15 septembre 2016

 

Université de Tel-Aviv : la révolution énergétique par les algues

 
Le moteur à hydrogène se pose comme un concurrent sérieux dans la recherche d'un substitut au pétrole, d'autant que sa combustion ne produit que du dioxyde d'hydrogène non polluant, c'est-à-dire de l'eau. Toutefois, la quantité d'énergie nécessaire pour obtenir de l'hydrogène constitue un obstacle sérieux à sa mise en pratique. Cela vient de changer, grâce à la découverte du Dr. Iftach Yacoby, de l'Université de Tel-Aviv (Israël).

Directeur du laboratoire des énergies renouvelables de l’Ecole des Sciences végétales de l’Université de Tel-Aviv, Iftach Yacoby a réussi à concevoir une micro-algue produisant 5 fois plus d’hydrogène, capable de fournir suffisamment d’énergie pour faire fonctionner les voitures et les vélos électriques, voire dans l’avenir, subvenir à tous nos besoin énergétiques.
 

Le Dr. Iftach Yacoby.

"L’hydrogène est une source d’énergie qui présente d’énormes avantages", explique le Dr. Yacoby. "Tout d’abord, son contenu énergétique est énorme: 5 kg d’hydrogène suffisent pour faire rouler une voiture sur plus de 500 km, et un vélo électrique n’en consomme que 30 grammes pour plus de 100 kilomètres ! D’autre part, l’hydrogène n’est absolument pas polluant, puisque le fonctionnement d’une pile à combustible alimentée de cette manière ne génère que de la vapeur d’eau et son échappement rejette de l’eau potable !".

Selon le chercheur, les scientifiques savent depuis longtemps déjà que les micro-algues rejettent de l'hydrogène au cours du processus de photosynthèse, mais cette donnée avait été négligée car on pensait que la quantité libérée était bien trop faible pour être exploitable. Or, cet hydrogène est produit grâce à l'action d'une enzyme appelée hydrogénase, qui se décompose en présence d'oxygène. Mais comme durant la nuit les micro-algues ne produisent pas d'oxygène, la quantité d'hydrogénase augmente de façon importante. Au lever du Soleil, l'algue se met à produire oxygène et hydrogène, mais on pensait jusqu'ici que l'accumulation rapide d'oxygène bloquait l'hydrogénase, stoppant ainsi la production d'hydrogène. C'est ce phénomène, qui ne relevait jusqu'ici que de la théorie, que les scientifiques de l'Université de Tel-Aviv ont décidé de vérifier.

Une surprise qui pourrait révolutionner l'humanité !

Et ça a été la surprise ! Le Dr. Yacoby et son équipe ont constaté que même en plein soleil, alors que les micro-algues produisaient une grande quantité d'oxygène par photosynthèse, elles continuaient d'émettre une petite quantité d'hydrogène. Ils ont donc émis l'hypothèse qu'il devait exister, au sein de la micro-algue, des zones sans oxygène, où l'hydrogénase continuait de se produire. "Par la suite", poursuit le chercheur, "nous avons découvert qu'il existe dans l'algue des mécanismes qui fonctionnent sans relâche pour éliminer l'oxygène de la cellule, permettant à l'hydrogénase de produire de l'hydrogène en continu, pendant toutes les heures du jour".

 

La micro-algue Chlamydomonas reinhardtii, observée au microscope électronique.

C'est ensuite par génie génétique que le Dr. Yacoby et son équipe ont modifié une micro-algue, plus précisément Chlamydomonas reinhardtii, afin de modifier le processus de photosynthèse en détournant certaines de ses fonctions, comme par exemple la production de sucre, pour augmenter la production d'hydrogène. Les scientifiques ont ainsi obtenu, en laboratoire, des micro-algues produisant 400% d'hydrogène de plus que l'algue d'origine, et ce n'est qu'un début.

L'humanité pourrait entrer dans une nouvelle ère

"Il y a environ 20 000 ans, l’homme a cessé d’être un chasseur-cueilleur pour se mettre à domestiquer les espèces végétales trouvées dans la nature et à cultiver lui-même ses aliments : ce fut la révolution agricole. Mais pour l’énergie, nous en sommes resté à la collecte de ce que la nature nous fournit, et à ce jour principalement des combustibles fossiles polluants, qui sont d’ailleurs en baisse rapide", annonce le Dr. Yacoby.

"Notre découverte constitue une étape importante vers une nouvelle révolution, qui pourra changer l’avenir de l’humanité : la production d’énergie propre en quantité suffisante pour répondre à tous nos besoins. La micro-algue que nous avons créée en laboratoire possède un potentiel de production de masse de l’hydrogène. Le défi est maintenant de transmettre ses capacités à des micro-algues d’une espèce plus durable, capable de vivre dans la nature. En d’autres termes, l’objectif est de domestiquer des espèces sauvages de micro-algues, tout comme l’homme a domestiqué pour ses besoins le blé sauvage. Nous pourrons alors cultiver ces micro-algues domestiquées, et elle pourront nous fournir de l’hydrogène pour le carburant des véhicules, et par la suite également pour faire fonctionner l’industrie", conclut le chercheur.

Les autres participants à l’étude sont le Dr. Oded Liran, le Dr. Haviva Eilenberg, la doctorante Rinat Semyatich, et l’étudiant de maitrise Ido Weiner, membres du laboratoire de recherche du Prof. Yacoby.

Cette étude, publiée ce mois-ci dans les revues Plant Physiology et Biotechnology for Biofuel (voir références ci-dessous), a été financée par le département des carburants de remplacement du bureau du Premier ministre israélien, dirigé par Eyal Rosner.

Jean Etienne

Sources principales :

The dual effect of a ferredoxin-hydrogenase fusion protein in vivo: successful divergence of the photosynthetic electron flux towards hydrogen production and elevated oxygen tolerance (Biotechnology for Biofuels 20169:182 DOI: 10.1186 / s13068-016-0601-3, publié le 30 août 2016).

Microoxic Niches within the Thylakoid Stroma of Air-Grown Chlamydomonas reinhardtii Protect [FeFe]-Hydrogenase and Support Hydrogen Production under Fully Aerobic Environment (Plant Physiology September 2016 vol. 172 no. 1 264-271 DOI: 10.1104/pp.16.01063).

 

 

 
Le Dr. Iftach Yacoby et son équipe. Crédit : Université de Tel-Aviv.
 

 

 
 
 

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