29 novembre 2016

 

Le cancer des fausses études scientifiques et des sondages truqués

 
Les merveilleux sondages, accompagnés de leurs analyses poussées et de leurs discours ensuite pulvérisés par le résultat du Brexit ou des élections américaines, mais aussi - et surtout - les fausses nouvelles et les fausses études scientifiques réussissant à s'infiltrer même dans de prestigieuses revues dont la réputation n'est plus à faire constituent un problème inédit… et extraordinairement dangereux !

L’affaire d’OMICS International et son rachat de deux revues médicales canadiennes montrent le problème grandissant des fausses études scientifiques qui sont publiées en échange d’argent. Un journaliste de Postmedia News a démontré le problème avec éclat, en réussissant à publier une étude sur un journal appartenant à ce groupe. Une étude qui n’avait aucun sens et était plagiée… d’un texte d’Aristote ! Démonstration s'il en est que les fausses nouvelles, mais surtout les fausses études scientifiques, sont un problème particulièrement dangereux en ce début de siècle dit "de la connaissance", car elles risquent de saper l’autorité scientifique sur le long terme. Au profit de quoi ?

Basé à Hyderabad 1, en Inde, OMICS International est un éditeur de revues scientifiques. Mais il s'agit surtout d'un "Predatory Publisher", c'est-à-dire d'un organisme proposant aux scientifiques de publier leurs découvertes ou études en échange d'une somme d'argent. Selon le règlement de la société, les études ne sont publiées qu'après approbation par un comité de lecture, mais celui-ci n'existe tout simplement pas…

Ce phénomène de publication par des revues douteuses s'explique aisément par le fait que de nombreux jeunes scientifiques sont tellement pressés d'accéder à une certaine notoriété qu'ils se font facilement piéger par ce chant des sirènes… Mais sur le long terme, faire appel à ce genre d'arnaque aura pour seul effet de détruire leur réputation. A jamais. Et le pire, c'est qu'il existe des centaines de fausses revues scientifiques. Jeffrey Beall est l’un des meilleurs spécialistes concernant ces revues douteuses et il a même créé une liste de toutes les revues qu’un scientifique doit éviter comme la peste.

Les métastases atteignent les revues "sérieuses"…

Jusqu'à présent, la communauté scientifique et les revues scientifiques réputées arrivaient à se démarquer des fausses revues. Mais en début d’année 2016, OMICS International a réussi à racheter deux revues médicales au Canada, Pulsus Group et Andrew John Publishing. Autrefois considérées comme sérieuses et au-delà de tout soupçon, elles sont à présent tombées sous la direction de OMICS International, qui les utilise désormais pour promouvoir ses propres papiers scientifiques douteux. En gros, OMICS International dilue les fausses études de ses clients dans des revues respectables pour leur procurer une certaine légitimité.

Afin de démontrer cette réalité, Tom Spears, un journaliste du groupe Postmedia News, avait en 2014 créé de toutes pièces une fausse étude qui avait été publiée sans aucun problème. Celle-ci reprenait des extraits de divers papiers déjà existants sur la géologie et le secteur médical. Il avait même poussé l'invraisemblance en ajoutant des graphiques provenant d’une publication sur la géologie de la planète Mars. Le journaliste a ensuite envoyé son papier à 18 revues scientifiques douteuses. Les messages d’acceptation sont arrivés en l’espace de 24 heures. Le montant demandé allait de 500 à 800 dollars alors qu’en général, ce type de revue demande jusqu’à 2000 dollars.

Il y a quelques mois, Tom Spears remet le couvercle en publiant un autre papier, plagié lui d’un texte… d’Aristote. Il avait suffi de changer des mots à intervalle régulier pour que cela traverse sans encombre le détecteur de plagiat. Le papier a été publié dans la revue Journal of Clinical Research and Bioethics. Notons que cette revue ne fait pas partie de celles qui ont été rachetées par OMNICS International. Mais le journal est promu dans le même groupe en la faisant passer pour un article de qualité.

Voici le genre d’extrait qu’on peut lire dans ce papier : "Chaque chose qui est effectuée avec raison que les éthiciens connaissent comme la « ketterance » n’est pas volontaire. C’est seulement le processus qui produit une sécheresse sévère". Si vous trouvez un sens à cette phrase, alors c’est que vous avez un problème. Le terme ketterance n’existe pas et on se demande ce que vient foutre la sécheresse dans une revue d’éthique médicale.

Toi aussi, écris ta propre étude scientifique en quelques secondes

Mais l'étape suivante est déjà franchie… Désormais, il n'est plus besoin de plagier de quelconques papiers scientifiques pour produire une fausse étude. Car aujourd'hui, grâce à l'outil Scigen, créé par des chercheurs du MIT, vous pouvez générer sans efforts des publications scientifiques à la volée grâce à l'informatique. L’objectif des chercheurs était de dénoncer les conférences scientifiques douteuses qui acceptaient n’importe qui. Scigen va créer le papier, les graphiques et tout ce qu’il faut pour créer un papier scientifique. Si vous êtes prêt à payer le prix dans les revues douteuses, alors votre papier est publié avec votre nom. Et voilà, vous êtes devenu un scientifique.

Lorsque SciGen a été lancé, les dégâts se sont avérés catastrophiques. En 2014, la revue Nature révélait que les éditeurs Springer et IEEE (considérés comme des références dans leur domaine) avaient dû rétracter près de 120 papiers générées par SciGen.

Un exemple ? Téléchargez donc (en pdf) la publication intitulée The Effect of Extensible Modalities on Cryptography, signée de scientifiques très célèbres, soit en tête d'affiche Adolf Hitler, Donald Trump et Nicolas Sarkozy…

Jean Etienne

 

 
 
Eh oui, ça passe...
 

 

 
 
 

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