23 juin 2015

 

Supprimer le black-out durant la rentrée atmosphérique d'un satellite

 
Lorsqu'un satellite entame sa rentrée atmosphérique et traverse les couches denses de l'atmosphère terrestre, l'échauffement génère autour de lui une couche de plasma ionisé infranchissable par les ondes électromagnétiques. Durant plusieurs minutes, plus aucune communication n'est possible, un problème de sécurité que des décennies de recherche ont tenté, en vain, de résoudre.

Plusieurs solutions avaient déjà été proposées, puis abandonnées, faute d'avoir convaincu. Il avait été constaté, par exemple qu'un objet présentant un nez pointu s'entoure d'une gaine de plasma moins épaisse, ce qui en atténue l'effet. Mais cette configuration va à l'encontre d'un freinage atmosphérique efficace et a été rejetée. Une autre technique, dite des "fenêtres magnétiques", a aussi été expérimentée. Elle consiste à aménager des couloirs à travers la gaine de plasma au moyen de champs magnétiques, permettant ainsi une communication entre les deux sens entre le satellite et le centre de contrôle. En pratique, les expériences au sol ont démontré qu'un champ de 0,15 tesla serait nécessaire pour obtenir un résultat valable. Mais applicable dans le cas de petits objets dont l'épaisseur de la couche de plasma est peu épaisse, elle exige cependant une source d'énergie telle dans le cas d'un vaisseau spatial de plusieurs tonnes qu'elle se révèle rapidement inenvisageable. Une troisième possibilité était d'injecter un liquide électrophile à travers la couche de plasma durant la phase critique. Une solution apparemment simple et qui donne toute satisfaction en laboratoire, mais qui se heurte rapidement au poids supplémentaire prohibitif de sa mise en pratique dans le cas d'un satellite.

Une solution née d'une constatation étrange

Pourtant, les gaines de plasma ne jouent pas toujours un rôle néfaste dans les communications entre un satellite en cours de rentrée atmosphérique (ou un véhicule hypersonique présenté dans divers projets) et l'extérieur. Une expérience conduite par A. Messiaen et P. Vandenplas, chercheurs à The Institution of Engineering & Technology, a démontré que dans certaines conditions, une gaine de plasma pouvait accroître l'intensité d'une onde électromagnétique au lieu de l'atténuer. Ils ont pour cela étudié le rayonnement d'une antenne sphérique entourée d'une couche de plasma et se sont aperçus que, dans certaines conditions, le rayonnement de l'antenne était plus puissant en présence de plasma que sans.

Cette expérience, qui remonte à… 1967, trouve aujourd'hui une explication relativement simple sous la plume de Xiaotian Gao et Binhao Jiang (Harbin Institute of Technology, Department of Electrical Engineering, Harbin, Heilongjiang, Chine). En résumé, on peut considérer la gaine de plasma comme un élément inductif du circuit d'antenne, et l'espace libre l'entourant comme élément capacitif.

Circuit oscillant

Pour faire simple et sans entrer dans des détails plutôt rébarbatifs, il est possible de comparer l'antenne et le plasma qui l'entoure comme un condensateur, soit un système de stockage d'énergie familier à tous ceux qui s'intéressent à tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'électronique, tandis que l'air environnant joue le rôle d'une inductance. Lorsque dans un circuit, un condensateur et une inductance sont couplés, ils peuvent former ce que l'on appelle un circuit oscillant.

"Lorsque que la fréquence de résonance est atteinte, l'énergie peut être échangée entre les deux éléments et sans perte, exactement comme le font les véritables capacités et inductances dans un circuit électronique", explique Xiaotian Gao. "En conséquence, le rayonnement électromagnétique peut se propager à travers la couche de plasma comme si elle n'existait pas", ajoute le chercheur.

Xiaotian Gao précise cependant que pour que cet effet de résonance fonctionne, il est nécessaire que la longueur d'onde de l'émission radio soit supérieure à l'épaisseur physique de la couche de plasma, de sorte que la solution serait inefficace si la fréquence de l'antenne était trop élevée.

Les propriétés de la couche de plasma peuvent aussi varier durant la rentrée, cela ayant une influence sur ses propriétés. Pour pallier cet inconvénient, Gao et ses collègues préconisent l'emploi d'une couche isolante d'épaisseur déterminée, composée d'un matériau isolant et résistant, entre la surface de l'antenne et le plasma, ce qui aurait pour effet d'en stabiliser l'effet. Cette "couche adaptée" comme il la nomme jouerait le rôle de l'isolant que l'on trouve entre les deux surfaces conductrices d'un condensateur et qui en détermine en partie les caractéristiques.

"Nous n'avons pas besoin de connaître très exactement les propriétés de la couche de plasma, mais seulement de déterminer les fourchettes de ces propriétés", explique Gao. "La 'couche adaptée' pourra être ajustée par un système de contrôle automatique, donc nous avons seulement besoin de connaître les plages pour nous assurer que l'ensemble du système fonctionnera de manière appropriée".

Jean Etienne

Sources principales :

A matching approach to communicate through the plasma sheath surrounding a hypersonic vehicle, Journal of Applied Physics # 117, 21 juin 2015.

A physical model of radiated enhancement of plasma-surrounded antenna, Physics of Plasmas # 21 (2014).

 

 

 
Pendant cette phase de rentrée, le vaisseau s'entoure d'une couche de plasma à très haute température faisant obstacle aux ondes radio et empêchant toute communication avec le centre de contrôle. Crédit : ESA.
 

 

 
 
 

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