9 septembre 2015

 

La découverte d'un virus géant figé dans le permafrost sibérien fascine et inquiète les scientifiques

 
En 2003, les chercheurs constataient que ce qu'ils avaient d'abord considéré comme une bactérie en raison de sa taille lors de sa découverte dans le début des années 90 était en réalité un virus, le plus gros alors connu. La saga des virus géants commençait. Dix années plus tard, une équipe de scientifiques conduite par Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie, du laboratoire Information génomique et structurale du CNRS et de l’université Aix-Marseille, découvrait une nouvelle famille de virus géants au large du Chili et de l'Australie, les Pandoravirus. Enfin en 2004, la même équipe découvrait Pithovirus sibericum, cette fois à l'état léthargique, dans les glaces du pergélisol sibérien âgées de 30.000 ans.

En examinant le même échantillon sibérien, Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie viennent de mettre en évidence la présence d'un nouveau virus géant, aussitôt baptisé Mollivirus sibericum, que certaines caractéristiques distinguent des trois premières catégories.

Pour obtenir ce résultat, les scientifiques ont introduit un échantillon du pergélisol sibérien dans une culture de bactéries de type Acanthamoeba castellani, une des "cibles" préférées des virus géants. Ils ont aussitôt constaté la prolifération de nombreuses sphérules de 500 à 600 nanomètres de diamètre, qu'ils ont identifiées comme un nouveau type de virus géants.

Mollivirus ne se distingue pas uniquement pas sa taille, mais aussi par la richesse de son génome. En effet, si le virus très commun de la grippe comporte une dizaine de gènes, à l'instar de la très grande majorité des autres virus, l'ADN de Mollivirus code 523 protéines. Son mode de propagation diffère aussi complètement de celui des autres virus géants identifiés jusqu'à présent.

Les virus géants précédemment identifiés, à l'instar de Pithovirus, se multiplient dans le cytoplasme de leur cellule-hôte dont ils n'utilisent que la machinerie nécessaire à la synthèse des protéines. Mollivirus sibericum fait appel à un procédé fondamentalement différent. S'il pénètre le cytoplasme de son hôte, dans ce cas une amibe, il y libère son ADN qui migre ensuite dans le noyau de l'organisme, dont il détourne les fonctions pour produire de 200 à 300 nouvelles particules virales qui seront ensuite libérées.

Ce mode de reproduction faisant intervenir le noyau de la cellule infectée, sa morphologie ou encore le contenu de son génome démontrent que Mollivirus n'appartient pas à la famille de Pithovirus, alors qu'il a été retrouvé dans le même échantillon de sol sibérien. Par contre, la découverte des deux familles figées à l'état léthargique dans un même échantillon suggère que la diversité de ces virus géants est très importante.

Mais tout ceci soulève une question. Si un seul échantillon de permafrost a pu fournir deux types de virus géants contemporains de l'Homme de Néandertal et aujourd'hui disparues, mais qui ont pu être remises en culture simplement au contact de bactéries, combien d'autres reste-t-il à découvrir ? Et quels peuvent être leurs effets au contact des populations humaines ou animales ?

Cette interrogation revêt toute son importance au vu du réchauffement climatique en cours qui conduit au dégel du pergélisol, ou même de l'exploitation minière de la région sibérienne.

Jean Etienne

Source principale :

In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y-old giant virus infecting Acanthamoeba (PNAS).

 

 
Images de Mollivirus sibericum.
A) Microscopie électronique à balayage de deux organismes isolés.
B et C) Microscopie électronique à transmission d'une section du tégument d'une particule virale de Mollivirus.
D) Microscopie optique (63x) d'une couche de Mollivirus.
Crédit: PNAS, doi: 10.1073 / pnas.1510795112.
 

 

 
 
 

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