22 juin 2015

 

Le Viagra peut-il empêcher la transmission du parasite du paludisme ?

 
Un effet inattendu du Viagra sur les globules rouges infectés par l'agent du paludisme pourrait être mis à profit pour élaborer un traitement réduisant la propagation du paludisme dans la population.

Une équipe de chercheurs du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes et de l’Institut Pasteur, en collaboration avec une équipe de la London School of Tropical Medicine and Hygiene, a découvert que le Viagra augmente la rigidité des globules rouges infectés par l’agent du paludisme, favorisant ainsi leur élimination de la circulation sanguine, ce qui pourrait réduire la transmission du parasite de l’homme au moustique.

Plasmodium falciparum, le parasite responsable du paludisme, se reproduit selon un cycle de développement complexe se déroulant en partie chez l’homme et en partie chez le moustique anophèle. Cependant, et il s'agit là d'un obstacle majeur pour l'éradication de la maladie, les traitements actuels contre le paludisme ne ciblent que les formes asexuées du parasite responsables des symptômes, mais pas les formes sexuées présentes lors de sa transmission de l'homme vers le moustique à l'occasion d'une piqûre. Or, ce sont ces dernières qui seront responsables de nouveaux cas, donc de sa propagation à grande échelle.

Ces formes sexuées, qui échappaient jusqu'ici à tout traitement, se développent dans les globules rouges contenus dans la moelle osseuse avant d'être libérées dans le sang. Celles-ci deviennent ainsi à la portée d'une piqûre de moustique qui pourra ensuite les transmettre à un autre individu. Or, et c'est ici que ça devient intéressant, les jeunes globules rouges, parasités ou non, sont déformables, une propriété permettant de franchir sans encombre les filtres contenus dans la rate en restant plusieurs jours dans la circulation sanguine. Les globules rouges plus anciens se rigidifient, sont arrêtés par la rate et éliminés. Les scientifiques ont donc tenté de rendre rigides les globules rouges infectés par le parasite du paludisme, et uniquement ceux-là, afin de provoquer leur élimination par la voie naturelle.

Les chercheurs ont démontré que les globules rouges accumulent au cours de leur existence l'Adénosine monophosphate cyclique (AMPc), un messager provoquant leur rigidification. Cependant, l'AMPc des globules infectés est dégradé par des enzymes appelées phosphodiestérases, qui rétablissent ainsi leur déformabilité... et leur immunité.

Ils se sont donc mis à la recherche d'inhibiteurs des phosphodiestérases et en ont identifié plusieurs en utilisant un modèle in vitro reproduisant la filtration de la rate. L'un d'entre eux est le sildenafil citrate, plus connu sous son nom commercial de Viagra. Les expériences ont démontré que cette molécule, administrée à la dose habituelle dans un but complètement différent, avait la propriété de rigidifier les parois des globules rouges infectés par le parasite du paludisme et favoriser leur élimination par la rate.

Cette découverte capitale ouvre la voie à une nouvelle approche de cette maladie. Modifier le principe actif du Viagra pour éviter son effet érectile ou découvrir d'autres inhibiteurs similaires pourrait permettre la mise au point d'un nouveau traitement prenant cette fois le paludisme à la base, non plus en soignant les personnes infectées mais en empêchant sa transmission.

Jean Etienne

Source : cAMP-Signalling Regulates Gametocyte-Infected Erythrocyte Deformability Required for Malaria Parasite Transmission (PLOS Pathogens du 7 mai 2015 - DOI: 10.1371/journal.ppat.1004815).
 

 

 
Moustique anophèle en plein travail. (Wikipedia)
 

 

 
 
 

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