8 janvier 2015

 

Comment fonctionnent les lucioles ?

 
Comment les lucioles produisent-elles de la lumière ? Grâce à des techniques d’imagerie de pointe, des scientifiques suisses et taïwanais lèvent enfin le voile sur ce mystère.

La famille des lucioles regroupe plus de 2000 espèces connues appartenant à l'ordre des coléoptères. Chez la plupart des espèces, la femelle est incapable de voler, d'où le surnom de "ver luisant", une appellation méritée par leur faculté d'émettre une lumière vive jaune à verdâtre, dans une longueur d'onde de 510 à 670 nanomètres.

Chez les mâles, cette émission lumineuse est produite par le dernier segment de l'abdomen, alors que les femelles émettent aussi par la face ventrale des deux avant-derniers segments et sont de ce fait beaucoup plus lumineuses. Même leurs œufs brillent dans l'obscurité. Les lucioles ont recours à de rapides flashs lumineux pour communiquer.

En 1887 déjà, le biologiste Raphaël Dubois (1849-1929, pharmacien, docteur en médecine, docteur ès sciences) avait déterminé que la réaction était due à une enzyme, la luciférase, agissant sur un substrat, la luciférine, avec nécessité de présence de dioxygène. Il a été démontré que ce sont des molécules d'oxyde nitrique émises par l'organisme qui contrôlent l'interruption du signal lumineux à un rythme clignotant propre à chaque espèce et que certaines espèces clignotent en groupe, ce qui permet aux mâles de mieux les détecter et de trouver une partenaire de leur espèce.

Cependant si le rôle joué par l'oxygène était incontestable, la façon dont les lucioles l’acheminent vers leurs cellules émettrices restait obscure. Or, grâce à des techniques d’imagerie novatrices, des chercheurs suisses et taïwanais viennent de découvrir comment ces coléoptères contrôlent la distribution d’oxygène pour allumer leurs cellules. Leur étude est publiée dans Physical Review Letters.

Nouvel éclairage sur la lanterne des lucioles

L’organe émetteur de lumière, appelé "lanterne", se situe dans l’abdomen des lucioles. Il ressemble à une série de tubes devenant de plus en plus fins, à l’image des branches d’un arbre se terminant en brindilles. Ce réseau de tubes a pour fonction de fournir de l’oxygène aux cellules de la lanterne, qui renferment de la luciférase. Il s’agit d’un mécanisme complexe, qui a rendu toute étude approfondie très difficile, et par là même sa reproduction pour des utilisations dans la vie pratique.

Pour cartographier la manière dont l’oxygène est acheminé vers les cellules lumineuses, Giorgio Margaritondo de l’EPFL, Yeukuang Hwu de l’Academia Sinica et leurs collègues de l’Université nationale Tsing Hua de Taïwan ont utilisé deux techniques d’imagerie sophistiquées. Ces technologies - la microtomographie synchrotron à contraste de phase et la microscopie par transmission de rayons X - permettent en effet de scanner une cellule simple, et même de dévoiler ce qu’elle contient.

En travaillant sur des lucioles vivantes, les scientifiques ont, pour la première fois, pu observer la structure complète de la lanterne, et proposer une évaluation quantitative de la distribution d’oxygène.

L’imagerie a ainsi montré que les lucioles détournent l’oxygène d’autres fonctions cellulaires et l’utilisent pour diviser la luciférine. Plus précisément, la consommation d’oxygène diminue à l’intérieur de la cellule, ce qui réduit la production d’énergie et met l’accent sur l’émission lumineuse.

Grâce au recours à des techniques novatrices, cette étude est la première à lever le voile sur la structure complète de la lanterne. Elle démontre également clairement comment cet organe est conçu pour la production de lumière. Giorgio Margaritondo relève une autre innovation: «Les technologies employées ont un avantage sur les rayons x conventionnels, qui peinent à différencier les tissus mous. Notre approche, basée sur les variations d’intensité lumineuse (contraste de phase) plutôt que sur l’absorption de lumière (rayons x usuels), nous a permis d’offrir une imagerie haute résolution de la fragile lanterne des lucioles.»

Cette étude est le résultat d’une collaboration entre l’EPFL et divers instituts taïwanais de l’Academia Sinica, l’Université nationale Tsing Hua, l’Institut de recherche des espèces endémiques, l’Université nationale de Taïwan et l’Université Cheng Kung.

Sources :

Physical Review Letters
Infoscience

 

 

 
(A) Photos montrant la position de lanterne (zone blanche) et expliquant les orientations des images radiographiques.
(B) et (C) Images (vues ventrales) en rayonnement X du système de trachées acheminant l'oxygène dans la "lanterne". Barre d'échelle: 200 um. Les structures détaillées du système de la trachée peuvent être clairement vus sans traitement spécial de l'échantillon.
(D) Image à contraste de phase montrant l'anatomie interne. Barre d'échelle: 400 µm.
(E) Image tomographique reconstruite représentant une vue en coupe transversale de l'abdomen. Les cernes gris correspondent aux trachées (flèches). Barre d'échelle: 100 um. D: Dorsale; V: ventrale; P: postérieure; L: lanterne; S: ouvertures; T: système trachéal.
 
 
 

 
Organe émetteur de lumière sur une luciole femelle adulte.
 

 

 
 
 

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