15 octobre 2015

 

La comète 67P/Churyumov–Gerasimenko livre de nouveaux secrets

 
Alors que les données transmises par la sonde Rosetta infirment l'hypothèse selon laquelle certains éléments de notre planète auraient été apportés par les comètes durant sa formation, d'autres mystères trouvent une solution.

Parmi ceux-ci, la raison pour laquelle les premiers jets cométaires étaient apparus dans le "cou" du double noyau cométaire, c'est-à-dire depuis l'endroit le plus froid et recevant le moins de radiations solaires.

L’activité de la comète trahie par son ombre

L’imageur NAVCAM a révélé de façon inattendue que l’activité précoce de 67P, matérialisée par des jets de gaz et de poussières et encore mal comprise, se produisait principalement dans la zone concave du cou, entre les deux lobes principaux. Or, cette région est la moins exposée au Soleil et devrait être en moyenne plus froide, et donc moins propice à la sublimation de la glace que les autres régions de la comète.

Pour comprendre ce paradoxe les chercheurs de l’Observatoire de la Côte d’Azur ont utilisé un modèle thermophysique prenant en compte la conductivité thermique et la topographie complexe de la comète pour calculer une carte de température de sa surface au cours de ses rotations. Ce modèle leur a permis de mettre en évidence que la région du cou présentait entre août et décembre 2014 les variations de température les plus rapides en réponse au processus d’ombrage par les terrains environnants. Une nouvelle relation de cause à effet est donc mise au jour entre ces variations thermiques de surface et l’activité précoce de la comète.
 
 

 
67P/Churyumov–Gerasimenko en septembre 2014. Crédit Esa.
 
Il a déjà été observé que des variations rapides de température peuvent induire de la fracturation à la surface des petits corps du système solaire. Les auteurs proposent dans cet article que le taux d’érosion de la surface de la comète, lié à cette fracturation thermique, soit plus élevé dans le cou qu’ailleurs. Cette fracturation du matériau de surface permet la pénétration des radiations solaires plus en profondeur, ce qui expliquerait pourquoi la région du cou révèle à l’analyse plus de glace que les autres régions et pourquoi elle est la principale source de gaz de la comète.

Plus généralement, ces résultats suggèrent que la fracturation par effet thermique (formation du régolite) doit être beaucoup plus rapide à la surface des corps sans atmosphère présentant des concavités importantes (formation d’ombre) que ne le prévoient les estimations actuellement disponibles.

L’eau, le carbone, l’azote terrestre ne seraient pas d’origine cométaire

L’instrument ROSINA développé par une équipe internationale sous la coordination de Kathrin Altwegg (Université de Berne, Suisse) et embarqué à bord de la sonde ROSETTA, analyse ainsi la composition des gaz de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko par spectrométrie de masse. Cet instrument permet l'analyse élémentaire et isotopique de ces gaz.

Les résultats montrent ainsi que la glace cométaire est riche en deutérium, avec un rapport Deutérium/Hydrogène trois fois supérieur à la valeur des océans terrestres, ce qui interdit une filiation directe entre ce type de comète et l'eau terrestre.

Par ailleurs, pour la première fois un gaz rare, l'argon a été détecté dans une coma cométaire, et ce, en grande quantité. Les gaz rares sont importants en tant que traceurs de l'origine et de l'évolution des atmosphères des planètes internes (Vénus la Terre et Mars). Cette mesure d'argon confirme pleinement que les éléments majeurs qui forment l'atmosphère terrestre et les océans (l'eau, le carbone, et l'azote) ne peuvent provenir de comètes de type 67P, et auraient été apportés par des astéroïdes riches en volatils. Par contre, elles suggèrent qu'une fraction importante des gaz rares sont d'origine cométaire.

Cet instrument a également mesuré en continu la composition de la coma (H2O, CO2, CO, N2...) et a montré son hétérogénéité chimique. Ces mesures permettent de mieux connaître les conditions de formation de la glace cométaire, dont sa température (autour de 30 à 40 K ou -243 à -233°C).

Source principale :

Rapid temperature changes and the early activity on comet 67P/Churyumov–Gerasimenko (The Astrophysical Journal Letters, 810 :L22).
 

 

 
67P/Churyumov–Gerasimenko les 31 janvier et 3 février 2014. Crédit Esa.
 

 

 
 
 

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