9 juillet 2015

 

Anticiper les conditions climatiques en Europe sur plusieurs années

 
Prévoir les conditions climatiques hivernales en Europe plusieurs années à l'avance relevait jusqu'ici du rêve, au mieux de la science-fiction. Le rêve est en passe de rejoindre la réalité.

Mille ans d’évolution de la circulation atmosphérique autour de l’océan Atlantique Nord ont été décryptés avec une finesse jamais atteinte, grâce aux chercheurs du laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques (EPOC/OSUA, Université Bordeaux / CNRS) et du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/OVSQ, CEA / CNRS / UVSQ), associés à une collaboration internationale. Aussi connues comme l’Oscillation Nord Atlantique (NAO), les variations de cette circulation définissent les changements de pression entre l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande, impactant le climat de l’hémisphère nord, en particulier le climat hivernal de l’Europe.

De nombreux travaux sont en cours pour prévoir l’Oscillation Nord Atlantique (NAO), d’une saison à l’autre. Ces variations de circulation de l’air autour de l’océan Atlantique Nord impactent le climat de l’hémisphère nord, et plus particulièrement de l’Europe, en hiver. Prévoir la NAO permettrait donc d’anticiper les conditions climatiques hivernales de l’Europe (précipitations, températures…). Mais pour évaluer la possibilité d'une prévision de la NAO sur une dizaine d’années, il est essentiel d’étudier sa variabilité passée à plus long terme, à l'échelle du millénaire.

Bien renseignées depuis le début du XIXe siècle, les variations de la NAO ne peuvent qu’être estimées à partir de mesures indirectes sur la période du dernier millénaire. Une première étude suggérait que, pendant la période médiévale, la NAO était « bloquée » en phase positive : c’est-à-dire que la différence de pression atmosphérique entre les Açores et l’Islande était toujours plus forte que la moyenne. Quand la NAO est en phase positive, les tempêtes hivernales sont dirigées vers le centre et le nord de l'Europe, où les hivers sont alors doux et humides, tandis que les hivers du sud de l'Europe et du Groenland sont plus froids et secs.

Cette anomalie de la circulation atmosphérique était jusque-là proposée comme une explication des conditions climatiques douces de l’Europe centrale et de l’Europe du nord pendant la période médiévale.

Une nouvelle méthode d’estimation, consolidée par les simulations

Dans la présente étude, les chercheurs ont construit une nouvelle estimation des variations de la NAO au cours du dernier millénaire, avec une résolution plus fine (année par année). Pour cela, ils ont pris en compte 48 enregistrements climatiques, issus d'archives naturelles autour de l'océan Atlantique.
 

 

 
Evolution de la NAO au cours du dernier millénaire. Les enregistrements météorologiques disponibles depuis 1820 sont représentés en noir. L’estimation antérieure issue de deux enregistrements est présentée en rouge. L'ensemble des reconstructions est représenté par l’enveloppe violette, et la meilleure estimation par le trait violet foncé.
 
Ils ont également dû utiliser une nouvelle approche statistique, qui permet d’évaluer la fiabilité de leur estimation : en appliquant cette méthode à six simulations du climat du dernier millénaire, ils ont montré que la combinaison de différents enregistrements climatiques provenant de différentes régions (et en particulier l’utilisation des carottes de glace du Groenland) permet d’estimer de manière plus fiable la NAO.

L’impact des éruptions volcaniques

Surtout, les climatologues identifient une réponse quasi-systématique de la NAO après les éruptions volcaniques majeures : deux ans après chacune des onze éruptions les mieux connues du dernier millénaire, la NAO devient presque systématiquement positive. C'est un phénomène qui avait été observé après l'éruption du volcan Pinatubo, en 1991, et qui est donc confirmé sur un ensemble d'évènements. Bien que ce mécanisme ne soit pas encore complètement compris, cela constitue une piste pour prévoir les conséquences d’une éruption volcanique majeure sur le climat européen en hiver.

Source principale :

A model-tested North Atlantic Oscillation reconstruction for the past millennium, Pablo Ortega et. al., Nature, juillet 2015, DOI: 10.1038/nature14518.
 

 

 
Lorsque la différence de pression entre l’anticyclone des Açores (A) et la dépression d’Islande (D) est plus faible que d’habitude (NAO -), la trajectoire des tempêtes se déplace vers le Sud de l’Europe, alors qu'elle se déplace vers le Nord dans le cas inverse (NAO +).
 

 

 
 
 

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