloc de propergol solide n'ont pas été perforés et ont été retrouvés intacts au sol. Et si l'on en sait maintenant un peu plus sur le déroulement du vol jusqu'à sa fin tragique, ne nombreux éléments restent obscurs.

A 09h30 locales, l'avion porteur WhiteKnightTwo "Eve" décollait, emportant le vaisseau SpaceShipTwo "Enterprise" sous son empennage. A 10h10, l'ensemble parvenait à l'altitude de largage, soit 14.000 mètres. Les deux appareils se séparaient alors, tandis que le moteur de SpaceShipTwo était mis en route.

C'est alors que plusieurs incidents allaient précipiter les évènements. Selon Doug Messier, rédacteur en chef du magazine Parabolic Arc et témoin de l'événement, le moteur s'est mis à "tousser" dès que l'appareil s'est séparé de son avion porteur. Il lui a semblé que le moteur fonctionnait de manière anormale. Théoriquement, il devait brûler son carburant en continu pendant un certain temps, mais il semblerait qu'il se soit immédiatement coupé puis qu'il ait redémarré.

S'agissant d'un vol d'essai, l'appareil était bardé, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de caméras et d'enregistreurs. Il restait en outre en liaison télémétrique constante avec le sol. Sur les enregistrements vidéo pris à l'intérieur de la cabine, on voit que le copilote Michael Alsbury déverrouille le système de basculement des ailes 9 secondes après la mise à feu du moteur, alors que la vitesse atteint Mach 1. Or, il n'était censé effectuer cette action que plus tard, à Mach 1,4. Toutefois ce déverrouillage n'entraine pas automatiquement le pivotement de la partie mobile de l'aile : celui-ci est déclenché par une deuxième manœuvre effectuée par les pilotes, lorsque l'appareil, parvenu au sommet de sa trajectoire, commence à retomber vers le sol.

Or, les données disponibles, ainsi que les images prises depuis le sol, montrent que l'aile a basculé 2 secondes exactement après le déverrouillage. Perdant brutalement son aérodynamisme en pleine accélération, l'appareil s'est alors désintégré.

 
 

 
Images prises du sol de la séparation, puis de la désintégration de SpaceShipTwo. Crédit NTSB.
 

Si le basculement de l'aile en position verticale – qui est censé stabiliser l'appareil durant son retour et optimiser le freinage avant son atterrissage en vol plané – apparaît maintenant avec certitude avoir provoqué la désintégration de l'avion spatial, sa cause n'est pas connue. L'hypothèse d'une erreur de pilotage semble a priori exclue.

Will Whitehorn, ancien président de Virgin Galactic, a déclaré que les surfaces de contrôle sur les avions se comportent différemment par rapport à la normale lorsqu'elles franchissent le mur du son, mais il a mis en garde contre la spéculation sur la séquence des événements qui ont conduit à l'accident jusqu'à ce que le NTSB ait terminé son enquête, et dont les détails ne seront entièrement connus que dans environ un an.

Richard Branson, directeur de Virgin Galactic, a exprimé sa consternation suite à la manière dont une partie de la presse a couvert l'accident au Royaume-Uni. "Il était tout à fait déplorable pour les 400 ingénieurs de Virgin Galactic que tant d'experts auto-proclamés se soient évertués à décrire les causes de l'explosion du moteur et à expliquer dans le détail pourquoi cette explosion était inévitable, alors qu'en réalité il n'y a pas eu d'explosion. Je n'ai jamais vu une telle quantité de sous-entendus et de propos irresponsables, et je suis très reconnaissant envers le NTSB pour avoir réagi aussi rapidement en déclarant que moteur et réservoirs avaient été retrouvés intacts", a déclaré le milliardaire lors d'une interview à Sky News. "Tout cela était réellement insultant. La presse parlait d'explosions massives, de pilotes s'éjectant de l'appareil, alors que celui-ci ne comporte pas de sièges éjectables. Nous avons pu contempler la pire facette de la presse britannique, et certains journalistes devraient rougir de honte". Il ajoute encore que des passagers payants ne seraient pas admis à voler dans son appareil avant qu'il ne soit entièrement sécurisé, et que lui-même et sa famille aient réellement volé à bord.

 

 

 
Schéma de principe du moteur de SpaceShipTwo. Domaine public.
 
Will Whitehorn précise encore : "Cela a été, et reste, le plus important programme de vols d'essai jamais entrepris dans l'histoire des vols commerciaux. Il est comparable au programme de vols d'essai de Concorde, le seul autre appareil supersonique commercial jamais créé, car Virgin veut à tout prix éviter qu'un tel accident se produise en cours d'exploitation". Et d'ajouter : "Nous ne nous trouvons pas en face d'un défaut de conception de l'ensemble de l'appareil ou de son moteur. Mon sentiment est que nous avons affaire au genre d'incidents qui se produisent régulièrement depuis les années 70 au cours de programmes de vols d'essai, et qui sont relativement aisés à corriger dès que les causes sont identifiées de façon à rendre le véhicule totalement sûr".

 

 

 
SpaceShipTwo en configuration de retour, ailes basculées. Celles-ci seront replacées en position
normale pour l'atterrissage en vol plané. Crédit Virgin Galactic.
 

 

 
 
 

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