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		novembre 2014 | 
  
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          | De la relation entre la 
			navette spatiale et l'arrière-train des chevaux |  | 
  
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          | A première vue, il pourrait paraître 
			incongru de vouloir comparer le véhicule de transport le plus 
			sophistiqué du monde avec le plus ancien moyen de déplacement de 
			l'Homme, fût-il sa plus noble conquête… avant celle de l'espace. Et 
			pourtant… 
 Les livres d'histoire nous l'ont enseigné. Les premiers véhicules 
			jamais utilisés à grande échelle étaient les chariots de guerre 
			romains, il y a de cela plus de deux mille ans.
 
 Or, observons bien ces chariots, toujours répandus aujourd'hui à 
			travers l'imagerie populaire. Bien que de types très différents, ils 
			ont toujours le même empattement. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient 
			tirés par un attelage de deux chevaux côte à côte (même si ce bon 
			vieux Ben Hur semait de temps en temps le trouble dans les arènes de 
			l'Empereur avec son quadrige à quatre chevaux). Or, les sabots de 
			l'attelage lancé au grand galop ayant tendance à maltraiter la terre 
			battue des voies de l'époque, fussent-elles romaines, il était 
			indispensable que les roues du char ne s'inscrivent pas dans la 
			continuité des empreintes sous peine de cahots indésirables, mais 
			entre celles-ci. L'écartement des chevaux étant lui-même déterminé 
			par une distance de sécurité qui les empêchait de se heurter au 
			niveau du postérieur, endroit le plus large de leur anatomie, une 
			dimension standard se dégagea bientôt qui détermina l'empattement de 
			tous les chars romains.
 
 Plus tard, ces mêmes Romains déployèrent leurs légions sur tout le 
			territoire européen et, pour accélérer cette invasion, se mirent à 
			tracer des voies. Rapidement, les roues des chars y creusèrent des 
			ornières correspondant à leur écartement. Fin du premier épisode.
 
 Nous nous retrouvons 2000 ans plus tard, toujours en Europe, et les 
			constructeurs du dix-neuvième siècle respectent toujours le même 
			écartement que leurs lointains ancêtres pour leurs diligences et 
			autres véhicules attelés. Pourquoi ? Parce que durant toute cette 
			période, les chemins n'ont jamais cessé d'être creusés d'ornières, 
			et qu'un espacement différent aurait provoqué la rupture de l'essieu 
			du chariot.
 
 Or, une grande invention se profilait à l'horizon: le chemin de fer. 
			D'abord urbaines, les premières voies étaient parcourues par des 
			tramways tractés par des chevaux. Les personnes qui construisaient 
			ces véhicules attelés étant celles qui fabriquaient les chariots, 
			l'écartement fut conservé. Et quelques dizaines d'années plus tard, 
			ces mêmes ingénieurs installèrent en Grande-Bretagne les premières 
			lignes de chemins de fer et les premières locomotives à vapeur sur 
			le même modèle.
 
 
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          | La première 
			locomotive à vapeur du monde, celle de Stephenson, photographiée ici 
			en 1930 lors de la commémoration de son centième anniversaire. Elle 
			a contribué à déterminer les dimensions des boosters de la navette 
			spatiale américaine. Crédit: British Railways. |  | 
	
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          | Christopher Columbus (pas celui qui 
			dirigea le programme Gemini de la Nasa, ce ne fut qu'un lointain 
			homonyme) ayant déjà placé l'Amérique à un jet de voile, il était 
			naturel que les voies ferrées américaines utilisent essentiellement 
			des locomotives britanniques, mondialement réputées et parfaitement 
			au point. Le chemin de fer US importa donc à la fois machines et 
			ingénieurs anglais, qui utilisèrent ce même écartement, déjà 
			standardisé très précisément à 4 pieds et 8 pouces et demi. Fin du 
			deuxième épisode. 
 Nouveau saut dans le temps. Oh, pas très loin: nous nous retrouvons 
			dans les années soixante-dix et le Sénat américain vint d'approuver 
			la construction d'un nouveau système de mise en orbite: la navette 
			spatiale. Par soumission, l'entreprise Thiokol, dans l'Utah, 
			remporte la réalisation des deux propulseurs d'appoint. Elle est 
			chargée de leur conception, développement, construction et 
			assemblage. Mais ces boosters, il va falloir les transporter entiers 
			jusqu'au pas de tir à Cap Canaveral. Et c'est là que ça devient 
			intéressant…
 
 Pour ce transport, un seul moyen : le chemin de fer. Et aussi… un 
			tunnel, sous les montagnes rocheuses. Or, ces structures devaient 
			obligatoirement franchir ce tunnel, à peine plus large que la voie 
			de chemin de fer, dont l'écartement correspond à… la largeur de deux 
			arrière-trains de cheval.
 
 Thiokol aurait bien voulu concevoir les boosters sur un modèle un 
			peu plus large, ce qui aurait réduit bien des contraintes 
			structurelles et amélioré la régularité de la combustion du 
			propergol solide par accroissement de la surface interne. Mais 
			aucune solution de remplacement dans un délai raisonnable n'ayant pu 
			être déterminée pour assurer le transport de ces énormes engins par 
			un autre moyen, il fallut donc bien se rallier aux normes… de Jules 
			César et ses confrères.
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          | La navette 
			spatiale américaine. Les dimensions de ses boosters trouvent leur 
			origine il y a plus de deux mille ans, dans la Rome Antique. Crédit: 
			Nasa. |  | 
  
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