9 décembre 2018

 

La Chine lance Chang'e-4 vers la face cachée de la Lune

 
Une fusée Longue Marche-3B a décollé le 8 décembre 2018 depuis la base spatiale de de Xichang, dans la province du Sichuan (sud-ouest de la Chine), emmenant la sonde Chang'e-4 vers la Lune.

Chang'e-4, signifiant littéralement cháng'e sì hào ( 嫦娥四号 ) du nom de la déesse de la Lune dans la mythologie chinoise, comporte un atterrisseur ainsi qu'un véhicule d'exploration représentant une masse totale de 3780 kg, qui devront se poser le 3 janvier 2019 sur la face cachée de notre satellite naturel, une première dans l'histoire de l'exploration spatiale.
 

 

 
Lancement de Chang'e-4 par une fusée Longue Marche-3B
 
«L’atterrissage en douceur et l’exploration de la face cachée, ce qui n’a jamais été fait auparavant, permettront d’obtenir des informations de première main sur le terrain et les composantes du sol lunaire, ainsi que d’autres données scientifiques, qui contribueront à enrichir notre compréhension de la lune et de l’univers», a déclaré Zhang He, directeur exécutif du projet de sonde Chang'e-4.

Le site d'atterrissage retenu, le cratère Von Kármán, est situé sur la face cachée de la Lune au sud-est de la Mare Ingenii et dans le bassin d'impact Aitken. Celui-ci constitue le plus ancien et le plus grand des cratères lunaires et à ce titre présente un intérêt particulier pour les scientifiques. La mission a pour objectif de déterminer la géologie de la région ainsi que la composition des roches et du sol.

L'atterrissage

L'atterrissage s'effectuera en mode automatique. Pour cela, un système inertiel déterminera la trajectoire, puis à l'approche du sol, un altimètre laser et un capteur à micro-ondes interviendront pour déterminer la vitesse et la distance restante. A 100 mètres d'altitude, l'ordinateur de bord analysera les images transmises par une caméra de descente couplée à un logiciel de reconnaissance de forme afin d'orienter l'appareil vers une zone d'atterrissage dépourvue d'obstacles. Le train d'atterrissage, composé de quatre jambes formant un angle de 30° sur l'axe central, sont munies d'absorbeurs de choc afin de résister à l'impact.
 

 

 
L'atterrisseur de Chang'e-4.
 
La fourniture en énergie électrique est assurée par des panneaux solaires, ainsi que par un générateur radio-isotopique prenant le relais durant la longue nuit lunaire de 14 jours terrestres afin d'alimenter le chauffage des instruments électroniques.

Le véhicule d'exploration, ou rover

 

Le rover de Chang'e-4.

Sitôt posé, l'etterrisseur déploiera deux rampes afin de permettre au rover de descendre et prendre son autonomie.

Il s'agit d'un engin autonome à six roues, d'une masse de 140 kg dont 20 kg de charge utile et haut de 1,5 mètre. Il est surmonté d'un mât supportant les caméras de navigation et panomarique ainsi que l'antenne parabolique de communication. L'énergie lui est fournie par des panneaux solaires et sa durée de vie prévue est de trois jours et trois nuits lunaires, soit environ 90 jours terrestres.

La locomotion est assurée par six moteurs électriques, un par roue, alimentés en courant continu. Capable de grimper une pente inclinée à 20° et de franchir des obstacles de 20 cm de haut, il pourra parcourir une distance maximale de 10 km et explorer une surface de 3 km².

Un algorithme de navigation analysera les images fournies par les caméras de navigation et celles destinées à éviter les obstacles, afin d'en déduire la route à suivre. Il est prévu qu'il puisse aussi être dirigé par un opérateur humain, compte tenu de la durée des communications (2,5 secondes aller-retour pour le signal).

Instrumentation scientifique de la mission est répartie entre ses divers éléments.

Instrumentation de l'atterrisseur

  • La caméra LCAM (Landing Camera) utilisée pour prendre des photos durant la descente.
     
