20 avril 2016

 

Faut-il envoyer une sonde vers Alpha du Centaure ?

 
Le 12 avril dernier, jour du 55ème anniversaire du premier vol spatial habité, l'homme d’affaires russe Iouri Milner ainsi que Stephen Hawking et Mark Zuckerberg ont annoncé leur projet d'envoi d'une sonde spatiale à destination du système Alpha du Centaure.

Ce projet, baptisé Starshot, prévoit la construction d'un engin aussi appelé 'nanocraft', en raison de son extrême miniaturisation et de sa faible masse, de l'ordre d'un gramme. Les chercheurs estiment en effet que d'ici une vingtaine d'années, date prévue pour le lancement, la technologie permettra de loger caméras, instruments scientifiques et surtout système de transmission dans un aussi faible volume. L'homme d'affaires russe Iouri Milner est décidé à investir personnellement la somme de 100 millions de dollars dans le programme.

L'originalité du projet réside dans son système de propulsion, qui ne se trouverait pas à bord, mais bien sur Terre. En effet, l'engin serait propulsé par la pression lumineuse exercée sur une voile qui l'entourerait, depuis une batterie de lasers particulièrement puissants basés sur Terre. La poussée serait suffisante pour assurer à l'ensemble une vitesse de l'ordre de 25 % de celle de la lumière.

Une telle célérité vaudrait de mettre Pluton à quelques jours de la Terre, au lieu des huit années qu'y a consacrées la sonde New Horizons. Ce programme se base sur une idée présentée l'année dernière par les physiciens californiens, dirigés par Philip Lubin.

 
Des obstacles restent à franchir

Jonathan McDowell, physicien américain, et son collègue tchèque Luboš Motl estiment cependant que le projet Starshot serait réalisable, mais que plusieurs obstacles techniques pourraient provoquer sa destruction au cours de son accélération.

Si ce programme se réalise, le système d'Alpha du Centaure, distant de 40.200 milliards de kilomètres (ou 4,37 années-lumière) serait atteint au bout de 15 ans. Par comparaison, il faudrait au vaisseau spatial le plus rapide existant à l’heure actuelle environ 30.000 ans pour atteindre cet objectif.

Parmi les obstacles restant à franchir, Jonathan McDowell cite la capacité très élevée du laser dirigé sur la sonde, qui pourrait être un obstacle considérable pour un lancement réussi. Selon le physicien, un rayon aussi puissant peut tout simplement fondre la voile de l'engin. De plus, une telle vitesse, à 25 % de celle de la lumière, n'a jamais été atteinte dans l'histoire, et il n'est pas du tout exclu que la sonde puisse être gravement endommagée, voire détruite par collision avec les nombreuses particules de l'espace.

Néanmoins, M. McDowell estime que la réalisation d'un tel projet est possible, et reconnaît que l'idée de M. Milner et M. Hawking a sa raison d'être.

Luboš Motl, physicien tchèque spécialiste de la gravitation quantique et doctorant de l'Université de Harvard, se rallie à l'avis de Jonathan McDowell. D'après lui, ce projet est possible d'un point de vue technique, mais sera confronté à de nombreuses difficultés. Par exemple, la prise de photos et leur émission vers la Terre, probablement au moyen d'un faisceau laser, seraient presque impossibles dans l'état actuel de nos connaissances en raison de la vitesse élevée.

Alpha du Centaure est un système composé de trois étoiles et au moins une planète. Alpha Centauri A et Alpha Centauri B en sont les composantes principales, formant une étoile double. Alpha Centauri C, appelée aussi Proxima du Centaure, est une naine rouge bien moins lumineuse, mais elle est aussi l'étoile la plus proche du Soleil. Alpha Centauri Bb est une planète rocheuse en orbite autour d'Alpha Centauri B.

Un projet semblable existe aussi à la Nasa

Philip Lubin, du Groupe de Cosmologie Expérimentale de l’Université de Californie à Santa Barbara, a remporté l'année dernière avec son équipe une bourse de la Nasa pour étudier la possibilité d’utiliser la propulsion photonique pour les voyages interstellaires.
 

 

 
Philip Lubin
 
A la différence de Starshot, les lasers utilisés pour la propulsion seraient placés non au sol, mais en orbite, ce qui les affranchiraient des aléas induits par l'atmosphère terrestre. Dans une feuille de route, Lubin écrit : "Les accélérations électromagnétiques sont seulement limitées par la vitesse de la lumière alors que les systèmes chimiques sont limitées par l’énergie des processus chimiques".

Le scientifique précise qu'avec un laser en orbite de 50 à 70 GW, on pourrait propulser une mini-sonde munie d'une voile d’un mètre à environ 26% de la vitesse de la lumière en 10 minutes, et atteindre Mars en 30 minutes, dépasser la sonde Voyager en moins de 3 jours, et atteindre Alpha du Centaure en 15 ans. "Le plus intéressant, c'est que cette technologie existe et qu'elle est immédiatement disponible", annonce Lubin, qui ajoute : "Les moteurs à distorsion de l’espace-temps sont toujours de la science-fiction. Avec la propulsion photonique, nous avons toutes les technologies en main. Et en plus, cette technologie peut être adaptée. Les plus gros vaisseaux peuvent aussi bénéficier de cette technologie".

De l'avis de tous les chercheurs, astronomes comme astrophysiciens, la propulsion chimique que nous connaissons actuellement conduit l'exploration spatiale tout droit dans une impasse, et une rupture technologique est indispensable si nous voulons franchir les limites de notre berceau, qui est désormais le Système solaire.

Sera-ce la propulsion photonique ? Les paris sont ouverts.

Jean Etienne

Sources principales :

>>>  Internet Investor and science philanthropist Yuri Milner & physicist Stephen Hawking announce Breakthrough Starshot project to develop 100 million mile per hour mission to the stars within a generation (Breakthrough Initiatives).

>>>  Starshot : Breakthrough Starshot Announcement (UCSB Experimental Cosmology Group).

 

 

 
Départ de Starshot, lancé au moyen d'une fusée traditionnelle avant son voyage interstellaire.
 

 

 
 
 

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