29 juin 2018

 

Oumuamua, astéroïde ou comète interstellaire ?

 
Découvert le 19 octobre 2017, l'objet interstellaire Oumuamua, après une traversée express de notre Système solaire, s'éloigne vers l'infini de l'Espace à 114.000 km/heure. Et sa nature n'est toujours pas connue. Elle pourrait même ne jamais l'être…

Signifiant "éclaireur du passé lointain" en hawaïen, Oumuamua avait été observé pour la première fois par des astronomes du programme Pan-STARRS1 de l'université d'Hawaii alors qu'il se rapprochait de l'orbite terrestre. Mais de quoi s'agit-il au juste, un astéroïde, ou une comète ? Les chercheurs se disputent encore sa véritable nature.

Un premier indice : sa trajectoire. Des observations de suivi approfondies effectuées au moyen du télescope Canada-France-Hawaii (CFHT), du télescope optique de la station terrienne de l'Agence spatiale européenne (ESA) à Tenerife, dans les îles Canaries, et d'autres télescopes du monde entier ont contribué à la préciser.

Repéré pour la première fois environ un mois après son périhélie alors qu'il se trouvait encore dans l'orbite de Mercure, Oumuamua, contrairement à tout astéroïde ou comète observé jusqu'ici, a survolé le Soleil sur une orbite très inclinée à une vitesse jamais observée de 114.000 km/heure, lui permettant de se libérer de l'attraction de notre étoile et de quitter définitivement notre Système solaire.
 
 

 
Oumuamua, observé ici par le télescope William Herschel, est ce petit point au centre de l’image.
Crédits : A Fitzsimmons, Queen’s University Belfast/Isaac Newton Group, La Palma.
 
 
Initialement, les astronomes pensaient que Oumuamua était une comète. En effet, les modèles aujourd'hui acceptés de la formation des planètes prédit un nombre supérieur de comètes interstellaires que d'astéroïdes interstellaires. Cependant, aucune émission de gaz ou de poussière n'a été observée, ce qui semble contredire cette hypothèse. Et en l'absence de cette caractéristique, Oumuamua a été classé comme le premier astéroïde interstellaire.

Mais l'histoire prend une autre tournure

Une équipe d'astronomes dirigée par Marco Micheli, du Centre de coordination SSA-NEO de l'ESA et Karen Meech de l'Institut d'Astronomie de l'Université d'Hawaii, a affiné les données concernant la vitesse de l'objet interstellaire alors qu'il s'éloigne de notre étoile, en utilisant de nombreuses installations terrestres comme le TCFH, ainsi que le télescope spatial Hubble. Ce dernier a fourni les dernières images en janvier, montrant Oumuamua s'éloignant de nous à la limite de la visibilité, avant qu'il n'échappe définitivement à l'observation.

Avec stupéfaction, les chercheurs ont constaté que Oumuamua ne suivait pas la trajectoire prévue par les lois de la gravitation. "De manière inattendue, nous avons constaté qu'Oumuamua ne ralentissait pas autant qu'elle aurait dû en raison des seules forces gravitationnelles", explique Marco, l'auteur principal de la publication reprise dans Nature. Mais comment expliquer un tel comportement, qui se traduit par une différence de l'ordre de 100.000 kilomètres à hauteur de l'orbite de Jupiter ?

Une analyse rigoureuse excluait toute une gamme d'influences possibles, telles que la pression de radiation ou les effets thermiques du Soleil, ou encore l'interaction avec le vent solaire. D'autres scénarios, moins probables, comme une collision avec un autre corps, ou même un hypothétique assemblage de deux objets formant Oumuamua par un lien gravitationnel, ont également été rejetés.

Un propulseur à réaction naturel

Les comètes renferment des matières solides telles des glaces, qui se subliment lorsqu'elles sont réchauffées par le passage à proximité d'une étoile comme le Soleil. Ce processus, appelé dégazage, entraîne l'éjection de gaz et de poussières, créant ainsi une "atmosphère" floue autour de l'astre, et parfois une queue. Dans certains cas, ce phénomène peut exercer une légère poussée, pouvant influencer la vitesse ou la direction de l'astre.
 
 

 
imgVue d'artiste de Oumuamua en cours de dégazage. Crédit Nasa.
 
"Grâce à la haute qualité des observations, nous avons pu caractériser la direction et l'amplitude de la perturbation non-gravitationnelle, qui correspond tout à fait à une hypothèse de dégazage", explique Davide Farnocchia du Jet Propulsion Laboratory de la NASA.

"Nous n'avons pourtant pas observé de poussière, de coma ou de queue, ce qui est inhabituel dans le cas d'une comète", explique Karen Meech de l'Université d'Hawaï, qui a dirigé la caractérisation de Oumuamua en 2017. Cependant, l'équipe spécule que Oumuamua a vu les plus petits grains de poussière recouvrant sa surface s'éroder progressivement durant son long voyage à travers l'espace interstellaire, ne laissant que les plus grosses particules, lesquelles ne formaient pas un nuage suffisamment brillant pour être observé par Hubble.

Et cela renforce le mystère de son origine…

Alors que les chercheurs espéraient que les nouvelles observations sur la trajectoire précise de Oumuamua permettraient d'en détecter son origine, son système d'étoile parente, il s'avère maintenant que cette question restera probablement sans réponse. Car pour cela, il serait nécessaire de modéliser, non seulement la forme de l'objet, mais aussi la direction des jets d'émission des gaz ou particules depuis sa surface, avec une précision qui échappe à l'observation depuis la Terre. "Pour vraiment comprendre Oumuamua, nous aurions besoin d'envoyer une sonde spatiale, ce qui est théoriquement possible, mais coûterait très cher et prendrait beaucoup de temps", déclare Karen Meech, qui garde l'espoir d'être prêt pour la prochaine visite…

Jean Etienne

Sources principales :

Non-gravitational acceleration in the trajectory of 1I/2017 U1 (‘Oumuamua). Nature, 27 juin 2018.

Is the interstellar asteroid really a comet ? Université d'Hawaii, 27 juin 2018.
 

 
 
imgTrajectoire de Oumuamua à travers le Système solaire. Crédit : ESA.
Cliquer sur l'image pour agrandir.
 

 

 
 
 

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