1er décembre 2018

 

Les astéroïdes à anneaux

 
Jusqu'il y a peu de temps, seules les planètes géantes étaient susceptibles de posséder un système d'anneaux à l'instar de l'emblématique Saturne. Deux astéroïdes contredisent aujourd'hui ce privilège, tout en fournissant un nouvel angle de vue sur cet étonnant agencement.

En 2013, les astronomes découvraient un système d'anneaux dense autour de Chariklo, un astéroïde de type Centaure, d’environ 250 km de diamètre, orbitant entre Saturne et Uranus. Puis en 2017, l'exploit se répétait avec la mise en évidence d'un nouvel anneaux autour de Haumea, une planète naine, actuellement située à plus de 50 unités astronomiques du Soleil et connue pour être l’un des plus gros objets transneptuniens, avec une forme de cigare dont le grand-axe fait environ 2300 km.

Ces découvertes pourraient paraître anecdotiques, mais elles ne font que confirmer que la formation d'anneaux semble être une règle dans l'Univers, une planète sur deux de notre propre système solaire (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) en étant pourvue. Et si les astéroïdes s'en mêlent…

Mais au-delà de leur curiosité scientifique, ces anneaux offrent aux astronomes un terrain d’étude complètement inédit pour explorer plus finement les lois de la dynamique céleste à l’œuvre dans le Système solaire. Dirigée par Bruno Sicardy, astrophysicien de l’Observatoire de Paris et découvreur des deux mini-anneaux, une étude publiée dans une lettre de Nature Astronomy le 19 novembre dernier apporte une nouvelle vision sur les lois de la dynamique céleste à l’œuvre dans le Système solaire. Et ses conclusions montrent de grandes différences avec ce que l’on connaît déjà des planètes géantes caractérisées par une morphologie très régulière

 
 
Saturne, vue par la sonde Cassini en 2006. Crédit : Nasa/ESA
 
L'équipe démontre que les irrégularités de ces petits corps, que l'on ne retrouve pas sur les planètes géantes gazeuses, comme une topographie particulière modelée de cratères ou de montagnes, ou une forme extrêmement allongée à l’instar de Haumea, jouent un rôle important sur l’évolution de leurs anneaux.

En effet, un phénomène dit "de résonance" crée une forte interaction entre ces déformations de surface et les anneaux, induisant un processus de migration des particules. Cette migration s'opère selon différents scénarios, déterminés par leur position sous, ou au-dessus de l'orbite synchrone de l'objet principal (ce qui correspond à l'orbite géostationnaire de notre planète).

Ainsi, une colline d'à peine 5000 mètres d'altitude sur Chariklo peut provoquer la chute des particules de l'anneau si elles orbitent initialement sous cette orbite synchrone, et au contraire les repousser vers les zones externes si elles se trouvent à l'extérieur. Tout aussi surprenant, ce processus intervient sur le million d'années, c'est-à-dire une période très courte en comparaison de l'âge du système solaire, environ 4500 millions d'années. Si l'on prend en compte la forme allongée de Haumea, cette durée se raccourcit encore considérablement et n'est plus que de quelques années, un clin d'œil à l'échelle cosmique.

Bruno Sicardy

"Ce mécanisme, tel que l’étude le met en évidence, ouvre un champ d’hypothèses nouvelles pour comprendre d’autres situations dans le Système solaire" souligne Bruno Sicardy, premier auteur de l’article. Transposé, il pourrait par exemple aider à expliquer la formation de satellites autour des petits corps. Ainsi un astéroïde ou un objet transneptunien, après avoir subi un impact, pourrait avoir eu son disque initial repoussé au-delà d’une zone (baptisée « limite de roche ») où les effets de marée exercées par le corps, devenant suffisamment faibles, rendent possible l’agglomération du disque sous forme de satellites.

D’autres applications sont encore envisageables, comme comprendre la chaîne de montagnes qui ceinture l’équateur de Japet, un des satellites de Saturne, qui pourrait être le résultat de la chute d'un ancien anneau qui se serait effondre et accumulé sur ce corps.

En tout état de cause, les chercheurs disposent désormais d’un nouvel environnement fourni par la nature, et très différent des planètes géantes, pour mieux comprendre l’évolution des anneaux en général.

Jean Etienne

Source principale :

Ring dynamics around nonaxisymmetric bodies with applications to Chariklo and Haumea. Nature Astronomy, 19 novembre 2018.
 

 
Modélisation informatique de l'évolution d'un anneau formé d'environ 700 particules orbitant autour d'un corps ellipsoïde similaire à Chariklo (314 x 278 x 172 km), soumises à une force dissipative.

Image du haut : après 3 mois, la plupart des particules tournant sous l'orbite synchrone (ici à 190 km du centre du planétoïde) sont tombées sur le corps.

Image du milieu : après une année, toute la zone interne a été vidée.

Image du bas : après 12 ans, les particules restantes poursuivent leur migration vers les zones externes.

Crédit : Rodrigo Leiva, Dpt of Space Sudies, Southwest Research Institute, Boulder.

 

 

 
 
 

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