Galilée découvreur de Neptune 234 ans avant Adams, Le Verrier et Galle ?

 

Depuis le 29 décembre 1846, elle s'appelle Neptune. Mais "Etoile du Roi de la Mer" (海王星) en chinois, japonais et coréen, ou encore Poseidonas en grec, on reste dans la famille… Mais qui a découvert cette planète, la huitième de notre système solaire ?

 

Alexis Bouvard

En 1788 et pour de nombreuses années encore, les astronomes étaient intrigués par les caprices de la planète Uranus, nouvellement découverte, qui semblait fort peu se soucier des lois de la gravitation universelle. L'écart se creusait progressivement entre sa position calculée le long de son orbite et celle réellement observée, ce qui faisait désordre dans un monde de sciences exactes. L'astronome et mathématicien français Jean-Baptiste Delambre (1749-1822) avait bien tenté d'inclure les perturbations apportées par Jupiter et Saturne dans les calculs, mais en vain.

En 1821, l'astronome royal français Alexis Bouvard (1767-1843, aujourd'hui, une vallée porte son nom sur la Lune) publie de nouvelles tables, plus précises, sur la base de 40 années d'observation… En vain, car il ne parvient pas à gommer une erreur de plus d'une minute d'arc, ce qui est énorme en astronomie. Deux hypothèses sont alors émises : une remise en cause de la loi universelle de la gravitation, dont les propriétés varieraient en fonction de la distance, ou l'influence d'une planète externe. Cette dernière semble la plus plausible.

 
L'affaire est reprise le 26 juin 1841 par un étudiant de Cambridge, John Couch Adams (1819-1892). Absorbé par ses études, il se promet d'y revenir plus tard. De fait, il se met au travail en 1843 mais commet l'erreur de s'appuyer d'abord sur la loi de Titus-Bode, une relation empirique entre les rayons des orbites des planètes, et dont Neptune constitue justement l'exception. Mais il ne pouvait pas le savoir… Il parvient cependant à déterminer la position de l'astre hypothétique en incorporant les variations observées de l'orbite d'Uranus et parvient à un résultat dont, on le saura plus tard, l'erreur est de moins de 2 degrés. N'étant pas observateur, il transmet les données le 21 octobre 1845 à L'astronome royal britannique George Biddell Airy (1801-1892), de la Royal Society. Ce dernier lui répond le 5 octobre suivant, mais pour lui faire part de ses doutes sur son travail.

John Couch Adams

 
 

Urbain le Verrier

Ignorant tout cela, François Arago, directeur de l'observatoire de Paris, demande au mathématicien Urbain le Verrier (1811-1877) de déterminer la position de la huitième planète en se basant sur les perturbations observées. Il publie ses résultats le 10 novembre 1845 sous le titre "Premier Mémoire sur la Théorie d'Uranus".

George Biddell Airy remarque la similitude des travaux qui lui avaient été présentés par Adams et contacte Le Verrier, lequel suggère à Airy d'effectuer des recherches sur la base de ses propres observations. Est-ce une habitude chez Airy ? Toujours est-il que celui-ci refuse. Décidément, Neptune ne veut pas être découverte…

Découragé, Le Verrier, dont la communication de ses résultats n'a reçu qu'une réaction mitigée de la part de l'Académie des Sciences et qui n'a nullement l'intention d'abandonner "sa" planète, se souvient d'une thèse (*) qui lui avait été soumise un an plus tôt par l'astronome prussien Johann Gottfried Galle (1812-1910), et dont il s'était promis de s'occuper… un jour. Il lui répond le 18 septembre 1846 dans une lettre, qui arrive à son destinataire 5 jours plus tard (ah, le bon temps de la poste par diligence…). Et il profite de cette réponse pour suggérer à Galle d'observer le ciel dans la région qu'il lui indique, à la recherche d'un objet de 9e magnitude.

 

Se sentant devenu son obligé, Galle pointe son télescope de 23 cm le soir même dans la direction indiquée et… bingo ! Il trouve un astre non répertorié, à moins d'un degré de la position prévue. Il attend quelques heures, l'astre a bien bougé, ce n'est pas une étoile. Neptune est découverte.

On devine bien entendu que la pérennité de la découverte a fait l'objet d'une violente polémique dans le monde scientifique, s'étendant jusque dans la presse internationale. Finalement, Le Verrier a été consacré découvreur de Neptune sur l'insistance des Français, qui refusèrent même que le nom d'Adams soit associé à la découverte de cette planète observée pour la première fois par… Galle !

 

Johann Gottfried Galle

 
 

Mais ce n'est pas tout…

Galilée, qui a coiffé tout le monde...

L'histoire pourrait s'arrêter là si David Jamieson, professeur à l’université de Melbourne en Australie, ne s'était penché sur les carnets de notes laissés par Galilée (1564-1642). Non pas découvreur de la lunette, mais premier astronome ayant eu l'idée de la tourner vers le ciel, en très peu de temps, Galilée découvrit les taches solaires et les phases de Vénus, mais aussi le fait que la Voie lactée est constituée d’étoiles et surtout que des lunes tournent autour de Jupiter, à la façon dont la Terre et Mars elles-mêmes tournent autour du Soleil.

Dans ses carnets de notes, Galilée a consigné ses observations des lunes de Jupiter, Io, Europe, Ganymède et Callisto en 1612 et 1613. Des centaines d'observations. Dans la nuit du 28 janvier 1613, le savant note qu’une des étoiles proche de ces lunes à ce moment a bougé par rapport à certaines étoiles fixes. Or, nous savons aujourd’hui grâce aux éphémérides fournies par les équations de la mécanique céleste qu’il s’agissait de Neptune... Un dessin accompagne ces remarques et un point noir mystérieusement dépourvu d’annotation correspond très précisément à la position de Neptune sur la sphère céleste le 6 janvier 1613.

Cela suggère, sans toutefois le prouver, que moins d’un mois après avoir observé une première fois la position de Neptune qu’il prenait initialement pour une étoile, Galilée a ajouté cette courte note en pensant qu’il avait peut-être découvert une nouvelle planète. A l’époque, même pour Galilée, les étoiles sont fixes et donc des astres se déplaçant sur la sphère céleste sont par définition des planètes, des astres errants selon la terminologie grecque à l’origine du mot planète.

Pour démontrer son hypothèse, il faudrait que David Jamieson découvre quelque part dans les écrits de Galilée une déclaration sans ambiguïté ou presque relatant la découverte d’une nouvelle planète. L'espoir est mince mais il existe. En effet, afin d’assurer sa priorité, Galilée envoyait parfois à ses collègues un anagramme. C’est ce qu’il a fait pour ses observations des phases de Vénus et des anneaux de Saturne. Il reste donc à chercher dans les bibliothèques européennes...

(*) La thèse de doctorat de Galle, achevée en 1845, était une simplification et une analyse critique des observations, par Ole Rømer, de transits méridiens d’étoiles et de planètes s’échelonnant du 20 octobre au 23 octobre 1706.

 

 
  Neptune, comme ne l'ont jamais vue Adams, Le Verrier et Gale.
Crédit Nasa, sonde Voyager 2.
   
 
 
 

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