7 septembre 2016

 

Le mystère du déclin des colonies d'abeilles enfin élucidé

 
Une équipe de scientifiques de l'Inra (Institut National de Recherches Agronomiques) a déterminé sans équivoque possible que l'exposition chronique et indirecte à une dose très faible d'un pesticide de type néonicotinoïde, ainsi que l'infection par un parasite commun des abeilles, affectent très fortement la survie des reines en conditions naturelles et modifie leur physiologie.

L'interaction entre l'imidaclopride (un néonicotinoïde) et Nosema cerana (un parasite de la classe des fongidés autrefois classé par erreur parmi les protozoaires) est encore plus néfaste sur les reines que chaque stress pris séparément.

Alors qu'une reine peut normalement vivre de 4 à 5 ans, les apiculteurs constatent des mortalités anormales depuis plusieurs années, au point de contraindre certains d'entre eux de changer systématiquement une partie importante de leur cheptel de reines afin d'éviter la perte de leurs colonies. Si la cause de cette mortalité accélérée restait inconnue, un pas important sur sa compréhension vient d'être effectué par une équipe de recherche de l'Inra conduite par la Dr Claudia Dussaubat, auteure de nombreuses publications dans ce domaine et considérée comme une sommité mondiale dans l'étude des pathologies liées à l'apiculture.

Les scientifiques ont ainsi élevé en laboratoire 4 groupes de 10 reines, et ont reconduit l'expérience pendant 2 années. Un des groupes a été nourri par des ouvrières elles-mêmes exposées à un pesticide néonicotinoïde (imidaclopride), un deuxième groupe a été exposé au parasite Nosema cerana seul, le troisième groupe aux deux stress cumulés, tandis que le quatrième groupe servait de groupe témoin. Les jeunes reines ont été ensuite installées, comme le font les apiculteurs, dans de petites ruches placées dans des champs, afin qu'elles puissent sortir s'accoupler et revenir pondre leurs œufs.

Les résultats de l'expérience démontrent que l'exposition chronique et indirecte (par le biez d'ouvrières nourricières) à une dose très faible d'un pesticide néonicotinoïde, l'imidaclopride (0,7 microgramme par litre, dose à laquelle les abeilles peuvent être confrontées dans la nature), ainsi que l'infection par un parasite commun des abeilles, Nosema cerana, affecte très fortement la survie des reines en conditions naturelles et modifie leur physiologie. Dans le cas d'interaction entre les deux types de stress (néonicotinoïde et Nosema cerana), entre 90% et 100% des reines ont disparu dans un délai de 45 à 90 jours.

Si les insecticides de la famille des néonicotinoïdes étaient déjà au centre de la controverse à cause de leur toxicité élevée pour des organismes non-cible comme les pollinisateurs, leur rôle dans la mortalité accrue des reines, et par voie de conséquence des colonies, ne fait plus à présent aucun doute.

Il est à noter que les chercheurs de l'Inra ont bien observé une réponse de protection contre l'action de l'imidaclopride, et notamment contre le stress oxydant dû à l'interaction parasite - pesticide, à travers l'augmentation de l'activité d'enzymes spécifiques dans la tête et l'intestin des reines. Cependant, ces mécanismes de protection n'apparaissent pas suffisants pour éviter la mortalité prématurée des reines.

Jean Etienne
 

 
Note:

L'imidaclopride est une substance insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Ces insecticides dits systémiques, se retrouvent aussi bien dans le nectar que dans le pollen des fleurs et se retrouvent dans les produits de la ruche.

Depuis fin 2013, un moratoire européen interdit leur utilisation pour le colza, le tournesol et le coton.
Il reste cependant autorisé en France en pulvérisation sur les arbres fruitiers et conifères de forêts, ainsi qu'en enrobage de graines sur le blé d'hiver, avoine, l'orge d'hiver le seigle, la betterave et le triticale (plante fourragère).
 
 

Source principale :

Combined neonicotinoid pesticide and parasite stress alter honeybee queens' physiology and survival (Nature Rep. 6, 31430; doi: 10.1038/srep31430 - 31 août 2016).
 
 
 
Une reine (Apis mellifera carnica) entourée au-dessus d'alvéoles d'abeilles.
 

 

 
 
 

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