8 novembre 2014

 

L’hybridité est soluble dans la nature

 

Les repeuplements servent à endiguer la raréfaction d'une espèce suite à de nombreux facteurs, le plus souvent d'origine humaine : pollutions, industrialisation, réduction des zones d'habitat naturel, surpêche. Cependant, les espèces réintroduites, élevées en captivité, ne sont pas parfaitement adaptées à leur milieu. On pourrait donc appréhender une "corruption" de la population sauvage après reproduction de ses membres avec des individus domestiqués.

Or, cette crainte ne serait pas fondée, selon une nouvelle étude de l’Université Concordia publiée dans la livraison du 3 novembre 2014 de la revue Evolutionary Applications, ayant pour objet le repeuplement des poissons des lacs et rivière. En effet, la reproduction et la sélection naturelle aidant, les poissons hybrides sont – après quelques générations – aussi robustes sur le plan génétique que leurs ancêtres entièrement sauvages, la sélection naturelle atténuant les effets génétiques de l’hybridation anthropique.

À la pêche aux données

Dirigée par le professeur de biologie Dylan Fraser, l’équipe de recherche se composait d’Andrew Harbicht, étudiant aux cycles supérieurs à Concordia, et de Chris Wilson, du ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario. Pour mener à bien leur projet, les trois scientifiques ont mis le cap sur le parc provincial Algonquin. Véritable paradis du pêcheur, cet espace préservé est parsemé de lacs, alevinés voilà nombre d’années avec du saumon et de la truite d’élevage.

Les chercheurs ont d’abord transplanté dans de nouveaux environnements des populations de poissons sauvages, domestiquées et hybrides. Ensuite, ils ont comparé le taux de survie et les caractéristiques physiques des individus dans chaque milieu d’observation. Ils voulaient ainsi vérifier si, après plusieurs générations de sélection naturelle en pleine nature, l’hybridation avait une incidence sur le potentiel d’adaptation des poissons.

Résultat : en cinq à onze générations (soit environ 25 à 50 ans), les gènes étrangers introduits dans les populations sauvages à la suite d’une hybridation sont éliminés par sélection naturelle. Autrement dit, les populations enrichies de poissons d’élevage sont impossibles à distinguer, du point de vue génétique, de celles qui n’ont pas eu ce type d’apport.

Répercussions en matière de conservation

Pêcheur assidu lui-même, Dylan Fraser affirme que les résultats de l’étude sont de bon augure pour les populations sauvages qui avaient d’abord souffert de l’hybridation anthropique.

 « Si nous pouvons stopper le flux entrant de gènes étrangers tout en préservant un habitat similaire à celui qui existait avant l’hybridation, les populations sauvages ont de fortes chances de se rétablir, affirme le professeur. Le processus pourrait même être plus rapide que nous ne le pensions. »

Du reste, ce phénomène ne semble pas survenir que chez les poissons. En effet, des conclusions du même ordre ont été faites à propos d’espèces de loups précédemment exposées à l’hybridation.

Source : Evolutionary conservation - evaluating the adaptive potential of species (Evolutionary Applications)

 
 

 
Vue sur le parc provincial Algonquin
 

 

 
 
 

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