22 septembre 2016

 

Quelle est l'origine du "cœur de Pluton" ?

 
Depuis la visite express de la sonde New Horizons l'année dernière, Pluton s'avère un véritable paradis pour les glaciologues. Ainsi, eux-mêmes et tous les planétologues s'intéressent-ils à la nature et l'origine du colossal glacier d'azote en forme de cœur qui caractérise désormais le planétoïde.

Deux chercheurs du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS / École polytechnique / UPMC / ENS Paris) ont montré que l'insolation sur Pluton et la nature de son atmosphère favorisent la condensation d'azote près de l'équateur, dans les régions de basse altitude, entraînant une accumulation de glace au fond de Sputnik Planum, un vaste bassin topographique. Et grâce à leurs simulations numériques, ils ont également percé le mystère de la distribution particulière des autres types de glaces observées sur Pluton, et de l’abondance de leurs constituants dans l'atmosphère.

Parmi les types de glaces qui recouvrent la planète naine, celle d’azote est la plus volatile : elle forme en se sublimant (à -235 °C) une fine atmosphère, en équilibre avec le réservoir de glace en surface. Une des observations les plus inattendues de New Horizons en juillet 2015 a montré que ce réservoir d'azote solide est extrêmement massif, et essentiellement contenu dans un bassin topographique situé entre les tropiques de Pluton, nommé "Sputnik Planum". Du givre de méthane apparaît par ailleurs partout dans l'hémisphère nord, sauf à l'équateur, tandis que la glace de monoxyde de carbone a été détectée, en faible quantité, seulement dans cette zone.
 
 

 
La calotte de glace de "Sputnik Planum", en fausse couleur, est entourée de montagnes. Ces dernières sont apparemment sculptées par l’incessante activité des glaciers d'azote. Les zones sombres sont couvertes de matières organiques issues de la photochimie du méthane exposée au rayonnement ultraviolet du Soleil. Crédit : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute.
 
Jusqu'à présent, la répartition de ces différentes glaces sur Pluton restait inexpliquée. Pour mieux comprendre les processus physiques à l'œuvre sur Pluton, les chercheurs ont développé un modèle thermique de la surface de la planète naine capable de simuler les cycles de l’azote, du méthane et du monoxyde de carbone sur des milliers d'années. Ils ont ensuite comparé ce modèle aux observations fournies par la sonde New Horizons. Leur modèle montre que c'est l'équilibre solide-gaz de l'azote qui permet de le piéger sous forme de glace dans Sputnik Planum. Au fond de ce bassin, la pression de l'atmosphère - et donc de l’azote gazeux - est plus forte, et la température est plus élevée qu’à l’extérieur, ce qui permet à l’azote de s’y condenser en glace. Les simulations montrent que la glace d'azote s'accumule inévitablement dans le bassin, formant ainsi un réservoir d'azote permanent tel qu’observé par New Horizons.

Les simulations numériques décrivent également le cycle du méthane et du monoxyde de carbone. Du fait de sa volatilité proche de celle de l'azote, la glace de monoxyde de carbone est entièrement séquestrée avec l'azote dans le bassin, conformément aux détections de New Horizons. Quant à la glace de méthane, sa plus faible volatilité aux températures régnant sur Pluton lui permet de son côté d'exister ailleurs que dans le glacier de Sputnik Planum. Le modèle montre en effet que du givre de méthane pur couvre de façon saisonnière les deux hémisphères, en accord avec les données de New Horizons.

Ce scénario montre qu’il n'y a pas besoin de connexion avec un réservoir d'azote interne pour expliquer la formation du glacier de Sputnik Planum, comme le suggéraient de précédentes études. Ce sont des principes physiques bien connus qui sont à l'origine de ce cocktail de glace sur Pluton et de sa spectaculaire activité, une des plus étonnantes du système solaire. Les chercheurs prédisent également que la pression atmosphérique est actuellement à son maximum saisonnier et qu’elle va diminuer dans les prochaines décennies, tandis que les givres saisonniers tendront à disparaître.

Sources principales :

Observed glacier and volatile distribution on Pluto from atmosphere - topography processes (Nature, le 19 septembre 2016, par Tanguy Bertrand et François Forget. DOI :  10.1038 / nature 19337).

Actualités du CNRS-INSU.

 

 

 
Pluton observée par New Horizons en juillet 2015 (à gauche), comparée au résultat du modèle à cette date (à droite). Crédit : Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/École polytechnique/UPMC/ENS Paris) / NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute.
 
 
 

 
Pluton, ici comparée à la planète Mars. Si le mécanisme de condensation de l'atmosphère dans des régions de basse altitude n'a pas d’équivalent sur Terre, il était déjà connu sur Mars (à gauche), où l'atmosphère de CO2 peut se condenser à la surface comme l'azote sur Pluton (à droite en fausse couleur, avec le grand glacier d'azote au fond du bassin Sputnik Planum au centre de l'image). Durant l’hiver et le printemps martiens, la glace carbonique recouvre préférentiellement le fond du cratère Hellas (en bas de la photo de Mars), qui, comme Sputnik Planum, se situe plusieurs milliers de mètres en dessous du niveau des régions avoisinantes qui restent libres de glace. Crédit : Laboratoire météorologie dynamique (CNRS/École polytechnique/UPMC/ENS Paris); NASA/JPL/MSSS; NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute.
 

 

 
 
 

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