29 février 2016

 

Les antidépresseurs pris durant la grossesse augmentent considérablement le risque d'autisme chez l'enfant

 
Une étude effectuée au Québec sur 145.456 enfants révèle de façon formelle que la prise d'antidépresseurs par les futures mamans durant les 2ème et 3ème trimestres de la grossesse provoque une augmentation de 87% du risque d'autisme chez les enfants.

Ce résultat vient d'être publié par la professeure Anick Bérard, de l'Université de Montréal et du CHU Sainte-Justine, spécialisé dans les soins pré et post-nataux. Selon la chercheuse, "alors que le risque d'autisme chez les enfants est normalement de 1%, ce taux atteint 1,87%, soit près du double en cas de traitement par antidépresseurs. Et celui-ci dépasse les 2% parmi les futures mamans utilisant des ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine), les antidépresseurs les plus utilisés". Et de citer les Paxil (Deroxat, Seroxat), Prozac, Zoloft (Sertralin, Lustral, Apo-Sertral, Asentra, Gladem, Serlift, No-Dep, Stimuloton, Xydep, Serlain, Concorz), et Celexa (Citalopram).

"Ces constatations ne peuvent s'expliquer par la dépression de la mère, car elles se situent au-delà du risque d'autisme simplement associé à la dépression maternelle", insiste Mme Bérard, car "85% des femmes dont le cas a été étudié n'étaient atteintes que de dépression légère à modérée pour laquelle d'autres options de traitement étaient d'ailleurs envisageables".
 
"Les diverses causes de l'autisme demeurent incertaines, mais des travaux ont démontré que la génétique et l'environnement pouvaient tous deux représenter des facteurs de risque", explique-t-elle encore. "Notre étude a permis d'établir que la prise d'antidépresseurs, particulièrement les ISRS, pendant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse, faisait presque doubler le risque d'autisme chez l'enfant".

Une étude d'une énorme ampleur

Cette étude, d'une ampleur exceptionnelle puisqu'elle a porté sur pas moins de 145.456 enfants depuis leur conception jusqu'à l'âge de 10 ans, ne se limitait pas au simple diagnostic d'autisme et à l'élaboration de statistiques, mais englobait un ensemble de détails qui ont permis à l'équipe de quantifier les effets précis des médicaments antidépresseurs.

Par exemple, elle a permis d'établir que certaines personnes sont génétiquement prédisposées à l'autisme par antécédents familiaux. L'âge de la mère et la dépression sont aussi des composantes potentiellement associées à l'apparition de l'autisme, tout comme certains facteurs socioéconomiques telle la pauvreté, et l'équipe a été en mesure de prendre tous ces éléments en compte. "Nous avons défini l'exposition aux antidépresseurs comme 'au moins une ordonnance d'antidépresseurs remplie pendant le deuxième ou le troisième trimestre de la grossesse'. Nous avons choisi cette période parce que c'est pendant celle-ci que le cerveau du bébé franchit une étape cruciale de son développement", indique la professeure.

"Puis parmi tous les enfants sur lesquels portait l'étude, nous avons ensuite retenu ceux chez qui une forme d'autisme avait été diagnostiquée en vérifiant les dossiers médicaux faisant état d'autisme infantile, d'autisme atypique, du syndrome d'Asperger ou d'un trouble envahissant du développement. Enfin, nous avons recherché une association entre les deux groupes d'enfants et nous en avons trouvé une très importante : un risque accru de 87 %. Les résultats sont demeurés inchangés lorsque nous nous sommes uniquement penchés sur les enfants chez qui le diagnostic avait été posé par des spécialistes tels des psychiatres ou des neurologues", affirme la chercheuse.

Explication de la recrudescence des cas d'autisme infantile

Ces conclusions revêtent une importance capitale, car on ne peut que constater une recrudescence alarmante des cas d'autisme infantile, qui est passé de 4 pour 10.000 enfants en 1966 à 100 pour 10.000 enfants en 2015. Bien que cet accroissement puisse être attribuable à une détection améliorée et à des critères de diagnostic élargis de ce trouble, les chercheurs estiment que des facteurs environnementaux jouent également un rôle.

"Sur le plan biologique, il est tout à fait logique que les antidépresseurs engendrent l'autisme s'ils sont utilisés pendant la période de développement du cerveau du fœtus, puisque la sérotonine entre en jeu dans de nombreux processus développementaux prénataux et postnataux, y compris la division cellulaire, la migration des neurones, la différenciation cellulaire et la synaptogénèse, soit la création des liens entre les cellules du cerveau", martèle Anick Bérard, qui ajoute que "Certaines classes d'antidépresseurs comme les ISRS agissent en inhibant la production de sérotonine, ce qui entrave la capacité du cerveau de se développer entièrement dans l'utérus".

Jean Etienne

Source principale :

Antidepressant Use During Pregnancy and the Risk of Autism Spectrum Disorder in Children (JAMA Pediatrics, février 2016, Vol 170, No. 2).

 

 

 

 

 
 
 

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