22 janvier 2016

 

Il y a 10.000 ans, les humains se massacraient déjà

 
Un groupe de 27 squelettes humains fossilisés présentant diverses mutilations et traces de violence ont été découverts dans le site archéologique de Nataruk, à 30 kilomètres du lac Turkana, au Kénya. Ils confirment l'idée selon laquelle les humains se massacrent systématiquement depuis la nuit des temps.

Par la même occasion, cette découverte infirme l'idée selon laquelle le génocide n'existait pas dans les premiers âges de l'humanité. Et une question s'impose : notre tendance à nous massacrer est-elle un cadeau de l'évolution, ou dérive-t-elle d'un sens intense de la propriété apparu avec l'agriculture ?

Car la majorité des individus de ce groupe de pacifiques chasseurs-cueilleurs, comprenant hommes, femmes et enfants, dont la mort remonte entre 9500 et 10500 ans selon la datation au radiocarbone, ont subi des blessures telles que des traumatismes extrêmes provoqués par une force inouïe, des os brisés et des blessures par flèche dans le cou. Plusieurs projectiles en pierre ont été retrouvés à l'intérieur du crâne et du thorax de deux hommes, et la position de plusieurs squelettes, dont celui d'une femme enceinte, ont été retrouvés dans une position qui suggère qu'ils ont été attachés avant de les abattre.
 
 

 
Les restes d’une femme enceinte, avec les mains attachées, dans un massacre datant de 10 000 ans. Crédit : Université de Cambridge.
 
Selon Marta Mirazón Lahr, chercheuse en biologie évolutive humaine et directrice du laboratoire Duckworth à l'Université de Cambridge, ces restes humains démontrent l'existence en cette époque reculée d'un génocide intentionnel commis sur un groupe d’agriculteurs, qui n'ont pas été enterrés afin de servir d’exemple.

Aujourd'hui réduit à l'état de garrigue, Nataruk devait être une région fertile et boisée sur les rives d'un lagon, une localisation enviable qui a dû être à la source du conflit. Selon les archéologues, ses habitants connaissaient déjà le concept de propriété, les réserves de nourriture étant stockées par les femmes et les enfants dans des pots. Il n'est donc pas exclu que la cause première de ce massacre soit le pillage. Mais il est également possible qu'il ait résulté de ce que l'on appelle une rencontre antagonique entre deux groupes à cette époque.

Et justement, selon Marta Mirazón Lahr, un tel massacre suite à la rencontre de groupes voulant s'emparer de leurs réserves respectives était fréquent parmi les chasseurs-cueilleurs, avec destruction complète des habitations et de leurs occupants. Un massacre antagonique, à l'inverse, ne se traduisait "que" par la mort des hommes, les vainqueurs s'emparant des femmes et des enfants. Dans le cas présent, on découvre 27 personnes décédées, dont 21 adultes (8 hommes, 8 femmes et 5 de sexe indéterminé) et 6 enfants. L'hypothèse du pillage reste donc privilégiée.

Un carnage venu d'ailleurs…

Bien entendu, les chercheurs ignorent qui a massacré ces personnes. Un indice existe cependant, car certaines blessures ont été faites au moyen de pointes de flèches en obsidienne, une roche volcanique vitrifiée qui n'est pas utilisée dans la région. Cela semble donc indiquer que les deux antagonistes appartenaient à des territoires différents, et même très éloignés, selon Marta Mirazón Lahr.

Jean Etienne

Sources principales :

Inter-group violence among early Holocene hunter-gatherers of West Turkana, Kenya. Nature, 2016; 529 (7586): 394 DOI: 10.1038/nature16477.
Evidence of a prehistoric massacre extends the history of warfare (Science Daily).
 

 

 
Crâne ayant subi des traumatismes très violents. Crédit : Université de Cambridge.
 

 

 
 
 

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