26 mars 2015

 

Des chercheurs découvrent un matériau inutile mais terriblement prometteur

 
Le groupe de recherche du professeur Tomislav Friščić, du Département de chimie de l’Université McGill, s’est forgé une solide réputation dans le domaine peu connu, mais en pleine croissance, de la mécanochimie, où les transformations chimiques s’effectuent en concassant, broyant ou cisaillant des ingrédients à l’état solide. Des techniques faisant appel à la force brute plutôt qu’à des agents liquides très recherchés. "Votre moulin à café broie un produit, et le broyage de molécules dans un laboratoire repose sur un principe similaire", explique le professeur Friščić. L’usage de la force mécanique présente également un important avantage, puisqu’il permet d’éviter le recours à des solvants en gros nocifs pour l’environnement.

À la fin de 2012, une équipe transatlantique de chercheurs codirigée par le professeur Friščić a rapporté avoir observé une réaction de broyage en temps réel, à l’aide de rayons X à forte pénétration qui lui a permis d’observer les changements extrêmement rapides survenus lorsque le broyeur a mélangé, moulu et transformé des ingrédients simples pour en faire un produit complexe. Cette technique a permis aux chercheurs de découvrir un matériau organométallique de courte durée, doté d’une structure inhabituelle, et créé pendant le processus de broyage. Dans un article publié le 23 mars 2015 dans la revue spécialisée Nature Communications, les scientifiques l’ont appelé « katsénite », du nom de l’auteur principal de l’article, Athanassios D. Katsenis. Maintenant boursier postdoctoral à McGill, Athanassios Katsenis était alors étudiant en visite dans le groupe du professeur Friščić lorsque l’étude a été réalisée. Il a analysé la topologie du matériau ‒ la disposition et les connexions entre les nœuds structurels de son réseau cristallin ‒ et découvert que les résultats ne correspondaient à rien de connu.

Cette découverte apporte la première preuve concrète d’un phénomène dont les scientifiques soupçonnaient l’existence depuis longtemps : le broyage entraîne la création de phases temporaires caractérisées par des structures chimiques que les conditions habituelles ne permettent pas d’obtenir.

"S’il est peu probable que cette structure de type katsénite soit d’une quelconque utilité pratique, cette découverte représente une véritable percée qui influe sur notre compréhension du traitement à grande échelle des matériaux et ouvre la porte à un nouvel environnement propice à la création de structures auparavant inaccessibles", affirme le professeur Friščić. Par ailleurs, "c’est tout simplement formidable qu’un type de structure chimique porte le nom d’un chercheur mcgillois !".

Cette capacité à produire de nouveaux matériaux offre de nouvelles possibilités dans de nombreux secteurs, comme un certain nombre d'industries de base, de la transformation des minéraux à la fabrication pharmaceutique.

Ont également collaboré à cette étude un groupe de scientifiques dirigé par Ivan Halasz, de l’Institut Ruđer Bošković (Croatie), ainsi que des chercheurs de l’Institut Max-Planck pour la recherche sur l’état solide (Allemagne) et de l’Installation européenne de rayonnement synchrotron (France).

Source :

In situ X-ray diffraction monitoring of a mechanochemical reaction reveals a unique topology metal-organic framework (Nature Communications, 23 mars 2015).
 

 

 
( a ) la synthèse mécanochimique de ZIF-8, une molécule organométallique;
( b ) Fragment de la structure de ZIF-8 après recristallisation. Crédit Université McGill.
 

 

 
 
 

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