4 février 2015

 

Le graphène pourrait révolutionner le photovoltaïque

 
L'industrie du photovoltaïque est aujourd'hui largement dominée par les panneaux solaires de type silicium polycristallin, permettant un rendement moyen de 14,5 %, souvent jugé insuffisant face à l'investissement envisagé. Les promesses du graphène pourraient modifier la donne.

Les panneaux photovoltaïques actuels utilisent l'effet photoélectrique, principe selon lequel un photon peut arracher un électron à un atome. Deux couches de silicium polycristallin, l'une dopée positivement, l'autre négativement, sont en contact. Lorsqu'un électron est arraché, un creux se forme tandis qu'un électron s'échappe, formant ainsi une différence de potentiel au niveau de la jonction.

La promesse du graphène

Le graphène est-il capable de transformer la lumière en électricité ? C’est ce que suggèrent des chercheurs après avoir converti un seul photon non en un seul, mais en de multiples électrons. Une belle promesse pour l’avenir du photovoltaïque.

Ce matériau est devenu très populaire en raison de son extrême solidité et de sa légèreté. Généré en "pelant" du graphite ou par culture sur diverses matières, sa production est très rentable. Les études ont par ailleurs suggéré qu’il pouvait être utilisé comme matériau photovoltaïque et changer la lumière en électricité. Or, grâce à une méthode novatrice de spectroscopie, des scientifiques de l’EPFL viennent de démontrer que l’absorption d’un seul photon permet au graphène de générer suffisamment d’électrons pour produire un courant électrique. Leurs travaux sont publiés dans Nano Letters.
 
 

 

Structure moléculaire du graphène.

 
Le graphène est fascinant en termes de physique fondamentale. A température ambiante, il est par exemple un meilleur conducteur d’électricité que le cuivre, ce qui le rend attractif pour la réalisation de circuits ultrarapides. Il est en outre susceptible de conduire de l’électricité après avoir absorbé de la lumière, et pourrait donc être utilisé dans le domaine du photovoltaïque. Jusqu’ici, son potentiel en matière de conversion électrique efficace restait toutefois difficile à comprendre.

Il s’agit en effet d’un sacré défi, puisque ladite conversion s’effectue à l’échelle de la femto seconde - 10-15, soit un quadrillion de seconde - , soit beaucoup trop rapidement pour que les techniques usuelles puissent détecter le mouvement des électrons. Afin de surmonter cet obstacle, Jens Christian Johannsen et Marco Grioni du laboratoire de spectroscopie électronique de l’EPFL, leurs collègues de l’Université Aarhus ainsi que d’ELETTRA en Italie ont mis à profit une technique sophistiquée, appelée la "spectroscopie ultrarapide de photoémission résolue en temps et en angle" (trARPES). Leurs expériences ont été menées au très fameux laboratoire Rutherford Appleton d’Oxford.

Cette méthode consiste à placer un échantillon de graphène dans une chambre à vide. Celui-ci est frappé par un laser lumineux à impulsion ultrarapide, qui excite les électrons, les élevant ainsi à des stades énergétiques où ils sont capables de conduire un courant électrique. L’échantillon de graphène est alors soumis à des impulsions à retardement, qui prennent un cliché de l’énergie de chaque électron à un temps donné. Répétée à différents moments comme s’il s’agissait d’un film en stop motion, cette action capture la dynamique des électrons dans une séquence en direct.

Un seul photon, une foule d’électrons

Les scientifiques ont ensuite utilisé des échantillons "dopés" de graphène, auxquels des électrons ont été chimiquement ajoutés ou soustraits. Leurs observations ont révélé qu’en absorbant un seul photon, ce graphène dopé pouvait exciter plusieurs électrons, et ce proportionnellement à son degré de dopage. En effet, chaque photon excite un électron, qui retombe ensuite rapidement à son état énergétique usuel. Or, sa chute excite en moyenne deux électrons de plus. "Ce phénomène démontre qu’un système photovoltaïque au graphène dopé pourrait être efficace pour convertir la lumière en électricité", explique Marco Grioni.

Les scientifiques ont ainsi réalisé les toutes premières observations de l’effet de multiplication photon-électron du graphène, ce qui en fait un composant très prometteur pour tout appareil qui transforme la lumière en électricité. De nouveaux systèmes photovoltaïques pourraient en effet récolter de la lumière sur l’entièreté de son spectre avec des pertes énergétiques moindres.

Suite à ce premier succès, les chercheurs se donnent désormais comme objectif d’explorer des phénomènes similaires dans d’autres matériaux 2D, comme le sulfure de molybdène (MoS²), qui est déjà connu pour ses excellentes propriétés électroniques et catalytiques.

Sources :

Tunable Carrier Multiplication and Cooling in Graphene

Ultrafast Dynamics of Defect-Assisted Electron–Hole Recombination in Monolayer MoS²

 

 

 
Le graphène est un matériau bidimensionnel cristallin forme allotropique du carbone dont l'empilement
constitue le graphite. Il a été isolé en 2004 par Andre Geim, du département de physique de l'université
de Manchester. Pour cette découverte, Andre Geim a reçu, avec Konstantin Novoselov, le prix Nobel de
physique en 2010. Cette image de molécules de graphène a été obtenue par microscopie à force atomique
à l'Université de Californie.
 

 

 
 
 

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