21 juin 2018

 

L'observation directe des planètes extrasolaires désormais possible

 
Visualiser, depuis Marseille, une luciole batifolant à un mètre du projecteur d'un phare breton dirigé vers vous, soit à un millier de kilomètres, tel est le défi de l'observation directe d'une planète tournant autour d'une autre étoile. Un exploit rendu désormais possible grâce à un nouveau procédé mis au point par une équipe d'astronomes de l'Université de Genève.

A l'instar de la Terre tournant autour du Soleil, chaque exoplanète - 3796 connues au moment de la rédaction de ces lignes - tourne autour d'une étoile. C'est pourquoi il est généralement impossible d'en obtenir une image directe, à de très rares exceptions près, tant la lumière émise par l'astre central est éblouissante. A ce jour, seules quelques planètes géantes, très éloignées de leur étoile, ont pu être distinguées sur une photographie, notamment grâce à l'instrument SPHERE installé sur le Very Large Telescope (VLT) au Chili.

Mais cela vient de changer, grâce à une équipe internationale d'astronomes dirigée par Jens Hoeijmakers, chercheur au Département d’astronomie de l’Observatoire de la Faculté des sciences de l'UNIGE (Université de Genève) et membre du NCCR PlanetS, qui a eu l'idée de se baser, non plus sur l'ensemble du spectre visible, mais sur la signature moléculaire de certains éléments bien précis pour leur observation. En effet, il est tout à fait possible de déterminer un groupe de molécules qui seraient à la fois présentes à la surface d'une planète, et absentes d'une étoile.
 

Jens Hoeijmakers

Grâce à une nouvelle technique révolutionnaire, les appareils ne détectent plus ainsi que les molécules choisies, rendant l'étoile invisible en permettant aux astronomes d'observer directement la planète. "En se focalisant sur des molécules présentes uniquement sur l’exoplanète étudiée et absentes de son étoile de référence, nos appareils parviendraient à 'effacer' l’étoile pour ne révéler que l’exoplanète", annonce Jens Hoeijmakers.

Effacer l’étoile grâce aux spectres moléculaires

Pour tester cette nouvelle technique, Jens Hoeijmakers et son équipe ont utilisé des images d’archives prises par l’instrument SINFONI autour de l’étoile beta pictoris, connue pour sa planète géante, beta pictoris b. Chaque pixel de ces images contient le spectre de la lumière reçue par ce pixel. Les astronomes combinent ensuite le spectre contenu dans le pixel avec un spectre correspondant à une molécule donnée, de la vapeur d’eau par exemple, pour voir s’il y a corrélation. S’il y a effectivement corrélation, cela signifie que la molécule est présente à la surface de la planète.

En appliquant cette technique à beta pictoris b, Jens Hoeijmakers constate que la planète devient parfaitement visible lorsqu’il cherche de l’eau (H2O) ou du monoxyde de carbone (CO). En revanche, lorsqu’il applique sa technique aux molécules de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3), la planète demeure invisible, suggérant l’absence de ces molécules à la surface de beta pictoris b.

Les molécules, nouveau thermomètre de planètes

L’étoile beta pictoris, quant à elle, reste invisible dans les quatre situations. En effet, cette étoile est extrêmement chaude et cette température élevée détruit directement les quatre molécules étudiées. "C’est pourquoi cette technique nous permet non seulement de détecter des éléments à la surface de la planète, mais également de fixer les limites supérieures et inférieures de la température qui y règne" explique l’astronome de l’UNIGE. Le fait que les astronomes n’arrivent pas à rendre visible beta pictoris b à l’aide des spectres de méthane et d’ammoniac est dès lors cohérent avec la température estimée à 1700°C pour cette planète, une température trop élevée pour que ces molécules existent.

"Cette technique en est seulement à ses débuts, s’enthousiasme Jens Hoeijmakers. Elle devrait révolutionner la manière de caractériser les planètes et leurs atmosphères. Nous sommes très impatients de voir ce qu’elle donnera sur les futurs spectrographes comme ERIS sur le Very Large Telescope au Chili ou HARMONI sur l’Extremely Large Telescope qui sera inauguré en 2025, également au Chili", conclut-il.

Jean Etienne

Source principale :

Medium-resolution integral-field spectroscopy for high-contrast exoplanet imaging: Molecule maps of the beta Pictoris system with SINFONI (Astronomy & Astrophysics, 11 juin 2018. (A paraître).
 
 

 

 
En haut, la planète devient visible lorsqu’on cherche de l’eau (H2O) ou du CO. En revanche, comme elle ne possède ni CH4 ni NH3, elle reste invisible, tout comme l’étoile qui ne possède aucun des quatre éléments mentionnés (En bas). Crédit : UNIGE.
 

 

 
 
 

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