15 mai 2015

 

Le noyau de la Lune révélé par la lumière synchrotron

 
Les enregistrements sismiques obtenus grâce au programme spatial Apollo (Apollo Lunar Surface Experiments Package) fournissent des informations très précieuses sur la structure interne de la Lune. Cependant, ces données ne suffisent pas à déterminer la structure ainsi que les propriétés de son noyau. Afin de mieux interpréter les différentes propriétés sismiques, des mesures de densité et de vitesse du son dans le fer aux pressions et températures existant dans le noyau lunaire, ont été obtenues par des chercheurs de l’équipe Minéralogie des intérieurs planétaires de l’IMPMC (CNRS, UPMC, IRD, MNHN) et présentées dans la revue PNAS. Ce travail qui fournit de nouvelles clés pour comprendre les observations sismiques, a permis de modéliser précisément la composition et la structure du noyau métallique de la Lune.

Le fer est le constituant principal du noyau des planètes de type tellurique (dont la structure globale est similaire à celle de la Terre). Il adopte une structure hexagonale compacte (hc) dans les conditions du noyau interne de la Terre, tandis qu’une structure cubique à faces centrées (cfc) est attendue aux pressions plus modérées de corps planétaires plus petits, comme la Lune, Mercure ou Mars. Déterminer les propriétés physiques du fer à haute pression et température est donc essentiel pour la modélisation des noyaux planétaires.

Les chercheurs ont mesuré la densité et la vitesse de propagation des ondes de compression et des ondes de cisaillement dans le fer cubique à faces centrées aux pressions et températures caractéristiques des intérieurs des planètes telluriques de petites dimensions. Les expériences ont été effectuées sur des échantillons de fer comprimés jusqu’à 19 GPa et chauffés jusqu’à 1150 K dans des cellules à enclume de diamant sur la ligne de lumière ID28 de l'ESRF (European Synchrotron Radiation Facility, Grenoble). La vitesse du son a ainsi été déterminée par mesures de diffusion inélastique des rayons X, tandis que la structure cristalline et sa densité ont été déterminées par diffraction des rayons X.

Les résultats indiquent que la vitesse sismique actuellement proposée pour le noyau interne de la Lune est bien inférieure à celle du fer-cfc ainsi que des alliages de fer plausibles. Cet ensemble de données apporte donc de très fortes contraintes sur les modèles sismiques du noyau lunaire et des noyaux des petites planètes telluriques et a permis de construire un modèle direct de la composition, structure, densité et vitesse du noyau de la Lune. Plus précisément, la Lune semble posséder un noyau interne solide d’environ 250 km de rayon constitué de fer en structure cfc, entouré par une enveloppe relativement fine, d’environ 80 km d’épaisseur, d’un alliage liquide de fer et de souffre. La structure globale du noyau lunaire est donc similaire à celui de la Terre avec un noyau externe liquide beaucoup plus petit en proportion.

La figure ci-dessous montre le modèle proposé du noyau lunaire avec sa structure, sa composition, ses dimensions et les valeurs de la densité (ρ) et vitesses (VP – vitesse des ondes de compression; VS – vitesse des ondes de cisaillement).
 
 

 

Vue schématique de l'intérieur de la Lune et zoom sur le modèle de noyau proposé. Ce modèle résulte de la comparaison des observations sismiques par les missions Apollo et la densité et la vitesse de propagation du son mesurées en fonction de la pression et de la température sur le fer solide et sur les alliages liquides de fer-soufre. La densité moyenne du noyau interne solide est estimée à environ 7700 kg/m3, la vitesse de propagation des ondes de compression (VP) est elle entre 4750 et 5700 m/s, tandis que la vitesse de propagation des ondes de cisaillement (VS) est entre 2150 et 3450 m/s. Pour le noyau externe liquide la densité moyenne est de 6750 kg/m3 et la vitesse de propagation des ondes de compression (VP) est entre 3500 et 4100 m/s. Les ondes de cisaillement ne se propagent pas dans le noyau liquide.

 
Application du procédé sur Mars en 2016

L’approche, ici employée pour comprendre les propriétés du noyau de la Lune, peut être étendue à d'autres planètes, comme Mars. L’objectif premier de la mission Insight du NASA Discovery Program, dont le lancement est prévu en mars 2016, est d’installer une station sismique pour l'étude de l'intérieur de Mars, mise au point par l’IPGP, le CNES et l’Université Paris Diderot. Les résultats présentés ici et l’ensemble des données similaires seront essentiels pour interpréter les observations sismiques.

Sources :

Toward a mineral physics reference model for the Moon’s core. Daniele Antonangelia, Guillaume Morarda, Nicholas C. Schmerrb, Tetsuya Komabayashic, Michael Krischd, Guillaume Fiqueta, and Yingwei Feie - PNAS, 1417490112, 16 mars 2015.

CNRS, 31 mars 2015.

 

 
 
InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) est une mission du programme Discovery de la NASA qui placera un seul atterrisseur géophysique sur Mars pour étudier son intérieur profond. InSight est bien plus qu'une simple mission martienne, il s'agit d'un explotateur de planète de type terrestre qui abordera l'une des questions les plus fondamentales de la science du système planétaire et l'énergie reçue du Soleil : la compréhension des processus qui ont façonné les planètes rocheuses du système solaire interne (y compris la Terre) il y a plus de quatre milliards d'années.

En utilisant des instruments géophysiques sophistiqués, InSight plongera profondément sous la surface de Mars, en vue de détecter les traces laissées par les processus de formation d'une planète tellurique, ainsi que de mesurer les "signes vitaux" de la planète comme ses frémissements d'ordre tellurique et sa température interne.
 

 

 
 
 

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