3 juin 2015

 

Il y a 50 ans : Edward White, première sortie extravéhiculaire américaine

 
Le 3 juin 1965, un astronaute américain ouvrait la porte de sa capsule et s'élançait dans le vide spatial. Cette première américaine ne se fit pas sans précipitation… ni sans risque !
 
Badge de Gemini 4. L'Aigle Américain sera plus tard repris sur le badge d'Apollo 11, le seul qui ne comporte pas les noms des astronautes. Crédit : Nasa.
Le vaisseau Gemini 4, deuxième vol habité de la série, s'élançait de Cap Canaveral à 15h 59 et 59 secondes TU après une brève interruption de la chronologie. A son bord, Edward White et James Mc Divitt auxquels avait été confié un programme plutôt chargé.

Le programme Gemini avait été mis au point afin de répéter toutes les étapes qui permettraient, avec Apollo, de mettre le pied sur la Lune. Après avoir réalisé les premiers changements d'orbite au cours de Gemini 3 le 23 mars précédent, Gemini 4 devait pour la première fois effectuer un vol groupé entre un vaisseau spatial et un autre satellite, préfigurant ainsi les futurs rendez-vous spatiaux. En l'occurrence, la cible choisie n'était autre que le deuxième étage de la fusée Titan II qui venait de placer le vaisseau en orbite, duquel Gemini devait se rapprocher à environ 7,50 mètres.

Mais un autre objectif avait été ajouté au programme. Le 18 mars, soit moins de trois mois auparavant, le cosmonaute soviétique Alexei Leonov était devenu le premier homme à quitter son vaisseau en combinaison spatiale et flotter librement dans le cosmos. Supportant mal cette nouvelle "première" du camp adverse, le directeur des vols humains de la Nasa, le Dr George Mueller décidait dans la foulée d'avancer cette nouvelle expérience, originellement prévue pour Gemini 6. Mais Gemini 3 devait prendre le départ seulement cinq jours après le succès soviétique, un délai évidemment trop court pour en modifier le programme… aussi, cette première sortie extravéhiculaire fut-elle ajoutée à la mission Gemini 4, trois mois plus tard.

Un délai aussi court était-il raisonnable ? Non, si l'on considère le temps nécessaire pour la préparation, les multiples entraînements, les dispositifs de sécurité à mettre au point. Oui, si l'on prend en compte le contexte du moment. Car on est en guerre. Une guerre "froide", qui s'est largement déportée sur le plan technologique, où il importe avant tout d'impressionner l'adversaire. Ou de le bluffer du côté soviétique, mais cela, on ne le saura que trente ans plus tard…

Modifications du programme

La sortie extravéhiculaire devait être accomplie par White au cours de la deuxième orbite. Pour cela, l'astronaute avait été équipé d'un pistolet-fusée en forme de guidon de bicyclette baptisé "Zip", qu'il pouvait utiliser pour se diriger dans l'espace en éjectant des bouffées de gaz d'une poussée de 500 et 250 grammes. L'appareil était aussi équipé d'une caméra chargée de 30 mètres de film 16 mm se déclenchant automatiquement en quittant la capsule. White était relié au vaisseau par un cordon ombilical de 7,50 mètres, longueur censée représenter la distance minimale entre l'étage de fusée et Gemini au plus près du vol. La consigne avait été donnée à White de se rapprocher autant qu'il le pouvait de la cible, et de la toucher de la main.

Mais tout ne se passa pas comme prévu… Après séparation au moment de la mise en orbite, l'étage de fusée se mit à culbuter rapidement sur lui-même, sans que les techniciens puissent tenter quoi que ce soit pour enrayer ces mouvements. Aussi, le directeur des missions habitées, Christopher Colombus Kraft (Christophe Colomb !) prit-il la décision d'annuler le rapprochement, ou plus exactement de le limiter à une distance de sécurité de 100 à 130 mètres.

White s'étant déclaré plus éprouvé que prévu à la suite des contraintes subies lors du lancement, la sortie fut reportée à la troisième orbite. A la verticale des îles Hawaii, l'astronaute tira sur la poignée de l'écoutille… et rien ne se passa. Le loquet commandant le verrouillage refusait de fonctionner. C'est alors que Mc Divitt se rappela que l'incident s'était déjà produit au cours d'une répétition au sol. Quelquefois, un des ressorts devant comprimer le loquet restait bloqué, et il avait pu voir comment le mécanisme fonctionnait. La même situation s'étant reproduite dans l'espace, il put ainsi aider Mc Divitt à débloquer l'écoutille, et pensa aussi pouvoir la refermer ensuite…

White s'élance !

C'est ainsi que White put enfin s'élancer dans le vide spatial au cours de la quatrième orbite, exécutant plusieurs expériences scientifiques comme des mesures de radiations ou de positionnement par rapport aux étoiles au moyen d'un sextant spatial. Mais quelques coups de pied contre la coque de Gemini et autres tractions sur le cordon ombilical s'avérèrent plus efficaces pour se déplacer que le pistolet, dont ce fut la seule apparition à l'affiche des vols spatiaux habités.

Après 21 minutes de vol libre, soit le double de Leonov, White réintégra (non sans s'être fait prier) sa capsule et referma l'écoutille. Toutefois, par mesure de précaution tout-à-fait justifiée, celle-ci ne fut pas rouverte par la suite, ainsi que le programme le prévoyait, afin de se débarrasser d'équipements devenus inutiles pour la suite de la mission comme l'encombrant cordon ombilical, les bouteilles d'azote du pistolet-fusée et une réserve d'oxygène supplémentaire que White portait sur lui lors de sa sortie. Précisons que contrairement au vaisseau Voskhod 2 de Leonov, Gemini ne comportait pas de sas, l'intérieur du vaisseau étant exposé au vide lors de la sortie.

Après 4 jours, 1 heure, 56 minutes en 2 secondes, Gemini 4 amerrit dans l'océan Atlantique par 27°44N et 74°11W, au terme de 62 orbites. Il s'agissait alors du plus long vol américain habité.

Il faut aussi noter que la mission Gemini 4, et notamment la sortie extravéhiculaire, était la première à être retransmise en mondovision dans 12 pays européens via Early Bird, premier satellite de télécommunications géostationnaire positionné au-dessus de l'Atlantique depuis seulement deux mois. Elle inaugurait aussi le nouveau centre de contrôle de la Nasa, situé près de Houston.

 
 

 
Edward White au moment où il s'élance dans le vide spatial. Ceédit : Nasa.
 
 
 

 
Edward White photographié par une caméra automatique qu'il a lui-même fixé sur
la coque de Gemini 4 dès qu'il s'est extrait de son vaisseau. Crédit : Nasa.
 

 

 
 
 

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