  • La caméra topographique TCAM ( Terrain Camera).
     
  • Le spectromètre LFS (Low Frequency Spectrometer) pour la détection des variations du champ électrique basse fréquence générées par les tempêtes solaire, et cela depuis une situation privilégiée puisque la Lune fait écran avec la Terre. Les données collectées permettront d'étudier le plasma lunaire présent au-dessus du site d'atterrissage.
     
  • Le dosimètre à neutrons LND (Lunar Lander Neutrons and Dosimetry) fourni par l’université de Kiel en Allemagne mesurera la quantité d'eau présente dans le régolithe lunaire dans le but de préparer de futures missions habitées. Ses 10 détecteurs au silicium permettent de mesurer les protons ayant une énergie comprise entre 10 et 30 MeV, les électrons dont l'énergie est comprise entre 60 et 500 keV, les particules alpha de 10 à 20 MeV par noyau et les ions lourds de 15 à 40 MeV. Deux détecteurs utilisant un sandwich Gd mesurent les flux de neutrons thermiques qui permettent de déterminer la présence d'eau dans le sous-sol et de déterminer les processus qui brassent la couche superficielle du sol.
     
  • Un container de 3 kilogrammes contenant des graines de pommes de terre et d'arabidopsis dans le but d'étudier la respiration des graines et la photosynthèse sur le sol lunaire. La température à l'intérieur de cette mini-biosphère est maintenue entre 1 et 30°C tandis que l'humidité et les éléments nutritionnels sont strictement contrôlés. La lumière solaire est canalisée par fibres optiques vers les plantes pour permettre leur croissance. L'expérience a été conçue conjointement par 28 universités.

Instrumentation du rover

  • La caméra panoramique PCAM (Panoramic Camera) fournira des images tridimensionnelles de la zone d'atterrissage et des régions explorées par le rover et permettront de déterminer la morphologie de la surface et la structure géologique.
     
  • Le spectromètre imageur VNIS (Visible and Near-Infrared Imaging Spectrometer) fonctionne en lumière visible et en infrarouge. La partie lumière visible fonctionne dans les longueurs d'ondes 0,45-0,95 microns et la partie infrarouge dans la bande 0,9-2,4 microns).
     
  • Le radar LPR (Lunar Penetrating Radar) a pour but d'étudier les structures géologiques du sous-sol et de cartographier le régolithe lunaire.
     
  • L'analyseur d'atomes neutres ASAN (Advanced Small Analyzer for Neutrals), fourni par la Suède, est similaire à un instrument ayant volé sur l'orbiteur lunaire indien Chandrayaan-1 et doit analyser les structures souterraines proches de la surface.

Communications

La Terre n'étant jamais visible depuis la face cachée de la Lune, les communications entre Chang'e-4 et le sol seront assurées par le satellite de communications relais Queqiao, qui a été lancé le 20 mai 2018, 6 mois avant le rover afin de lui permettre de rejoindre le point de Lagrange L2 du système Terre-Lune. Mais il ne se contente pas de cela, et comporte lui-même une importante instrumentation scientifique, dont un spectromètre radio à basse fréquence fourni par les Pays-Bas.

Un point de Lagrange est une position de l'espace dans un système à deux corps, où leurs champs de gravité se combinent de manière à fournir un point d'équilibre à un troisième corps de masse négligeable, tel que les positions relatives des trois corps soient fixes.

L'avantage du point de Lagrange L2, situé à 455.000 km de la Terre, est de rester en permanence visible depuis notre planète et de la face cachée de la Lune. Il s'agit du premier satellite de communications positionné sur un point de Lagrange.

Jean Etienne

 
 

 
Diagramme des communications.
 
 
 

 
Le cratère Von Kármán, au sud-est de la Mare Ingenii et dans le bassin d'impact Aitken sur la face cachée de la Lune, où se posera Chang'e-4 le 3 janvier 2019.
 

 

 
 
 

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