14 octobre 2014

 

L'atmosphère d'une exoplanète cartographiée avec grande exactitude

 

Une équipe de scientifiques vient de réaliser la carte la plus détaillée des températures et de la répartition de la vapeur d'eau dans l'atmosphère d'une planète extrasolaire.

Ces données ont été obtenues à partir des observations du télescope spatial Hubble de la planète WASP-43b, une "Jupiter chaude" découverte en 2011 par la méthode des transits dans la constellation du Sextant. Elle se différentie cependant par sa masse, représentant plus du double de Jupiter, et par sa période de révolution autour de son étoile, qui n'est que de 19 heures, une des plus courtes jamais observée pour une exoplanète, en raison de sa proximité.

WASP-43b n'est pas très hospitalières, c'est le moins qu'on puisse en dire. La température diurne à sa surface atteint allègrement les 1600°C la journée, ou plutôt sur son côté éclairé car elle présente toujours la même face à son soleil, et le vent y souffle à la vitesse du son. Côté nuit, la température n'est que de 530°C, tout de même de quoi griller un steak en plein air en quelques secondes.

Pour étudier l'atmosphère de WASP-43b, l'équipe de scientifiques a appliqué en corrélation deux méthodes différentes d'analyse. Tout d'abord, la lumière de l'étoile parente a été observée par spectroscopie, une technique appelée spectroscopie de transmission. Ce procédé a permis de déterminer l'abondance de l'eau dans l'atmosphère au niveau de la frontière entre les deux hémisphères séparant le jour de la nuit.

Ensuite, et afin de rendre la carte plus détaillée, l'équipe a également mesuré les abondances et les températures d'eau à différentes longitudes. Pour ce faire, ils ont profité de la précision et de la stabilité des instruments de Hubble afin de soustraire plus de 99,95% de la lumière de l'étoile parent, méthode leur permettant d'étudier directement la lumière en provenance de la planète elle-même, une technique appelée spectroscopie d'émission. En procédant ainsi lors du passage de la planète en différents points de son orbite, ils ont pu dresser une carte selon les différentes longitudes de l'astre.

"Nos observations sont les premières du genre à pouvoir réaliser une carte en deux dimensions de la structure thermique de la planète", a déclaré Kevin Stevenson de l'Université de Chicago, Etats-Unis, principal auteur de l'étude de cette carte thermique. "Ces cartes peuvent être utilisées pour caractériser les modèles de circulation qui permettent de prédire la façon dont la chaleur est véhiculée entre les parties chaudes diurnes et froides nocturnes d'une exoplanète".

"Nous avons pu observer trois rotations complètes - trois ans de cette planète lointaine - durant une période de quatre jours terrestres," a expliqué Jacob Bean de l'Université de Chicago, Etats-Unis, leader du projet de recherche. "Cela nous a permis de créer la première carte complète de la température à la surface d'une exoplanète et de sonder son atmosphère pour connaître la nature de ses éléments ainsi que leur répartition".

Mieux comprendre la physique planétaire

Déterminer la répartition et  les proportions des différents éléments dans les atmosphères planétaires fournit des indices essentiels pour comprendre comment ces planètes se sont formées.

"Parce qu'il n'y a pas de planète présentant des conditions similaires dans notre système solaire, la caractérisation de l'atmosphère de ce monde étrange offre un laboratoire unique permettant d'acquérir une meilleure compréhension de la formation des planètes et de la physique planétaire," a déclaré Nikku Madhusudhan de l'Université de Cambridge, Royaume-Uni, co-auteur des deux études. "Dans ce cas, la découverte s'accorde bien avec les modèles préexistants de la manière dont ces planètes se comportent."

L'équipe a aussi constaté que WASP-43b ne reflète que très peu de la lumière de son étoile hôte, autrement dit que son albédo est très faible. Une atmosphère comme celle de la Terre, avec des nuages ​​qui reflètent plus la lumière du soleil, n'est pas présente sur WASP-43b, mais l'équipe a mis en évidence la présence de beaucoup de vapeur d'eau dans l'atmosphère de la planète.

"La planète est si chaude que toute l'eau qu'on peut y trouver se trouve à l'état de vapeur dans son atmosphère, plutôt que condensée dans les nuages ​​de glace comme ce que nous observons sur Jupiter", a déclaré Laura Kreidberg de l'Université de Chicago, principale responsable de l'étude de la répartition de l'eau sur WASP-43b.

L'eau semble jouer un rôle important dans la formation des planètes géantes. Les astronomes théorisent que les comètes sont responsables de cette abondance en apportant l'eau ainsi que d'autres molécules lors de la formation des jeunes systèmes extrasolaires. Cependant, l'abondance de cet élément liquide dans les planètes géantes de notre propre système solaire est mal connue parce que cette eau s'y trouve à l'état de glace dans les couches les plus inférieures de leur atmosphère, ce qui la rend difficile à identifier.

"Les sondes spatiales n'ont pas pu pénétrer assez profondément dans l'atmosphère de Jupiter pour obtenir une mesure précise de l'abondance de l'eau. Mais cette planète géante est très différente", a ajouté Derek Homeier de l'École Normale Supérieure de Lyon, France, co-auteur de l'étude. "Mais l'eau de WASP-43b s'y trouve sous forme de vapeur, qui peut être beaucoup plus facilement identifiée. Elle était donc facile à mettre en évidence, et nous avons pu la quantifier très exactement en mesurant les variations de son atmosphère en différentes positions de son orbite".

Les résultats sont présentés dans deux nouveaux documents, l'un sur la cartographie thermique de l'atmosphère de la planète - publiée en ligne dans Science Express le 9 Octobre - et l'autre sur la cartographie de la teneur en eau de l'atmosphère - publié dans The Astrophysical Journal Letters le 12 Septembre 2014.

Une vidéo de la répartition des températures peut aussi être visionnée sur le site de l'Université de Chicago.

Note :

Le successeur prévu de Hubble, le télescope spatial James Webb, sera en mesure non seulement de mesurer l'abondance de l'eau, mais aussi l'abondance des monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, de l'ammoniac et du méthane, en fonction de la température de la planète.

 
 

 
Répartition observée des températures dans l'atmosphère de WASP-43b. Les zones les
plus claires correspondent aux températures les plus élevées. Crédit Nasa/Hubble.
 

 

 
 
 

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