1er mars 2015

 

Un mystérieux virus présent chez un humain sur deux vient seulement d'être détecté

 
Les scientifiques estiment que le nombre de cellules composant notre corps est dix fois moins important que le nombre de cellules des micro-organismes (bactéries, champignons…) et de virus peuplant notre système digestif. La connaissance de cette flore étant indispensable dans la mise au point de nombreux traitements, entre autres contre l'obésité et de nombreuses maladies inflammatoires, les chercheurs explorent sans relâche ce qu'ils considèrent la "matière noire" de la biologie, à l'instar de la matière noire de la cosmologie, cette importante composante de l'Univers dont on déduit la présence mais dont on ignore la nature.

Cette science s'appelle la métagénomique, et consiste le plus souvent à prélever un bout de milieu naturel, par exemple des matières fécales, et à dresser le catalogue des génomes que l'on y trouve.

Une équipe internationale de chercheurs dirigée par le professeur Robert A. Edwards, bioinformaticien à l'Université de San Diego, s'est intéressée en particulier au virome intestinal, c'est-à-dire aux séquences génétiques appartenant aux virus, essentiellement des bactériophages (ou phages). Et les résultats de cette étude sont interpellants…

La recherche a débuté sur un tout petit échantillon prélevé sur douze individus, tous de sexe féminin. Les scientifiques ont été surpris de constater la présence chez toutes les personnes en question, du génome d'un même virus, 97.000 paires de bases, qui ne correspondait à aucune entité connue. Un tel panel étant largement insuffisant pour apporter une conclusion, l'équipe a ensuite passé au crible de nombreux autres articles traitant de métagénomique concernant des centaines, ou des milliers d'autres individus provenant de divers continents. Et là, surprise, le même génome, parfaitement inconnu, était systématiquement présent chez toutes les populations testées, simplement rangé dans la catégorie "inconnus" car ne correspondant à aucune séquence virale cataloguée. Comme le souligne l'étude de Nature Communications, "tout le monde est d'accord pour dire que les inconnus sont importants, cependant ceux-ci sont en général ignorés"...

D'après les extrapolations effectuées par les chercheurs, un humain sur deux abriterait ce phage. "Cette observation", dit l'étude, "s'élève contre l'opinion communément admise que le virome intestinal est unique à chaque individu et elle suggère que quelques phages pourraient être fréquents chez les humains de par le monde." Etant donné qu'on ne le trouve pas chez les très jeunes bébés, on suppose que ce virus s'invite dans l'appareil digestif au cours de l'enfance. "Pour autant qu'on puisse en juger", explique l'un des auteurs de l'étude, Robert Edwards, chercheur à la San Diego State University, "il est aussi vieux que le sont les humains." Ainsi que l'explique un autre co-auteur, John Mokili, lui aussi de la San Diego State University, "il n'est pas inhabituel de partir en quête d'un nouveau virus et d'en trouver un. Mais c'est très inhabituel d'en trouver un qui soit commun à tant de gens. Il est étrange qu'il ait échappé si longtemps au radar."

Pour le moment, baptisé crAssphage (en référence au programme dit de "cross-assembly" qui a permis de déterminer sa présence), ce virus reste en quelque sorte virtuel. On sait qu'il est là, quelque part dans les intestins de milliards d'humains, mais on n'a pas encore vraiment mis la main dessus. Une fois qu'il sera isolé, les chercheurs espèrent déterminer à quelle bactérie de la flore intestinale il s'en prend et si cette attaque est bénéfique ou pas pour les hôtes.


Sources :

A highly abundant bacteriophage discovered in the unknown sequences of human faecal metagenomes (Nature Communications)

Novel Virus Discovered in Half the World's Population (San Diego State University)

 

 

 
Le professeur Robert A. Edwards.
 

 

 
 
 

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