6 janvier 2015

 

La rage, son mécanisme d'action enfin déchiffré

 
La rage est une maladie zoonotique causée par un virus de la famille des Rhabdoviridae et du genre Lyssavirus qui fut identifié en 1903 par le médecin et biologiste français Paul Remlinger (1871-1964). Généralement transmise par morsure, mais quelquefois par simple léchage, elle entraîne une encéphalite, provoquant une psychose et des agressions violentes de la part de l'individu infecté, bien qu'il existe aussi des formes plus frustes où le malade est particulièrement calme. L'issue fatale, conséquence de la paralysie des organes internes, est systématique si une vaccination ne peut être effectuée en temps voulu, c'est-à-dire avant l'apparition des premiers symptômes. Bien que la rage ait été pratiquement éradiquée dans certains pays d'Europe par la distribution, en pleine nature, d'appâts vaccinants, elle continue de faire entre 40.000 et 70.000 victimes chaque année dans les pays d'Afrique et d'Asie, où la maladie est endémique.

Après une infection humaine, soit par morsure ou simple léchage, le virus pénètre le système nerveux périphérique. Il voyage alors le long des nerfs vers le système nerveux central. Cependant son mécanisme d'action reste encore mystérieux. Une étude pionnière conduite à l'Université de Tel-Aviv a retracé le chemin précis du virus vers le système nerveux central. L'étude, publiée dans PLOS Pathogens, a été conduite par le docteur Eran Perlson et Shani Gluska de la Sackler Faculty of Medicine et de la Sagol School of Neuroscience, en collaboration avec le Friedrich Loeffler Institute en Allemagne.

Un virus pirate

Le système nerveux humain peut être divisé en une partie centrale et une partie périphérique. La partie centrale comprend le cerveau et la moelle épinière. Le système nerveux périphérique est constitué de tous les nerfs qui partent et retournent au système central.

Les cellules nerveuses sont des cellules extrêmement spécialisées, constituées d'un corps cellulaire (le soma) et d'une extension pouvant être très longue (l'axone). La communication inter-nerfs se fait à l'aide de réactions électrochimiques entre les axones et les somas de différents neurones, ou entre les axones et les autres organes du corps tels que les muscles. En plus de leur rôle de transmetteurs des impulsions électriques, les axones transportent des matériaux moléculaires tout le long de la fibre nerveuse.

Pour suivre le virus de la rage dans le système nerveux, les chercheurs ont cultivé des neurones sensitifs de souris dans une chambre d'observation et ont utilisé de l'imagerie sur cellules vivantes. Ils ont "vu" le virus pirater le système de protéines transportant les composants cellulaires le long des neurones et les conduisant directement vers la moelle épinière. Une fois arrivé, le virus a pris la première protéine transport disponible vers le cerveau, où il a entamé son action pathogène avant de continuer vers les autres organes, provoquant leur arrêt les uns après les autres.

"La rage ne fait pas que pirater la machinerie du système nerveux central, ce virus manipule également cette machinerie pour aller plus vite, explique le docteur Perlson. Nous avons montré que la rage pénètre dans un neurone du système nerveux périphérique en se liant au récepteur p75 chargé de capter un certain facteur de croissance du nerf, lui-même responsable de la santé des neurones car sa stimulation peut entraîner l'apoptose, c'est-à-dire l'autodestruction des cellules en réponse à un signal. La différence est que son transport est très rapide, plus vite même que les ligands endogènes, les petites molécules qui voyagent régulièrement le long du neurone et qui le gardent en bonne santé."

Pirater le pirate

Le Dr Perlson ajoute : "Le transport axonal est un processus délicat et crucial pour la survie des neurones et, lorsqu'il est perturbé, cela peut amener à des maladies neurodégénératives. Comprendre comment un organisme comme la rage manipule sa machinerie peut nous aider dans le futur pour restaurer le processus ou même le manipuler pour nos propres besoins thérapeutiques. [...] Il est également tentant d'utiliser la même machinerie pour faire pénétrer des médicaments ou des gènes dans le système nerveux."

En mettant en lumière la méthode grâce à laquelle le virus pirate le système de transport dans les cellules nerveuses pour atteindre son organe cible avec un maximum de vitesse et d'efficacité, les chercheurs espèrent que leurs découvertes vont permettre aux scientifiques de contrôler la machinerie neuronale pour traiter la rage et les autres maladies neurodégénératives.

Sources :

>>>  Rabies Virus Hijacks and Accelerates the p75NTR Retrograde Axonal Transport Machinery
>>>  Ambassade de France en Israël / ADIT

 

 

 
Graphe (d'après chiffres du CNEVA devenu 'AFSSA de Nancy) montrant l'inefficacité des campagnes d'empoisonnement et de piégeage du renard faites en France dans le cadre de la lutte contre la rage (réapparue dans le pays en 1968 ), et la très grande et rapide efficacité des campagnes de vaccination des renards débutées en 1988 (largage d'appâts vaccinants à partir d'hélicoptères). Sur la base des tendances antérieures et de ce qui a été constaté dans les pays comparables n'ayant pas vacciné les points bleus montrent ce qui se serait probablement produit (nombre de cas annuels de rage).
 
 
 

 
Micrographie au microscope électronique à transmission montrant de nombreux virions de la rage (petits bâtonnets gris sombre) et des corps de Negri (inclusions cellulaires plus larges pathognomoniques de la rage. Source Creative Commons.
 

 

 
 
 

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