9 octobre 2014
 

Une anomalie dans la vitesse des sondes spatiales confond les scientifiques

 

Depuis les débuts de l'exploration spatiale, de nombreuses sondes spatiales sont entrées dans une orbite hyperbolique autour de planètes ou satellites, dans le but de profiter de leur énergie gravitationnelle et repartir vers leur cible avec une vitesse accrue. Cependant, au cours de cette manœuvre parfaitement calculée et dont les résultats devraient être prévus avec une très grande précision, la vitesse résultante s'écarte de celle attendue.

Cette anomalie a été détectée avec un niveau élevé de précision accru lors de survols de la Terre, en raison de la disponibilité des stations de surveillance telles celle de la NASA à Robledo de Chabela (Madrid) ou celui de l'Agence spatiale européenne à Cebreros (Avila), qui permettent de mesurer très précisément les variations de la vitesse des engins spatiaux à l'aide de radars.

Trajectoire de Juno vers Jupiter, avec survol de la Terre le 9 octobre 2013. Crédit Nasa.

Ainsi, lorsque la sonde spatiale Galileo a survolé la Terre en 1990, une vitesse supérieure de 4 millimètres par seconde a été détectée. Lors de son deuxième survol en 1992, une nouvelle erreur de 4 millimètres par seconde était observée, mais dans l'autre sens: la sonde ralentissait par rapport son modèle.

En 1998, une erreur de 13 mm/seconde était observée pour la sonde NEAR, et des anomalies similaires se répétaient encore dans les survols de Cassini en 1999 (-2 mm/seconde), ainsi que ceux des sondes Messenger et Rosetta en 2005, avec 0,02 mm/seconde et 1,82 mm/seconde respectivement.

"Ces écarts n'affectent pas significativement les trajectoires des vaisseaux spatiaux, mais même si leurs valeurs paraissent faibles, il est très important de clarifier ce qui les provoque, en particulier dans le contexte actuel d'une exploration spatiale de grande précision", annonce Luis Acedo Rodríguez, physicien à l'Université Polytechnique de Valence (France).

Les scientifiques n'ont jusqu'à présent apporté aucune explication convaincante à ce phénomène, mais ont mis en avant une suite d'hypothèses. Certains citent l'influence du rayonnement solaire, tandis que d'autres suggèrent l'influence des champs magnétiques ou l'effet des marées. Des théories moins conventionnelles sont émises, telles que l'existence d'un halo de matière noire piégé et entraîné par le champ gravitationnel de la Terre.

Luis Acedo Rodríguez propose aussi une explication basée sur un supposé champ gravito-magnétique aligné sur les parallèles de notre planète, une approche qui pourrait être utilisée pour expliquer la plupart des effets sur la majorité des survols. "La théorie de la relativité générale formulée par Einstein prédit l'existence d'un domaine similaire, mais basé sur les méridiens, et dont l'existence paraît confirmée par des expériences telles que Gravity Probe B", commente le chercheur, même s'il reconnaît les limites importantes du modèle. "Si ce champ de force existait, explique-t-il, ses effets seraient également observés sur les satellites suivant des orbites elliptiques, et auraient été détectés depuis longtemps par les satellites géodynamiques tels LAGEOS ou LARES. Cependant ce n'est pas le cas, et il donc peu probable qu'un champ de ce type puisse jeter une lumière sur ce mystère sans modifier sérieusement notre compréhension de la gravité de la Terre".

 
 

 
Le satellite géodésique italien LAGEOS-2 placé en orbite le 23 octobre 1992 depuis la navette Colombia. Crédit Nasa.
De masse importante (405 kg pour 60 cm de diamètre), il devrait rester en orbite 8,4 millions d'années et comporte
une capsule temporelle donnant la position passée, actuelle et prévue des continents.
 

Cette possibilité écartée, le chercheur estime dans une étude que le comportement anormal des sondes au cours de leur survol doit être provoquée par un phénomène commun dont nous n'avons pas encore connaissance, ou résulter d'une erreur dans les programmes d'analyse des données.

La différence de vitesse pourrait aussi avoir des conséquences beaucoup plus importantes pour la compréhension de la gravité, selon Acedo: "Nous avons déjà des indices qui démontrent une anomalie apparente dans certaines observations astronomiques, telles l'avance du périhélie de Mercure, qui ne coïncide pas parfaitement aux prévisions tenant compte de la théorie de la relativité générale. Sans exclure une explication par des sources conventionnelles, le même phénomène pourrait très bien  s'appliquer à une planète".

Pendant ce temps, les sondes spatiales continuent de défier les scientifiques chaque fois qu'elles survolent la Terre. L'une des dernières est celui de la sonde Juno en Octobre 2013, en route vers Jupiter, et dont la vitesse alors qu'elle survolait notre planète était une fois de plus différente des estimations.

 
 
 
La sonde Juno en cours d'assemblage, un de ses trois immenses panneaux solaires déployé. Crédit Nasa.
 

 

 
 
 

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