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			Des dizaines de milliers d'expériences 
			scientifiques, médicales ou autres ont été réalisées en orbite par 
			plusieurs centaines d'astronautes de nombreuses nationalités. 
			Pourtant, pas un seul rapport n'a été jusqu'ici publié sur l'acte 
			reproducteur humain en apesanteur. Serait-ce donc sans intérêt ? 
			Si vous posez cette question à un responsable de 
			la NASA, vous aurez droit à un démenti catégorique. Et si vous 
			insistez en demandant pourquoi un acte aussi naturel et considéré 
			comme indispensable à l'équilibre émotionnel de l'Homme, ne l'est 
			soudain plus lorsqu'il s'agit d'envisager un isolement complet dans 
			un vaisseau pour une durée de plusieurs mois ou années, avec tous 
			les déséquilibres psychologiques potentiels qui peuvent en découler, 
			vous aurez alors droit à une réponse évasive du genre "vous 
			savez, ils n'auront vraiment pas le temps de penser à ça", ou 
			tout au mieux, à un sourire gêné. 
			 
			Pourtant, la question est cruciale. Elle l'est même de plus en plus 
			alors que des missions de longue durée sont envisagées à destination 
			de Mars et au-delà, et que la NASA elle-même annonce son intention 
			d'envoyer des couples mariés à bord de ses vaisseaux. Est-ce par 
			hypocrisie ou puritanisme que le sujet est systématiquement évité ? 
			Nous ne trancherons pas et examinerons d'abord l'aspect scientifique 
			du problème. 
			 
			Science et reproduction 
			 
			Car aspect scientifique il y a. Quel sera l'impact des rayonnements 
			cosmiques sur les cellules liées à la reproduction ? On sait, d'une 
			part, à quel point spermatozoïdes et ovules peuvent se montrer 
			sensibles à certains stimuli externes, au mieux en refusant de 
			fusionner, au pire en produisant des embryons atteints de 
			malformations. Et on sait d'autre part que le rayonnement 
			omniprésent dans ce "vide" qui ne mérite que très mal son nom peut 
			influencer, de façon parfois surprenante, l'organisme humain. 
			 
			Ainsi, les particules émises lors des éruptions solaires et qui 
			peuvent traverser sans le moindre problème aussi bien les parois des 
			vaisseaux spatiaux que les corps des astronautes. Ces derniers ne 
			s'en ressentent nullement, sauf lorsqu'elles frappent la rétine. 
			Elle provoquent alors l'apparition d'éclairs, comme un flash 
			traversant le champ de vision, ou une petite tache si la particule 
			frappe de face. Ce phénomène a été décrit pour la première fois lors 
			des vols Apollo vers la Lune, le vaisseau se trouvant alors au-delà 
			de la protection des ceintures de Van Allen, mais est aussi remarqué 
			lors du survol de l'anomalie de l'Atlantique Sud, où le bouclier 
			magnétique est affaibli. Il peut donc bien y avoir interaction entre 
			les rayons cosmiques et les cellules humaines. 
			 
			C'est pourquoi une attention toute particulière a toujours été 
			consacrée par les agences spatiales à la reproduction dans l'espace, 
			et à la survie des embryons obtenus ainsi qu'à leur condition 
			physique. Plusieurs programmes ont ainsi vu le jour et ont été 
			conduits, aussi bien à bord de satellites scientifiques automatiques 
			que des stations Saliout et Mir, et que de la Station Spatiale 
			Internationale. Nous ne les passerons pas en revue, mais citerons 
			certains faits. 
			Premières expériences... animales 
			 
			Les Russes semblent avoir effectué les premières expériences de 
			reproduction dans l'espace, et ce depuis 1979. Ainsi, cinq rats 
			femelles et deux mâles sont restés 19 jours en orbite, sans 
			engendrer de naissances après leur retour sur Terre. Mais il n'est 
			pas certain qu'ils aient copulé. Diverses expériences menées sur 
			des oeufs de grenouille montrent des anomalies de développement, et 
			semblent indiquer qu'une période de trois heures après la 
			fécondation requiert l'intervention de la pesanteur pour déplacer 
			certains éléments à l'intérieur de l'œuf et amorcer la symétrie 
			bilatérale. D'autres tentatives, effectuées dans une centrifugeuse à 
			bord de la navette en septembre 1992, ont abouti à la naissance de 
			440 têtards parfaitement formés. Les conséquences de l'irradiation 
			ont aussi fait l'objet d'examens au cours de ce vol, qui embarquait 
			2 carpes japonaises, 180 frelons israéliens, 400 mouches et 7200 
			asticots. 
			 
			Mais toutes les expériences ne se sont pas aussi bien déroulées. En 
			1989, un essai de fécondation d'œufs de poule en apesanteur s'était 
			conclu par la mort toujours inexpliquée de la totalité des embryons 
			après leur retour sur Terre. Autrement dit, les scientifiques, dans 
			ce domaine, marchent toujours sur des œufs… 
			 
			C'est en juillet 1994 que fut réalisé le premier accouplement 
			"officiel" en apesanteur. Il s'agissait de quatre petits poissons 
			téléostéens, le médaka Oryzias Latipes, abondant dans les rizières, 
			couramment élevé en aquarium et qui est un peu considéré comme 
			l'équivalent de la mouche drosophile chez les poissons par les 
			biologistes. Après avoir baptisé les mâles A et B, et les femelles C 
			et D, les chercheurs ont décidé de leur donner un vrai nom. Ils 
			devinrent donc Genki (actif), Cosmo (persévérant), Miki (futur) et 
			Yume (rêve). De la persévérance, il leur en fallut. La 21e tentative 
			d'accouplement fut la bonne, les poissons n'arrivant pas, jusque là, 
			à garder la position suffisamment longtemps pour copuler. 43 œufs 
			fécondés furent pondus, mais seulement 8 alevins en sortirent. 
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