5 janvier 2016

 

La Chine exploite un télescope sur la Lune depuis 2 ans

 
Tous les astronomes en rêvent. La Chine, elle, a réalisé ce rêve en 2013 lorsque la sonde Chang'e 3 s'est posée dans la Mer des Pluies, avec dans ses bagages un télescope ultraviolet qui, aujourd'hui encore, fonctionne parfaitement.

Lancée le 1er décembre 2013, Chang'e 3 (du chinois : 嫦娥三号 ; pinyin : cháng'e sān hào, de Chang'e, déesse de la Lune dans la mythologie chinoise) était la troisième sonde chinoise destinée à l'exploration de la Lune. Mais contrairement aux deux premières qui se contentaient de rester en orbite lunaire, celle-ci s'est posée en douceur le 14 décembre sur le sol de notre satellite. Alors que toute l'attention se portait sur le rover, baptisé Yutu (Lapin de Jade), qui se libérait de l'engin et se mettait à rouler sur le sol sélène, les nombreux instruments équipant l'atterrisseur entraient aussi en action.

Parmi eux, un télescope ultraviolet de 15 centimètres (LUT) auquel les media se sont fort peu intéressés, malgré un intérêt scientifique indiscutable. En effet, en l'absence d'atmosphère sur la Lune, la lumière ultraviolette des objets célestes est facilement observable, ce qui n'est pas le cas à la surface de la Terre. Autre avantage, et ce n'est pas le moindre, la journée lunaire étant 27 fois plus longue que la journée terrestre, il est possible d'étudier une même étoile durant une douzaine de jours sans interruption.
 
 
 
Le télescope LUT installé à bord de Chang'e 3. Crédit : China National Space Administration (CNSA).
 
Cet instrument a une ouverture de 150 mm, la poursuite des objets étant assurée via un miroir de renvoi disposant d'une suspension à la cardan. Le détecteur CCD pour les observations dans la bande ultraviolette utilise des pixels de 13 micromètres, et couvre une plage de longueur d'onde de 245 à 340 nanomètres, permettant l'observation d'étoiles jusqu'à une magnitude apparente de 13. Le télescope doit permettre d'étudier les galaxies, les étoiles binaires, les noyaux galactiques actifs et les étoiles les plus brillantes afin d'étudier la variabilité de ces objets pour examiner la température et le taux d'accrétion dans le but de mieux comprendre les atmosphères stellaires et d'améliorer les modèles actuels.

J. Wang, de la National Astronomical Observatories, Chinese Academy of Sciences, vient de publier le résultat des 18 premiers mois d'observations à l'aide de cet instrument unique. Cette période couvre l'étude de 40 étoiles, effectuée en quelque 2000 heures.

Les astronautes de la mission Apollo 16 disposaient aussi d'un télescope UV, mais il était manuel et ne pouvait être télécommandé depuis la Terre ; il a été utilisé pour prendre des images de notre planète, d’étoiles, et du Grand nuage de Magellan. LUT fonctionne en permanence depuis deux ans, ce qui constitue un sacré défi, car l'environnement lunaire est particulièrement hostile, chargé de poussière très abrasive mettant à mal les composants électroniques. Pour cette raison, LUT est replié à l'intérieur de l'atterrisseur durant les périodes correspondant au lever et au coucher du Soleil, moments où la poussière lunaire est la plus dévastatrice. Une précaution qui lui a valu une durée de fonctionnement largement supérieure aux prévisions, puisqu'à l'origine, sa durée de vie était estimée à 12 mois.

 
En astronomie, le télescope Ritchey-Chrétien est un télescope de type Cassegrain particulier, conçu pour éliminer l'aberration optique appelée coma. Ce type de télescope fournit un champ d'observation relativement large comparé à une conception plus conventionnelle. Dans le télescope Ritchey-Chrétien, le miroir primaire et le miroir secondaire sont hyperboliques. Il fut inventé au début des années 1910 par l'astronome américain George Willis Ritchey (1864–1945) et l'astronome français Henri Chrétien (1879–1956).

Le télescope spatial Hubble est de type Ritchey-Chrétien, ainsi que la plupart des très grands instruments actuels, dont :

Les deux télescopes de 10 m de l'observatoire Keck.
Les quatre télescopes de 8,2 m du Very Large Telescope au Chili.
Les deux télescopes de 8 m de l'observatoire Gemini.
Le Gran Telescopio Canarias de 10,4 m à l'observatoire du Roque de los Muchachos.
Le télescope Subaru de 8,2 m à l'observatoire du Mauna Kea.

Le célèbre télescope Hale de 5 mètres du Mont Palomar, mis en service en 1949 et qui resta durant plusieurs décennies le plus grand du monde, aurait aussi dû être de type Ritchey-Chrétien. Sa conception aurait ainsi fourni des images encore plus nettes sur un champ d'observation plus large, malheureusement il n'en fut rien, suite à une brouille entre George Willis Ritchey et George Ellery Hale.

Jean Etienne

Source principale :

18-Months Operation of Lunar-based Ultraviolet Telescope: A Highly Stable Photometric Performance (Cornell University Livrary – DOI: 10.1007/s10509-015-2521-2.

 

 

 
M101, également appelée NGC 5457 ou galaxie du Moulinet, observée au moyen du télescope lunaire LUT. Depuis la Terre, ses bras spiraux ne sont visibles qu'au moyen des plus grands instruments.
Crédit : China National Space Administration (CNSA).
 
 
 

 
Le rover Yutu, photographié par l'atterrisseur Chang'e 3. Crédit : China National Space Administration (CNSA).
 

 

 
 
 

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