1er avril 2015

 

La planète Mercure a été peinte en noir par les comètes

 

Depuis longtemps, les scientifiques sont intrigués par la surface de Mercure, beaucoup trop sombre au vu des modèles proposés. Une nouvelle recherche suggère que le carbone laissé lors du passage de comètes pourrait être l'agent assombrissant de la planète.

Dans un article publié le 30 mars dans Nature Geoscience, une équipe de scientifiques de l'Université Brown, située à Providence dans l'Etat de Rhode Island, a émis une nouvelle explication de la surface sombre, à peine réfléchissante, de la planète Mercure. Ils suggèrent qu'un "dépoussiérage" régulier de carbone de millions de comètes passant à proximité du Soleil a lentement peint Mercure en noir, et ce durant des milliards d'années.

La surface sombre de la planète est restée longtemps un mystère pour les astrophysiciens. Les planètes sans atmosphère sont connues pour être assombries par les multiples impacts de micrométéorites ainsi que par le bombardement de vent solaire, processus qui créent une mince couche de microparticules de fer sur la surface. C'est d'ailleurs le cas de la Lune, notre plus proche voisine. Mais les données spectrales de Mercure indiquent que sa surface comporte très peu de fer, et certainement pas assez pour justifier son aspect sombre.

"On a longtemps suggéré qu'un mystérieux agent assombrissant contribue à une très faible réflectance de la surface", a déclaré Megan Bruck Syal, chercheur postdoctorant au Lawrence Livermore National Laboratory qui a effectué cette recherche alors qu'il était étudiant diplômé à l'Université Brown. "Une chose qui ne avait pas été envisagée était que Mercure aurait été recouverte par beaucoup de matériel livré par les comètes".

Lorsque les comètes se rapprochent très près du Soleil, leur noyau commence souvent à se briser. Or celui-ci, tout comme la poussière cométaire, est composé de près de 25% de carbone, de sorte que Mercure, planète la plus proche du Soleil, est exposée à un bombardement continu de carbone provenant de ces astres agonisants. Bruck Syal a construit un modèle mathématique de ce processus, afin de déterminer à quelle fréquence et dans quelles proportions le matériel cométaire aurait atteint la planète ou se serait perdu dans l'espace. Ses calculs suggèrent qu'après des milliards d'années de bombardement, la surface de Mercure devrait être composée de 3 à 6% de carbone.

Un canon au service des chercheurs

Les chercheurs se sont ensuite tournés vers le NASA Ames Vertical Gun Range, un canon de plus de 4 mètres capable de propulser des projectiles à plus de 30.000 km/heure afin de simuler les impacts de météorites. Pour cette étude, l'équipe a lancé des obus contenant du sucre, un composé organique complexe imitant la matière organique présente dans les comètes. La chaleur libérée lors de l'impact brûle le sucre, libérant le carbone. Les projectiles ont été tirés sur un matériau qui imite le basalte lunaire, la roche qui constitue les taches sombres sur la face visible de la Lune. "Nous avons utilisé le modèle de basalte lunaire parce que nous voulions commencer avec quelque chose de sombre et déjà voir si nous pouvions l'assombrir encore", a déclaré Peter Schultz, professeur émérite de sciences géologiques à l'Université Brown et co-auteur de la nouvelle recherche.

Les expériences ont montré que de petites particules de carbone se sont profondément incrustées dans le matériau fondu de l'impact. Ce processus a réduit la quantité de lumière réfléchie par le matériau cible jusqu'à moins de 5%, soit environ la même proportion observée dans les parties les plus sombres de Mercure.

Fait important, l'analyse spectroscopique des échantillons d'impact n'a révélé aucune empreinte spectrale distincte, ce qui correspond à la signature spectrale de Mercure. "Nous démontrons ainsi que le carbone agit comme un agent d'assombrissement", a déclaré Schultz. "Du point de vue de l'analyse spectrale, il se comporte comme une peinture invisible".

Source :

Comet dust: Planet Mercury’s ‘invisible paint’ (Université Brown)

Jean Etienne

 

 

 
Le matériau généré par impact sans la présence de carbone à partir de matières organiques complexes, en haut à gauche, est plus léger que le matériel généré avec carbone, en haut à droite. Les images par microscopie électronique à balayage, dans la rangée du bas, montrent la structure et la texture des variations à plus petite échelle. Crédit : NASA / Ames Vertical Gun Range.
 
 
 

 
La chambre d'impact du canon vertical du NASA Ames Vertical Gun Range. A gauche, vue extérieure, à droite, vue intérieure. Crédit Nasa.
 
 
 

 
Le canon vertical du NASA Ames Vertical Gun Range, vue d'ensemble. Crédit Nasa.
 

 

 
 
 

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