15 décembre 2015

 

La chasse aux ondes gravitationnelles est ouverte

 
Lancé le 3 décembre dernier à 04h04 TU par une fusée Vega d'Arianespace, le laboratoire LISA Pathfinder de l'Agence Spatiale Européenne est conçu afin de pouvoir détecter les ondes gravitationnelles prédites depuis le début du siècle précédent par Albert Einstein. Mais il ne le fera pas : car LISA n'est qu'un démonstrateur technologique, étape indispensable pour la mise au point du véritable détecteur, qui ne pourra être réalisé avant… 2034.

Les ondes gravitationnelles

En 1915, Albert Einstein dévoilait sa théorie de la relativité générale, qui prédit l'existence de déformations de l'espace-temps appelées ondes gravitationnelles. 100 ans plus tard, elles n'ont toujours pas été observées directement. Et pour cause : si leur existence n'est plus contestée, leur effet est extraordinairement faible, et leur détection un défi hors du commun, pratiquement inaccessible à notre technologie actuelle. Qu'on en juge plutôt : il est estimé qu'au passage d'une onde gravitationnelle à travers notre Système solaire, la déformation de l'espace-temps entraînerait une brève variation de la distance séparant la Terre du Soleil (150 millions de kilomètres) d'environ un dixième de millionième de millimètre.

Pourtant, les promesses d'une telle détection sont nombreuses, et amènerait un nouveau champ d'observation, l'astronomie gravitationnelle, afin d'étudier les objets astrophysiques à l'origine de ces ondes, produites par les phénomènes les plus violents de l'Univers, comme les explosions d'étoiles (supernovæ), la fusion de deux trous noirs ou celle de deux étoiles à neutrons. Elles se manifestent comme de minuscules rides qui se propagent sur le tissu de l'espace-temps et traversent l'Univers presque sans perturbation, contrairement aux ondes lumineuses.

LISA Pathfinder

La mission de démonstration LISA Pathfinder est destinée à tester les technologies nécessaires à leur détection et à leur mesure depuis l'espace. Le satellite arrivera dans trois mois sur une orbite stable entre la Terre et le Soleil, au point de Lagrange L1, à 1,5 million de kilomètres de notre planète, et deviendra alors, pendant six mois, le premier laboratoire gravitationnel dans l'espace.

Le satellite abrite deux petits cubes faits d'or et de platine, qui "flottent" dans des cavités distantes de 38 cm. Un système ultra-précis de micro-propulsion contrera les effets du vent solaire, afin de maintenir les deux cubes sur une orbite constante. Par ailleurs, le système mesurant par laser la distance entre ces deux cubes devrait être assez sensible pour détecter des variations de l'ordre de 10 à 100 picomètres (le diamètre du plus petit atome, l'hélium, est de 31 picomètres). Le rôle de ce démonstrateur est de s'assurer que les détecteurs peuvent être correctement isolés des perturbations extérieures, et de la fiabilité du système de mesure.
 

 

 
Cubes d'or et de platine flottant à l'intérieur du satellite, entourés du banc optique permettant la mesure de leur position. Crédit : ESA.
 

eLISA, la prochaine étape

LISA Pathfinder trace ainsi la voie à eLISA, dont la mission sera de réellement détecter et mesurer ces ondes gravitationnelles. Ici, plus de cubes flottant à 38 cm l'un de l'autre, mais une flottille de trois satellites placés à plusieurs millions de kilomètres l'un de l'autre. Des faisceaux laser entre les satellites mesureront cette distance en permanence, et détecteront la moindre perturbation, signe du passage d'une onde gravitationnelle.

En raison des extraordinaires défis à relever et de la technologie à mettre au point en se basant sur les résultats de LISA Pathfinder, eLISA ne sera pas lancé avant 2034. Mais sur Terre, d'autres outils sont déjà à l'œuvre dans la chasse aux ondes gravitationnelles. Installé près de Pise, l'instrument franco-italien Virgo (piloté par le CNRS et l'Istituto Nazionale di Fisica Nucleare) est constitué de deux tubes perpendiculaires de 3 km chacun. A l'intérieur de chaque tube circule, sous vide, un faisceau laser extrêmement précis, réfléchi plusieurs fois par un miroir situé à son extrémité. Au point de jonction des tubes, les faisceaux laser interfèrent et s'annulent mutuellement. Sauf si, au passage d'une onde gravitationnelle, le trajet de l'un des deux faisceaux a été étiré : la recombinaison n'est alors plus parfaite, et un signal lumineux est détecté… ce qui ne s'est jamais produit jusqu'à maintenant.

LIGO comprend deux installations (dans l'Etat de Washington et en Louisiane) similaires à celle de Virgo, si ce n'est que leurs bras sont un peu plus longs (4 km). Ils ont repris du service en septembre dernier sous le nom d'Advanced LIGO, après des travaux d'amélioration. Les données de LIGO et celles de Virgo sont partagées par les deux communautés, et leur traitement est effectué en commun.

Jean Etienne

Sources et informations complémentaires :

>>>  LISA Pathfinder et eLISA : pages du laboratoire APC.
>>>  Les ondes gravitationnelles et la relativité générale (Journal du CNRS, automne 2015 pp. 32 à 38).

 

 

 
eLISA sera constitué d'un ensemble de trois satellites maintenus à une distance rigoureusement constante, reliés par des faisceaux laser. Crédit : ESA.
 
 
 

 
Intégration de LISA Pathfinder au sommet du lanceur VEGA d'Arianespace. Crédit : ESA.
 

 

 
 
 

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