16 octobre 2015

 

Les piles à combustible pourraient être écologiques si…

 
Chargées de promesses, les piles à combustible se présentent souvent comme la source d'énergie de l'avenir pour les voitures, mais aussi pour le chauffage de nos maisons. Sont-elles aussi écologiques que leurs promoteurs le prétendent ?

Le principe de fonctionnement d'une pile à combustible est simple, puisqu'il s'agit de récupérer l'énergie électrique produite par l'oxydation d'un gaz. Si nous faisons circuler un courant entre deux électrodes plongées dans un liquide, comme de l'eau, un dégagement d'oxygène et d'hydrogène se produira, cette expérience a été réalisée dans tous les laboratoires scolaires du monde. La pile à combustible fonctionne selon le processus inverse : mis en présence, oxygène et hydrogène se combinent et produisent de l'électricité, tout en dégageant de l'oxyde d'hydrogène, autrement dit, de l'eau chimiquement pure.
 
 

 
Principe de fonctionnement d'une pile à combustible.
 
Le serpent se mord la queue…

En pratique, la fabrication des piles à combustible reste complexe et coûteuse, notamment à cause de la quantité non négligeable de platine nécessaire (servant de catalyseur afin d'accélérer le processus) et au coût des membranes échangeuses d'ions séparant les deux électrodes. De plus, l'hydrogène n'existe en grande quantité sur Terre que combiné à l'oxygène (H2O, c'est-à-dire l'eau), au soufre (sulfure d'hydrogène, H2S) et au carbone (combustibles fossiles de types gaz naturel ou pétroles), et ne peut être isolé que par catalyse, c'est-à-dire en utilisant une quantité non négligeable d'énergie électrique. De l'électricité pour produire de l'électricité, le serpent se mord donc la queue…

Afin de déterminer si cette solution, présentée comme écologique, peut tenir la route, une équipe internationale de scientifiques placée sous la direction de l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche, ou Eidgenössische Materialprüfungs und Forschungsanstalt), en Suisse, a produit leur écobilan, lequel reste très… relatif.

Leur conclusion est claire : l'utilisation des piles à combustible sur les voitures n'est écologiquement judicieuse que si elles utilisent de l'hydrogène produit à partir de sources d'énergie renouvelables. Car cela n'a aucun sens de se brancher sur le réseau de distribution électrique pour produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau et l'utiliser pour faire le plein de ces voitures. Avec cette méthode, les émissions de CO2 par kilowatt/heure sont beaucoup trop élevées.

Réduire la pollution automobile par les piles à combustible ? Aucune chance !

L'hydrogène industriel est aujourd'hui produit en majeure partie à partir de gaz naturel, mais cela ne fait qu'ajouter une étape supplémentaire à la production du vecteur d'énergie et n'apporte aucun avantage écologique, au contraire même, puisque nos voitures à moteur à combustion interne produisent encore moins de pollution.

Et la comparaison écologique avec les actuelles voitures électriques tombe aussi à plat. En effet, il faut tout d'abord produire de l'hydrogène avec de l'électricité, puis cet hydrogène est ensuite utilisé sur la voiture pour produire de nouveau de l'électricité, induisant un effet désastreux sur le bilan énergétique total. En définitive, le conducteur qui utilise directement ce même courant pour charger la batterie de sa voiture électrique roule plus économiquement aussi plus écologiquement.

Dominic Notter et ses collègues illustrent parfaitement les différences entre les divers types de motorisation par des comparaisons. Dans cet exemple, on considère une petite voiture équipée d'un ensemble moteur délivrant une puissance de 55 kW, ainsi que le prix moyen de l'énergie électrique en Europe.

Le résultat est sans appel : avec une consommation supposée de 6,1 l/100 km, la petite voiture à essence présente le meilleur bilan énergétique après avoir parcouru 150.000 kilomètres. Elle est suivie par le véhicule similaire à moteur électrique classique, avec une charge environnementale légèrement supérieure comparable à une consommation d'essence de 6,4 l/100 km. Quant à la voiture équipée de piles à combustible utilisant de l'hydrogène produit à partir d'électricité provenant du réseau, son bilan est catastrophique puisqu'il équivaut, dans les mêmes conditions, à celui d'une voiture de sport luxueuse consommant 12,1 l/100 km.

Un espoir subsiste

Dominic Notter indique toutefois que ce bilan pourrait être totalement inversé si l'hydrogène était produit au moyen d'électricité provenant de sources d'énergie renouvelable, comme l'éolien ou le solaire. "A l'avenir nous pourrions conduire des voitures à pile à combustible qui utiliseraient de l'hydrogène produit avec l'énergie solaire", indique l'étude. "La voiture «zéro émissions» serait alors devenue réalité. En même temps, on pourrait trouver dans les sous-sol de nos habitations des petites centrales de cogénération utilisant elles aussi la technologie de la pile à combustible pour transformer le gaz naturel et le biogaz en électricité et produire encore «en passant» de la chaleur pour le chauffage du bâtiment".

Et de préciser que si cet objectif peut être atteint, la voiture à pile à combustible deviendra réellement concurrentielle, car sa fabrication consomme moins de ressources, son rayon d'action est beaucoup plus important que celui des véhicules électriques traditionnels et qu'une recharge en hydrogène ne prend pas plus de temps qu'un plein d'essence traditionnel.

Le chercheur indique aussi que les piles à combustible pourraient devenir une technologie répandue si, dans le futur, l'électricité excédentaire produite à partir de l'énergie éolienne et solaire pouvait être stockée sous forme d'hydrogène et s'utiliser pour le chauffage domestique et la mobilité. Actuellement les centrales éoliennes sont tout simplement arrêtées lorsqu'il y a un excédent de courant sur le marché. Une énergie écologique qui se perd donc sans être utilisée, à la grande joie des pétroliers…

Jean Etienne
 

 

 
Equipée de piles à combustible, la Venturi Buckeye Bullet 2 a atteint la vitesse de 487 km/h en 2009. Mais n'espérez pas la conduire…
 

 

 
 
 

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