24 mars 2016

 

Mais pourquoi le zèbre est-il rayé ?

 
La question déchire les scientifiques depuis près de deux siècles, sans apporter de réponse définitive. Jusqu'à l'arrivée de Tim Caro, biologiste à l’université de Californie.

Rayures noires sur fond blanc, ou rayures blanches sur fond noir ? Cet animal étrange aura suscité bien des questions. Mais la plus importante d'entre elles, le "pourquoi" de ces rayures, n'avait jamais reçu de réponse définitive. Et cela agaçait les scientifiques, car la nature ne produit jamais rien sans raison…

De (trop) nombreuses réponses

Diverses hypothèses ont été émises depuis près de deux siècles pour expliquer cette étonnante particularité. Ont ainsi été évoqués une forme de camouflage, un cryptage visuel qui désorienterait les prédateurs, un dispositif particulièrement élaboré de contrôle thermique, un code social permettant aux différentes tribus de se reconnaître entre elles…

Le camouflage était resté l'hypothèse la plus répandue, sinon la plus acceptée. Fin 19ème siècle, Wallace et Darwin, les deux pionniers de la théorie de l'évolution, se sont violemment opposés à ce sujet, le premier soutenant que dans les forêts, les rayures dissimulent l'animal aux yeux des prédateurs, tandis que le second, plus dubitatif, faisait remarquer que le zèbre évolue le plus souvent en plaine… Tim Caro, biologiste à l'Université de Californie, s'en étonne : "Cette hypothèse me paraît bien étrange, car ce que nous voyons si bien, ce qui distingue le zèbre, servirait alors à le camoufler…".
 
 

 
Le Zèbre de Grévy (Equus grevyi), également connu sous le nom de Zèbre impérial, vit au Kenya et en Ethiopie. Il s'agit de l'espèce de zèbre la plus menacée, 3000 individus sont actuellement dénombrés.
 
Scientifique britannique installé aux Etats-Unis, Tim Caro et sa collègue Amanda Melin, de l'Université d'Alberta, au Canada, ont repris cette étude et étudiant l'œil des deux principaux prédateurs du zèbre, le lion et la hyène. En étudiant la taille et la densité des cônes et bâtonnets qui en composent la rétine, ils ont déterminé que ces deux animaux ne percevaient pas les couleurs, mais que leur vision était en outre médiocre à longue distance.

En effet, alors que l'homme perçoit les rayures des zèbres des plaines à 180 mètres, le lion ne les distingue qu'à 80 mètres et la hyène à 48 mètres. Dans la pénombre, ces chiffres passent respectivement à 45 et 27 mètres, et la nuit, tous les zèbres sont gris à partir de 11 mètres. " Or, à ces distances, les prédateurs ont déjà entendu et surtout senti l’animal ; le camouflage est donc inopérant ", précise Amanda Melin. "Quant au brouillage, il ne tient pas la route, car dans la nature, quand un lion saute sur un zèbre, il ne le rate jamais", renchérit Tim Caro.

Le biologiste anglais écarte de même m'hypothèse d'un code entre pairs, observant que la plupart des autres équidés ont la même organisation sociale sans disposer de rayures. Quant à la théorie selon laquelle il s'agirait d'un système de contrôle thermique via des courants de convexion entre bandes noires et blanches, elle l'amuse plutôt : "Ce serait vraiment très faible, et ça ne marcherait qu'à l'arrêt et sans le moindre souffle de vent".

Les rayures : un dispositif antiparasitaire

Pour le scientifique, une seule théorie tient la route : il s'agit d'un dispositif antiparasites, et il le prouve. En effet, en enduisant de glu des chevaux de bois peints de différents motifs, l'expérience a montré que les rayures éloignaient les insectes comme des répulsifs.

En effet, en enduisant de glu des chevaux de bois peints de différents motifs, l'expérience a démontré que les surfaces rayées opéraient comme des répulsifs. En avril 2014, dans Nature Communications (v. sources), Tim Caro avait déjà renforcé ces résultats par une étude multifactorielle de répartition géographique des différents ongulés et insectes.

"Mais, comme toujours en science, les réponses ouvrent de nouvelles questions", sourit le biologiste. Il entend s’attaquer très vite aux deux premières : "Pourquoi les mouches détestent-elles les rayures ? Et qu’ont-elles de si terrible pour avoir poussé les zèbres à changer de robe ?"

Et vous, allez-vous porter des vêtements rayés cet été pour échapper aux insectes ?

Jean Etienne

Sources principales :

Zebra Stripes through the Eyes of Their Predators, Zebras, and Humans (Plos One, 22 janvier 2016, DOI: 10.1371/journal.pone.0145679).

The function of zebra stripes (Nature Communications, art. 3535 DOI:10.1038/ncomms4535, avril 2014).

 

 

 
Nombre d'insectes (Tabanus horsefly, parasite des Equidés notamment), recueillis sur les faux zèbres enduits de glu, en fonction de la largeur des bandes. Crédit : Tim Caro.
 

 

 
 
 

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