12 mai 2016

 

L'arnaque de la cité Maya

 
La nouvelle explosait à la une de tous les médias il y a moins de 48 heures : une gigantesque cité Maya avait été découverte par un ado en projetant les dessins des constellations au sol ! Certains n'hésitant pas à mentionner la stupéfaction, voire l'admiration, de la Nasa elle-même… qui se recherche toujours à travers cette information qui s'avère, finalement, de la plus haute fantaisie.

Eric Taladoire, à la fois archéologue et enseignant comptant plus de 40 (quarante !) années de recherches sur le terrain au cœur de l'Amérique centrale et de la jungle précolombienne, est aussi stupéfait que la Nasa devant cette "découverte". "Cette histoire commence à nous fatiguer ! Tout est faux. Tout ! La presse a foncé sans vérifier quoi que ce soit !", clame-t-il, en constatant que des médias considérés comme "sérieux", comme le Figaro entre autres, s'étaient laissés convaincre sans aucun questionnement par l'étrange anecdote insolite affirmant qu'un jeune québécois de 15 ans, William Gadoury, aurait découvert et localisé la troisième cité maya par ordre d'importance (admirez la précision…) par l'étude des constellations.

Et l'article originel de détailler l'élégance de la démarche : l'ado canadien avait fait le lien entre les emplacements des étoiles formant certaines constellations et la carte de distribution des cités mayas en Amérique centrale, ce qui lui aurait permis de découvrir un "trou", une "absence" : une ville n'avait pas encore été découverte ! Notre ado avait alors fait appel à la Nasa ainsi qu'à la Jaxa (agence spatiale japonaise) afin d'obtenir les images satellites nécessaires à la découverte de la fameuse ville au cœur d'une jungle réputée inaccessible quelque part dans la péninsule du Yucatan, au Mexique, endroit de la "révélation" issue des constellations…

Des cartes à géométrie variable

Devant la propagation à une vitesse quasiment "superluminique" de cette rumeur, Eric Taladoire contacte rapidement les auteurs de l'article, qui ricoche littéralement de média en média et se répand dans la presse mondiale aussi efficacement que les métastases d'un cancer généralisé. Il leur signale que la carte publiée et situant la prétendue "troisième ville maya" comportait plusieurs erreurs, donc était notoirement fausse. Eric Taladoire pensait alors avoir résolu le problème, mais non ! Celle-ci était promptement remplacée par une autre, dans laquelle la fameuse ville était déplacée de 200 ou 300 kilomètres, passant même du Belize au Mexique !

"Nous travaillons depuis plus de 20 ans dans cette région, une équipe de chercheurs venant de Slovénie a ratissé toute cette jungle, et on n'aurait rien trouvé ? On a été jusqu'à 80 ouvriers sur place ! On nous parle de lieux 'inaccessibles et reculés', et pourtant il y a des routes et des habitants sur ces lieux ! Les gens qui ont répandu cette soi-disant découverte n'ont même pas consulté une carte", martèle Eric Taladoire. Et d'ajouter que sur les images fournies par Google Earth, accessibles à tous, une structure que l'article présente comme une pyramide (de 87 mètres de hauteur, selon notre ado), est en réalité… une plantation de cannabis !

Des attaques tous azimuts

Ivan Sprajc, chercheur slovène, a passé cinq années dans la région en publiant des cartes extrêmement précises. De son propre aveu, il n'est pas exclu qu'il ait laissé passer des sites, mais rien d'aussi absurde en taille que ce qui a été avancé dans l'article relatant la "découverte". Car en huit ans, non seulement lui mais d'autres archéologues ont mis au jour de 25 à 30 groupes de cités mayas qui s'étendent généralement sur quelques hectares, alors que William Gadoury, notre ado préféré, avance une ville recouvrant de 80 à 120 km², soit approximativement la superficie de Paris, couronnée par une pyramide de 87 mètres de haut ! "Tous mes collègues, pas seulement en France, sont d'accord : c'est un rejet absolu !", insiste-t-il.

Marie-Charlotte Arnauld, directrice de recherche au CNRS et archéologue, fait remarquer que parmi la pléïade de scientifiques qui valident cette théorie, on trouve des astronomes canadiens qui ne connaissent pas du tout la région, mais pas un seul archéologue. Et d'ajouter que même le National Geographic, revue prestigieuse de l'organisme scientifique du même nom, était elle-même tombée dans le même piège l'année dernière en publiant un article annonçant la découverte de prétendues cités perdues dans le Nord-Est du Honduras. Mais cette fausse publication avait alors été attaquée par plusieurs universités avant qu'elle ne se répande dans la presse. Visiblement, aujourd'hui, la vitesse de l'information est passée à un niveau supérieur...

Quoi qu'il en soit, cette fameuse ville maya, la "troisième par ordre d'importance", n'est pas près de disparaître de nos médias. Car comment pourraient-ils démentir une information qui leur a permis de vendre des tonnes de papier, de générer des millions (milliards ?) de clics, de nous "offrir" un article "scientifique" dûment encadré, ou même recouvert selon la dernière mode, de spots publicitaires à la gloire de marques qui en sont, finalement, leur seule raison d'exister ? Raison pour laquelle a contrario vous ne verrez jamais de publicité sur Space News International…

Jean Etienne

 

 

 
Pyramide du site de Palenque, au Mexique. Celui-ci existe vraiment…
 

 

 
 
 

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