10 février 2015

 

Une lumière zodiacale détectée autour d'autres étoiles

 
Il a fallu toute la puissance du VLTI (The Very Large Telescope Interferometer) pour arriver à détecter la lumière zodiacale – ou plutôt exozodiacale – à proximité du plan orbital de neuf étoiles proches. Cette observation confirme la présence d'une grande quantité de poussières dans l'environnement immédiat de certaines étoiles, susceptible de constituer un obstacle à l'imagerie directe de planètes de type Terre dans le futur.

Dans notre Système solaire, la lumière zodiacale est produite par la réflexion de la lumière du Soleil par les particules de poussière du milieu interplanétaire. Les matériaux qui la causent sont essentiellement des grains de matière éjectés par la queue cométaire de la famille de Jupiter (à 85 %) et non pas des poussières d'astéroïdes comme les scientifiques l'ont longtemps imaginé. Les astéroïdes contribuent à seulement 5 %, et les comètes en provenance du nuage de Oort à 10 %. Ces poussières sont réparties dans un volume en forme de lentille centré sur le Soleil et s'étendant bien au-delà de l'orbite de la Terre. Comme la plupart de ces particules sont situées près du plan de l'écliptique, la lumière zodiacale semble principalement en provenir.
 
 

 
Lumière zodiacale terrestre. Source Commons.
 
L'équipe d'astronomes dirigée par l'astrophysicien Steve Ertel a observé, au moyen de l'Interféromètre du Très Grand Télescope (VLTI), 92 étoiles voisines de notre Soleil dans le proche infrarouge, afin de détecter la lumière exozodiacale diffusée par la poussière chaude située non loin de leurs zones habitables respectives. Puis, ils ont combiné ces nouvelles données avec celles issues d'observations antérieures. L'intense lumière exozodiacale générée par les grains lumineux de la chaude poussière exozodiacale, ou par la réflexion de la lumière stellaire par ces grains, a été observée autour de neuf des étoiles ciblées.

La lueur observée dans le cadre de cette nouvelle étude constitue une version bien plus extrême de ce même phénomène. Cette lumière exozodiacale avait fait l'objet d'observations antérieures. Toutefois, cette étude constitue la toute première étude systématique de ce phénomène autour d'étoiles proches.

A la différence des observations antérieures, l'équipe n'a pas observé la poussière potentiellement constitutive de futures planètes, mais la poussière résultant de collisions entre planètes naines dont le diamètre n'excède pas les quelques kilomètres; ces objets, baptisés planétésimaux, ressemblent aux astéroïdes et aux comètes du Système Solaire. Ce type de poussière est également à l'origine de la lumière zodiacale qui emplit le Système Solaire.

"Si nous voulons étudier l'évolution des planètes de type Terre à proximité de la zone habitable, nous devons observer la poussière zodiacale présente dans cette région qui entoure d'autres étoiles" confie Steve Ertel, auteur principal de l'article, affilié à l'ESO ainsi qu'à l'Université de Grenoble en France. "Détecter et caractériser ce type de poussière autour d'autres étoiles constitue un moyen d'étudier l'architecture et l'évolution des systèmes planétaires".

Détecter la présence de poussière faiblement lumineuse à proximité d'une étoile centrale très brillante requiert de disposer d'outils d'observation dotés d'une résolution et d'un contraste élevés. L'interférométrie – qui repose sur la combinaison de faisceaux de lumière collectés simultanément par plusieurs télescopes – dans le domaine infrarouge constitue, à l'heure actuelle, la seule technique permettant de découvrir et d'étudier ce type de système.

En utilisant toute la puissance du VLTI et en poussant l'instrument à ses limites en termes de précision et d'efficacité, l'équipe a été capable d'atteindre un niveau de performance dix fois plus élevé environ que celui caractérisant les autres instruments disponibles dans le monde.

Pour chaque étoile, l'équipe a utilisé les télescopes auxiliaires d'1,8 mètre de diamètre reliés au VLTI. Lorsqu'une intense lumière zodiacale était détectée, ils sont parvenus à résoudre complètement les disques de poussière étendus, et à séparer leur faible lueur de l'éclat dominant de l'étoile.

Une découverte, de nouvelles questions

L'analyse des propriétés des étoiles entourées d'un disque de poussière exozodiacale a permis à l'équipe de découvrir que la poussière était principalement détectée autour des étoiles les plus âgées. Ce résultat pour le moins surprenant soulève un certain nombre de questions relatives à notre compréhension des systèmes planétaires. En théorie en effet, la production de poussière à partir de collisions entre planétésimaux est censée diminuer au fil du temps, à mesure que les planétésimaux sont détruits.

L'échantillon d'objets observés incluait également 14 étoiles autour desquelles la détection d'exoplanètes avait été rapportée. Dans les systèmes exhibant de la lumière exozodiacale, les planètes et la poussière occupent la même région. La présence de lumière exozodiacale à l'intérieur de ces systèmes planétaires est donc susceptible de perturber les études astronomiques à venir pour la détection d'exoplanètes.

Même faible, l'émission de la poussière exozodiacale complique la détection de planètes de type Terre au moyen de l'imagerie directe. La lumière exozodiacale détectée lors de cette campagne d'observations est environ 1000 fois plus intense que la lumière zodiacale émise à proximité du Soleil. A l'échelle du Système Solaire, le nombre d'étoiles entourées de lumière zodiacale est vraisemblablement bien plus élevé que le nombre d'étoiles détectées au cours de cette campagne. Ces observations constituent donc un simple premier pas vers des études plus détaillées de la lumière exozodiacale.

"Le taux élevé de détection à un tel niveau de brillance suggère qu'un nombre significatif de systèmes est susceptible de contenir de la poussière caractérisée par une émission plus faible, indétectable dans le cadre de notre campagne d'observations, mais certainement plus lumineuse que la poussière zodiacale du Système Solaire" ajoute Olivier Absil, co-auteur de l'étude, de l'Université de Liège. "La présence de cette poussière dans un si grand nombre de systèmes pourrait donc constituer un obstacle à de futures campagnes d'observations, basées sur l'imagerie directe d'exoplanètes de type Terre".

Source principale :

A near-infrared interferometric survey of debris-disc stars. IV. An unbiased sample of 92 southern stars observed in H-band with VLTI/PIONIER (Cornell University Library)
 

 

 
L'instrument PIONIER, montré ici dans le laboratoire du VLTI à Paranal Observatoire de l'ESO au Chili, est utilisé pour combiner la lumière des quatre télescopes auxiliaires de 1,8 mètre. La distance parcourue par la lumière depuis les télescopes doit être contrôlée avec une précision de l'ordre du centième de l'épaisseur d'un cheveu humain. Les quatre faisceaux pénètrent depuis le fond à droite puis, après avoir été calibrés, sont introduits dans le processeur optique (boîtier argenté portant une étiquette jaune), et finalement détectés par une caméra infrarouge située à l'intérieur du cylindre doré en haut à gauche. Crédit: ESO & B. Lazareff (LAOG)
 

 

 
 
 

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