30 décembre 2014

 

Le papillon qui crie pour éloigner ses prédateurs

 
Le mimétisme est le moyen de défense par excellence de nombreuses formes de vie, tant animales que végétales. Tout le monde connaît l'exemple du phasme, imitant à la perfection et au choix : une brindille séchée, une feuille bien verte ou fanée, des ronces (avec leurs épines), etc. 3000 espèces en ont été décrites, et on en découvre encore régulièrement.

Mais la forme de mimétisme utilisée par certains papillons de nuit étonne les scientifiques. Bien que parfaitement inoffensifs, ils ont en effet appris à imiter les ultrasons émis par des espèces toxiques afin de décourager leurs principaux prédateurs, les chauves-souris.

 
Eupaglia quadripunctaria
(Ecaille chinée - France).
La majorité des papillons de nuit se distinguent de leurs congénères diurnes par des caractéristiques physiologiques allant bien au-delà des simples habitudes comportementales. Ainsi, nombre d'entre eux possèdent un système auditif très élaboré qui leur permet de repérer à grande distance les chauves-souris aux ultrasons émis par leur appareil d'écholocalisation.

Vers la fin des années 70, les chercheurs avaient aussi démontré que certains lépidoptères, comme les arctiides, étaient capables d'émettre eux-mêmes des ultrasons sur la même fréquence au moyen d'un organe bien spécifique, localisé dans leur thorax, et appelé la timbale. Il s'agit en fait d'un moyen de dissuasion, car cette espèce renferme certaines substances toxiques et rapidement, les chauves-souris ont appris à les éviter sur la base des sons perçus.

Mais il y a mieux. Jesse Barber, un jeune doctorant de la Wake Forest University (USA), et son professeur William Conner ont entrepris d'étudier le comportement collectif des chauves-souris occupées à chasser au moyen d'une caméra infrarouge, tout en réalisant un enregistrement synchrone des ultrasons émis. Ce qui était déjà pressenti s'est confirmé: les chiroptères associent les claquements sonores produits par les arctiides à leur mauvais goût, et aux désagréments provoqués par leur ingestion, et celles-ci s'en détournent. Mais ils se sont aussi aperçus que les prédateurs évitaient systématiquement une autre espèce, Eupaglia quadripunctaria, répandue dans toute l'Europe centrale, très différente et inoffensive celle-là, car elle émet des émissions sonores de même fréquence que les arctiides.

On connaissait déjà les contrefaçons visuelles et olfactives destinées à se protéger en imitant l'impression laissée par un animal ou une plante pour se dissimuler derrière un danger imaginaire… Il faudra désormais ajouter la contrefaçon sonore. Une fois de plus, au-delà de l'aspect purement scientifique, la nature ne mérite-t-elle pas toute notre admiration?

 

 

 
Eupaglia quadripunctaria (Ecaille chinée - France).
 

 

 
 
 

Retour

Commentez cet article dans le forum