17 décembre 2014

 

Le grand public perçoit mal les articles sur la génétique humaine

 
"La diffusion de nouvelles sur la génétique du comportement engendre involontairement des informations non fondées et ne sert donc pas la cause de l'information scientifique". Voilà le constat auquel parvient Alexandre Morin-Chassé à l'issue d'une recherche auprès de 1500 sujets américains.

Cette constatation vient de faire l'objet d'une publication dans la revue scientifique BioScience, publiée par l'Oxford University Press. "Nous avons, entre autres choses, cherché à savoir si le public comprenait bien les articles de vulgarisation scientifique à propos d'un nouveau champ du savoir, la génopolitique, et si cette vulgarisation aidait bel et bien les gens à se forger une opinion éclairée sur la génétique humaine", mentionne le jeune candidat au doctorat de l'Université de Montréal.

Le protocole d'étude

Les sujets ayant pris part à cette étude ont eu à lire une nouvelle rapportant des recherches sur l'influence d'un gène sur l'un ou l'autre des trois éléments suivants : le cancer du sein, l'idéologie politique (libérale ou conservatrice) ou la tendance à s'endetter. Après la lecture d'un des articles, il leur a été demandé d'estimer l'incidence de la génétique sur différentes caractéristiques biologiques (par exemple la couleur des cheveux ou la taille) ou comportementales (la violence, l'alcoolisme) sur une échelle allant de pas du tout à totalement génétique. On précisait qu'il n'y avait ni bonnes ni mauvaises réponses. On ne cherchait qu'à connaître l'interprétation des faits.

Les conclusions du chercheur sont pour le moins troublantes. Il a constaté que, après avoir lu un article du quotidien britannique The Daily Telegraph sur un "gène responsable des idées libérales" paru en octobre 2010, les lecteurs avaient tendance à généraliser les effets de la génétique sur les comportements ou orientations sociales qui ne sont pas du tout mentionnés dans la nouvelle (notamment l'orientation sexuelle). Le même phénomène a été observé chez les lecteurs de l'article qui associait un gène à la prédisposition à l'endettement et paru dans le magazine Scientific American MIND en juin 2010.

Déformer l'information pour mieux la vendre

La mauvaise compréhension du public ne serait pas la seule à blâmer dans ces interprétations erronées, car la façon de communiquer la science a ses règles, qui ne sont pas toujours nobles. "Généralement, écrit l'auteur, le premier but des journalistes scientifiques est d'informer le public sur des questions de science. Toutefois, cette pratique n'est pas désintéressée, puisque des nouvelles sont volontairement écrites pour attirer l'attention du public sur des résultats surprenants afin d'augmenter ou de maintenir les parts de marché de l'entreprise de presse".

On comprend que les recherches en génétique sur les comportements progressent en terrain miné. Ce champ est parfois mis en rapport avec d'autres travaux théoriques plus controversés, tels ceux de la sociobiologie qui tentaient d'expliquer les inégalités sociales à l'aide de la théorie de l'évolution et de la notion de sélection naturelle. Par contraste, la vague actuelle d'études repose sur des analyses empiriques de données d'ADN. "Je suis personnellement en faveur de cette piste novatrice pour mieux saisir notre monde, mais je dois me rendre à l'évidence: ce champ est souvent mal perçu, voire méprisé. Certains le réduisent à sa forme la plus déterministe. Le danger, bien présent à mon avis, est que les conclusions de la recherche scientifique en viennent à être instrumentalisées à des fins idéologiques par certains groupes sociaux. D'où l'importance de s'assurer que le public en comprend la portée et les limites".

La venue du "génopolitologue" James Fowler au Département de science politique de l'Université de Montréal en 2008 demeure d'ailleurs dans les mémoires. L'auditoire comptait autant de partisans de ses théories que de détracteurs. "Je n'y étais pas, mais on m'en a beaucoup parlé", indique Alexandre Morin-Chassé, qui a entrepris, depuis, des recherches en collaboration avec l'expert américain.

Source : Université de Montréal

 

 

 

 

 
 
 

Retour

Commentez cet article dans le forum