10 octobre 2014

 

La Mer d'Aral, c'est fini

 

L'Homme n'aura mis que 25 ans à peine pour détruire ce que la Nature  a élaboré en dix millénaires. Et son triste tableau de chasse n'est pas anecdotique, car il ne s'agit pas moins que de la quatrième plus grande mer continentale du monde, la Mer d'Aral.

La Mer d'Aral est apparue dans sa forme historique à la fin de la dernière glaciation, voici 10.000 ans, lorsque le Syr-Daria, un fleuve trouvant sa source dans l'actuel Kirghizstan, a commencé à remplir une vaste dépression d'origine éolienne. Les eaux de l'Amou Daria, provenant des montagnes du Pamir, s'y joignent bientôt et une immense étendue d'eau douce apparaît. Voici environ 5000 ans, la Mer d'Aral se met en communication avec la Caspienne par l'intermédiaire de l'Ouzboï, une vallée asséchée, et ses eaux douces sont peu à peu remplacées par une eau faiblement salée (+/- 125 gr/l), entraînant un changement de la faune piscicole.

Le niveau de cette mer intérieure fluctue ensuite au cours du temps en fonction de l'apport des eaux de l'Amou Daria, qui vont soit alimenter la mer d'Aral, soit s'orienter vers le lac Sary Kamysh et l'Ouzboï en fonction de l'évolution du climat et des mouvements géologiques, comme ce sera le cas notamment entre l'an 1200 et l'an 1550. Durant cette période, l'étendue de la Mer d'Aral se réduit fortement.

Voici 400 ans, les Mongols décidèrent de détourner le cours de l'Amou Daria, qui se jetait alors dans la Caspienne, afin d'exploiter les sables aurifères qu'il charrie. Bénéficiant à nouveau de cet apport, la Mer d'Aral reprend ainsi son ancienne configuration et couvre alors une superficie de 66 458 km² dont 2 345 km² occupés par des îles, longue de 428 km pour une largeur de 284 km. Elle conservera cet aspect jusqu'en 1960.

 
 

 
La Mer d'Aral en 1848.
 

Et les Soviets s'en mêlent…

C'est à ce moment que le gouvernement soviétique décide d’intensifier la culture du coton en Ouzbékistan et au Kazakhstan. D'importants travaux d'irrigation sont entrepris, et les eaux des deux grands fleuves détournées via le Canal du Karakoum (il s'agit du plus long canal d'irrigation au monde). Privée de plus de 35% de son apport en eau, le niveau de la Mer d'Aral se met alors à baisser de 20 à 60 cm par an. La salinité augmente proportionnellement et atteint bientôt une concentration intolérable pour la plupart de la faune piscicole, provoquant la disparition de 26 des 32 espèces de poissons qui y vivaient et formaient la principale ressource des autochtones.

Aujourd'hui, toutes les espèces endémiques ont disparu. Seule subsiste une espèce de raie introduite en raison de sa résistance à une eau fortement salée, mais qui ne peut plus assurer à elle seule la rentabilité d'une pêche… qui n'existe d'ailleurs plus.

 
 

 
Port sur la Mer d'Aral... Source Wikipedia.
 

Malgré plusieurs tentatives visant à régénérer la Mer d'Aral (construction d'une digue en 1996, détruite par une tempête en 1999, construction controversée en 2010 d'un barrage en béton financé par la Banque Mondiale notamment), les scientifiques admettent aujourd'hui pour la plupart que l'assèchement a atteint un point de non-retour, d'autant que les plantations de coton en Ouzbékistan (deuxième producteur mondial) ne cessent de s'accroitre et que cette plante exige énormément d'eau pour sa croissance.

Excepté une petite lagune d'eau fortement salée méritant à peine le nom de lac, il ne reste plus désormais de la Mer d'Aral que quelques bateaux reposant, tels les fantômes d'une époque révolue, au milieu d'un désert de sable.

Une fois de plus, l'Homme a vaincu la nature.

 
 

 
 
Evolution, d'année en année, de la Mer d'Aral. Crédit Nasa.
 

 
Et ce qu'il en reste aujourd'hui. Crédit Nasa.
 

 

 
 
 

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