18 décembre 2018

 

Comment les roches se fluidifient sous l'impact d'un astéroïde

 
Les grandes structures d'impact de météorites observées dans notre Système solaire, comme sur Terre, forment des reliefs topographiques en forme d'anneaux, qui culminent à l'intérieur de cratères à plusieurs centaines de mètres au-dessus d'un sol parfaitement plat. Comment ces structures se sont-elles formées… en quelques secondes ? Un mystère maintenant résolu.

Il y a environ 66 millions d'années, à la fin du Crétacé, un astéroïde de la taille d'une petite ville est entré en collision avec la planète dans la région du Chicxulub, mettant fin au règne des dinosaures et éradiquant 76 % des espèces. Récemment, les scientifiques ont pu dresser un tableau détaillé des minutes qui ont suivi l'impact géant grâce à l'analyse des roches forées en 2016 au sein du cratère du Chicxulub, au Mexique, point de chute de l'objet.
 

 

 
Le cratère du Chicxulub, modélisé depuis l'Espace par analyse d'anomalies gravimétriques.
Crédit : Nasa.
 
Dans un premier temps, très court, les roches brisées ont subi un processus de fluidisation acoustique et se sont littéralement comportées comme un fluide. Beaucoup de théories ont été proposées pour expliquer par quel mécanisme cette fluidisation a pu se produire, sans réellement convaincre. Mais nous savons maintenant qu'elle est le résultat de très fortes vibrations, qui ont dynamisé la roche en la secouant violemment et suffisamment pour lui permettre de "couler".

Car pour être déplacées rapidement sur des grandes distances, les roches doivent avoir été affaiblies de façon drastique, tout en ayant néanmoins aussi conservé suffisamment de cohésion pour ensuite construire et maintenir les reliefs topographiques fraîchement créés. Cependant, les observations directes sont extrêmement limitées car les grands anneaux topographiques des cratères extra-terrestres peuvent uniquement être étudiés par télédétection, ne fournissant que peu d'informations sur la partie enfouie de la structure.

Heureusement, il y a la Terre…

Justement sur Terre, il existe le cratère du Chicxulub, large d'environ 200 kilomètres, et qui est la seule structure d'impact presque intacte, possédant un anneau topographique central bien préservé. Des simulations numériques ont montré que le cratère, cette gigantesque structure, se serait formée en quelques minutes. L'anneau central serait constitué de roches initialement localisées à 10 km de profondeur et qui auraient été projetées dans les airs, formant momentanément une montagne plus haute que l'Everest, avant de s'effondrer sur elle-même.

Une équipe internationale de 33 scientifiques dirigée par Ulrich Riller, de l'Institut de géologie de l'Université de Hamburg (Allemagne), a pour la première fois pu tester cette hypothèse et décrire la chaîne de mécanismes de déformation qui correspond aux différentes étapes du processus de cratérisation.
 

 

 
Emplacement de la chute de l'astéroïde ayant provoqué le cratère di Chicxulub. A gauche, en tenant compte de l'état de dérive des continents il y a 65 millions d'années, à droite, selon la géographie actuelle.
 
Les carottes de roche contenant les enregistrements de ce processus ont été extraites du cratère de Chicxulub en 2016. Celui-ci est en partie localisé en mer sur la plateforme du Yucatan, au Mexique, et les roches formant l'anneau topographique sont actuellement enfouies sous des centaines de mètres de sédiments et de roches. L'équipe internationale de chercheurs a donc réalisé un forage de 1300 mètres de profondeur et remonté plus de 800 mètres de carottes qui renseignent sur l'impact lui-même, ses conséquences, et les modalités de retour de la vie après l'impact.

Les scientifiques se sont concentrés sur les différents mécanismes de déformation, leur chronologie relative et leur contribution dans les différentes étapes de cratérisation, y compris lors de formation de l'anneau central.

Les carottes récupérées lors de ce forage présentent différentes structures de déformations macroscopiques qui attestent d'état de contraintes très variables lors de l'impact et démontrent le comportement mécanique parfois extrême des roches.

Grâce à ces observations et à des simulations numériques, les chercheurs ont ainsi pu confirmer le rôle dominant du mécanisme de fluidisation acoustique faisant suite au passage de l'onde de choc et à la décompression qui ont fracturé la roche de manière irréversible. Pendant quelques minutes après l'impact, la roche brisée se comporte alors comme une masse visqueuse sous l'effet de vibrations extrêmement fortes. Ce n'est que plus tard, lorsque l'oscillation aura cessé, que la roche regagnera de la cohésion lors d'une phase de rebond central ou de la mise en place de l'anneau central qui y fait suite. À l'avenir, ces découvertes pourront aider à déchiffrer la formation des plus grands cratères d'impact partout dans notre système solaire.

Jean Etienne

Sources principales :

Rock fluidization during peak-ring formation of large impact structures, Nature 562 du 24 octobre 2018, par Ulrich Riller, Michael H. Poelchau, Auriol S. P. Rae, Felix M. Schulte, Gareth S. Collins, H. Jay Melosh, Richard A. F. Grieve, Joanna V. Morgan, Sean P. S. Gulick, Johanna Lofi, Abdoulaye Diaw, Naoma McCall, David A. Kring & IODP–ICDP Expedition 364 Science Party.

Le phénomène de fluidisation des roches explique comment l’impact d’un astéroïde peut créer instantanément des ‘Himalayas’, CNRS, 8 décembre 2018.

Drilling into a dinosaur killer, ScienceNews for Students, 31 janvier 2017.

 
 

 
Carottes extraites du cratère de Chicxulub. Crédit : Université de Hambourg.
 
 
 

 
Les scientifiques ont utilisé le navire de forage Myrtle et ses trois jambes imposantes pour percer le cratère laissé par l’impact du Chicxulub. Crédit : Université du Texas.
 

 

 
 
 

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