4 septembre 2015

 

Mélanger le réel et l'imaginaire, cause principale d'apparition des TOC

 
Bien que les symptômes du trouble obsessionnel-compulsif (TOC en abrégé) soient parfaitement connus des diagnosticiens, ceux-ci n'arrivaient toujours pas à établir un consensus sur les causes et les mécaniques qui les provoquent. Une nouvelle étude de l'Université de Montréal apporte à ce sujet un éclairage précieux.

Si le célèbre milliardaire américain Howard Hughes exigeait un nombre pair de petits pois dans son assiette, c'est parce qu'il souffrait de TOC. Mais pourquoi ?

Mélanger le réel et l'imaginaire, perdre contact avec le réel : voilà deux principales caractéristiques qui pourraient jouer un rôle dans le développement du TOC, nous apprend une nouvelle recherche, que l'on doit à une équipe de scientifiques du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal (Institut universitaire en santé mentale de Montréal) et de l'Université de Montréal, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Clinical Psychology.

"En général, les chercheurs sont d'accord sur les critères diagnostiques du TOC. Cependant, il n'y a pas de consensus sur les mécanismes qui les provoquent", déclare Frederick Aardema, codirecteur du Centre d'études sur les troubles obsessionnels-compulsifs et les tics (CETOCT) et professeur adjoint au Département de psychiatrie de l'Université de Montréal.

En 2011 déjà, la même équipe avait constaté que les personnes atteintes de ce trouble invalidant faisaient plus confiance en leur imagination et présentaient une forte tendance à se dissocier de la réalité. Aussi, les chercheurs se devaient-ils de confirmer cette constatation par une nouvelle étude auprès d'une population souffrant de TOC.

"Les théories sur le TOC stipulent que ce n'est pas le contenu de la pensée qui est en cause dans le développement des obsessions mais la façon dont ces pensées sont interprétées par la personne", poursuit Frederick Aardema. "Alors que la majorité des personnes vont écarter une idée si elles jugent qu'elle n'a pas de sens, une personne atteinte de TOC se dira que si elle pense comme cela, c'est qu'il y a une raison".

Protocole de l'étude

Les chercheurs ont réuni un groupe de 75 personnes souffrant de TOC et leur ont fait remplir un questionnaire détaillé, afin d'évaluer leur niveau de confusion inférentielle, soit le processus de raisonnement par lequel un doute obsessionnel s'installe, leurs traits de la personnalité schizotypique, c'est-à-dire leur besoin d'isolement social et d'anxiété durant des situations sociales, ainsi que leur état de dissociation, la force de leurs croyances obsessionnelles ainsi que leurs symptômes dépressifs et anxieux.

"D'abord, un doute obsessionnel s'installe par le biais de la confusion inférentielle. Les individus font des liens subjectifs entre des éléments distincts", explique Stella-Marie Paradisis, doctorante en psychologie à l'Université de Montréal et première auteure de l'article. "Par exemple, la personne croit que l'eau de la piscine municipale est contaminée car on y met du chlore, donc il y a inévitablement des bactéries dans l'eau. Ensuite, les traits de personnalité schizotypiques se caractérisent par des idées bizarres, des croyances rigides, un manque de discernement et une tendance à faire trop confiance à son imagination. Par exemple, la personne est convaincue que ce qu'elle entend ou lit aux informations la concernent personnellement et directement. Enfin, l'état de dissociation se manifeste par des pertes de contact avec la réalité et des trous de mémoire lors de certains événements, phénomène qui s'observe surtout chez les gens qui font beaucoup de vérifications. Certaines personnes trouvent qu'elles peuvent se comporter tellement différemment selon la situation, qu'elles ont l'impression d'être deux personnes distinctes".

Les résultats de l'équipe du CETOCT mettent en lumière le rôle important de la confusion inférentielle et de l'état de dissociation, qui apparaissent comme les indices qui prédisent le mieux l'apparition des symptômes du TOC. "Il semble que les personnes souffrant de TOC sont si absorbées dans leur obsession due à la confusion inférentielle qu'une coupure avec la réalité se produit", explique le professeur Aardema. "Concrètement, nous constatons que la personne ne fait pas confiance à ses perceptions sensorielles ou à son bon sens mais plutôt à son imagination. Par exemple, elle craint que ses mains soient contaminées par des bactéries, donc elle les lavera à plusieurs reprises car elle est convaincue que ses mains sont sales malgré qu'elles soient visiblement propres", conclut le chercheur.

Quant aux autres facteurs, comme que les symptômes anxieux et dépressifs, les traits schizotypiques et les croyances obsessionnelles, ils ne semblent pas jouer un rôle significatif dans le développement des symptômes des TOC, mais interviennent plutôt dans la sévérité du trouble.

Jean Etienne

Sources principales :

Overreliance on imagination may be a sign of obsessive-compulsive disorder (Université de Montréal).

Schizotypal, Dissociative, and Imaginative Processes in a Clinical OCD Sample (US National Library of Medicine).
 

 

 
Se laver trop fréquemment et frénétiquement les mains, un des signes de trouble obsessionnel compulsif.
 

 

 
 
 

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