31 janvier 2017

 

Une interface cerveau-ordinateur permet de communiquer avec des personnes totalement paralysées

 
Des patients incapables de produire le moindre mouvement, y compris oculaire, ont pu communiquer grâce à une nouvelle interface reliant directement leur cerveau à un ordinateur capable de déchiffrer leurs pensées. Et contre toute attente, ces personnes ont affirmé être "heureuses" malgré leur terrible handicap.

Le "locked-in syndrome", qui est également connu sous le nom de syndrome de déefférentation motrice, syndrome d'enfermement, ou encore de syndrome de verrouillage), est un état neurologique rare dans lequel le patient est éveillé et totalement conscient. Il voit tout, il entend tout, mais est incapable du moindre mouvement volontaire. Il ne peut donc ni bouger ni parler, mais les facultés cognitives du sujet sont en revanche intactes. Cet état résulte généralement d'une atteinte du tronc cérébral ou à accident vasculaire cérébral.

Cependant, les patients atteints de ce syndrome sont pleinement conscients de leur corps et de leur environnement. Bien que n'ayant pas ou peu de contrôle sur leurs membres, ils peuvent les situer avec exactitude dans l'espace, et contrairement aux patients paralysés à la suite d'une atteinte de la moelle épinière, ressentent encore le toucher et la douleur.

Communication établie !

Dans l'étude qui vient d'être publiée, des personnes atteintes de locked-in syndrome complet, qui n'étaient pas capables de bouger leurs yeux pour communiquer, ont pu répondre "oui" ou "non" par la pensée à des questions qui leur étaient posées verbalement. Une interface cerveau-ordinateur non invasive a détecté leurs réponses en mesurant les changements des concentrations d'oxygène dans le sang au niveau cérébral.

Eh non, ce ne sont pas des plantes !

Ces résultats démentent formellement l'avis de certains spécialistes, qui estimaient que ces patients ne possédaient pas la capacité de pensée nécessaire pour utiliser une interface cerveau-ordinateur, et auraient été, dès lors, incapables de communiquer.
 
Les individus dont la conscience et la cognition sont intactes mais qui souffrent d'une paralysie complète à l'exception des mouvements oculaires verticaux et du clignement des yeux sont classés dans la catégorie du locked-in syndrome. En cas de perte de tout mouvement oculaire, l'affection est qualifiée de locked-in syndrome complet, dont il est question dans cet article.

Des investigations approfondies ont été menées auprès de quatre personnes atteintes de SLA (sclérose latérale amyotrophique), ou maladie de Charcot, une maladie progressive des motoneurones provoquant la destruction complète de la partie du système nerveux responsable du mouvement.

Les chercheurs ont posé des questions personnelles dont les réponses étaient précédemment connues et des questions ouvertes nécessitant une réponse par "oui" ou "non", comme :
"Votre mari s'appelle-t-il Joachim ?" et "Etes-vous heureux ?". Un taux de réussite de sept sur dix à ces questions basiques a confirmé la validité de la procédure.

Le professeur Niels Birbaumer, neuroscientifique au Wyss Center for Bio and Neuroengineering de Genève (Suisse), un des auteurs de l'article, a déclaré: "Ces résultats impressionnants démentent ma propre théorie selon laquelle les personnes atteintes d'un locked-in syndrome complet sont incapables de communiquer. Nous avons découvert que l'ensemble les quatre sujets testés étaient en mesure de répondre aux questions personnelles que nous leur avons posées en utilisant uniquement leurs pensées. Si nous parvenions à reproduire cette étude auprès d'un plus grand nombre de patients, je pense que nous pourrions rétablir une communication utile dans les états de locked-in syndrome complet pour les personnes atteintes de maladies des motoneurones".

Et ils sont heureux !

A la question "Etes-vous heureux ? ", les quatre sujets ont constamment répondu "oui", et ce de manière répétée au cours des semaines d'interrogation, un résultat qui ne sera certainement pas sans conséquence sur le plan moral autant qu'éthique.

Le professeur Birbaumer ajoute : "Nous étions initialement surpris des réponses positives lorsque nous avons interrogé les quatre participants atteints de locked-in syndrome complet sur leur qualité de vie. Ils avaient tous les quatre accepté la ventilation artificielle afin d'être maintenus en vie une fois la respiration devenue impossible donc, d'une certaine manière, ils avaient déjà décidé de vivre. Nous avons observé que, tant qu'ils recevaient des soins satisfaisants à domicile, ils jugeaient leur qualité de vie acceptable. Ainsi, si nous pouvions rendre cette technique largement disponible dans la pratique clinique, cela aurait un impact considérable sur la vie quotidienne des personnes atteintes de locked-in syndrome complet".

Le professeur John Donoghue, directeur du Wyss Center déjà cité, annonce : "Rétablir la communication des personnes atteintes locked-in syndrome complet constitue une première étape cruciale dans le défi de la récupération du mouvement. Le Wyss Center prévoit de s'appuyer sur les résultats de cette étude pour développer une technologie utile sur le plan clinique, qui sera disponible pour les personnes atteintes de paralysie, qu'elle ait été causée par une SLA, un accident vasculaire cérébral ou une lésion de la moelle épinière. La technologie employée dans l'étude permet également des applications plus larges qui pourraient, à notre avis, être développées davantage pour traiter et surveiller les personnes présentant un large éventail de troubles neurologiques".

La technique d'interface cerveau ordinateur de l'étude a fait appel à la spectroscopie dans le proche infrarouge combinée à un électroencéphalogramme pour mesurer l'oxygénation sanguine et l'activité électrique au niveau cérébral. Tandis que d'autres techniques d'interface cerveau ordinateur ont précédemment permis à certains patients paralysés de communiquer, la spectroscopie proche infrarouge est jusqu'à présent la seule approche ayant réussi à rétablir la communication avec les personnes atteintes d'un syndrome complet.

Jean Etienne

Sources principales :

Brain computer interface based communication in the completely locked-in state (U.S. National Institutes of Health).

Idem, PLOS Biology (à paraître).

 

 

 

 

 
 
 

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