11 octobre 2016

 

Pourquoi avons-nous CINQ doigts à chaque main ?

 
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nos mains disposaient d'exactement cinq doigts ? Une équipe de chercheurs dirigée par la docteure Marie Kmita, de l'Institut de recherches cliniques de Montréal (Université de Montréal) vient de résoudre ce mystère.

Les nageoires des poissons sont à l'origine des membres des vertébrés, ce qui inclut nos bras et nos jambes. Et cette évolution, qui a aussi conduit à l'apparition des doigts chez les vertébrés, a été induite par l'adaptation à un habitat particulier, la transition du milieu aquatique au milieu terrestre. Comment cette évolution s'est produite est une fascinante question qui remonte aux travaux de Charles Darwin.

Une question d'évolution

 

Marie Kmita

Une recherche effectuée au mois d'août dernier a démontré que deux gènes, soit Hoxa13 et Hoxd13, portaient la responsabilité de la formation des rayons des nageoires et de nos doigts. "Ce résultat est très excitant, car il établit clairement un lien moléculaire entre les rayons des nageoires et nos doigts", affirme Yacine Kherdjemil, doctorant du laboratoire de Marie Kmita et premier auteur de l'article paru très récemment dans Nature.

Cette transition de la nageoire au membre tel que ceux qui nous équipent ne s'est cependant pas faite d'un coup de baguette magique. L'analyse des fossiles nous indique que nos ancêtres étaient polydactyles, c'est-à-dire qu'ils étaient dotés d'un nombre de doigts supérieur à cinq, ce qui soulève du même coup une autre question clé : par quel mécanisme l'évolution a-t-elle favorisé la pentadactylie (cinq doigts) chez les espèces actuelles ?

Hasard et génétique… et du coup, nous nous retrouvons avec cinq doigts !

Une observation a particulièrement retenu l'attention de l'équipe de la Dre Kmita : "Au cours du développement, chez la souris comme chez l'homme, les gènes Hoxa11 et Hoxa13 sont activés dans des domaines séparés du bourgeon de membre, alors que, chez le poisson, ces gènes sont activés dans des domaines chevauchant la nageoire en développement", relève la chercheuse, par ailleurs directrice de l'unité de recherche en génétique et développement de l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et professeure-chercheuse à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Et pour mieux illustrer l'importance et la portée de cette découverte, Yacine Kherdjemil a démontré par l'expérimentation qu'en implantant la séquence d'ADN responsable de la transition de l'activité du gène Hoxa11 chez la souris, les descendants de celle-ci présentent jusqu'à sept doigts par patte, ce qui signifie un retour au statut ancestral.

"Cela signifie que ce changement morphologique majeur ne s'est sans doute pas fait par l'acquisition de nouveaux gènes, mais simplement par la modification de leurs activités", conclut la Dre Marie Kmita.

Du point de vue clinique, cette découverte renforce l'idée que les malformations survenant au cours du développement du fœtus ne sont pas uniquement induites pas des mutations génétiques, mais peuvent provenir d'un autre type de mutations dans les séquences d'ADN, que l'on appelle séquences régulatrices. "À l'heure actuelle, les contraintes techniques ne permettent pas l'identification de ce type de mutation directement chez les patients, d'où l'importance des recherches fondamentales qui utilisent des modèles animaux", commente Marie Kmita.

Jean Etienne

Source principale :

Evolution of Hoxa11 regulation in vertebrates is linked to the pentadactyl state (Nature – 5 octobre 2016 – doi : 10.1038/nature19813).
 

 
 

 

 
 
 

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