20 décembre 2018

 

Comment disparaissent les éphémères anneaux de Saturne

 
Les anneaux de Saturne sont beaucoup plus récents que ce que l'on pensait, et disparaîtront rapidement. En durée relative, ils ne représenteraient qu'un clin d'œil dans la vie de la planète.

Déjà en 1980 et 1981, les observations réalisées lors du passage des sondes Voyager 1 et 2 avaient révélé que les anneaux de glace entourant Saturne perdaient de la matière sous l'influence du champ magnétique de la planète. Il était cependant alors difficile de prédire combien de temps restait à la formation la plus emblématique du Système solaire.
 

 

 
Cette image a été réalisée par la sonde Cassini le 25 avril 2016, à une distance d'environ 3 millions de kilomètres de Saturne et à une inclinaison d'environ 30 degrés au-dessus du plan de l'anneau.
Crédits: NASA / JPL-Caltech / Institut des sciences spatiales.
 
Le Dr Tom Stallard, professeur d'astronomie planétaire à l'Université de Leicester, et le Dr O'Donoghue, du Centre de vol spatial Goddard de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland, estiment que cette "pluie équatoriale" draine l'équivalent d'une piscine olympique de glace des anneaux toutes les demi-heures, leur donnant une espérance de vie de quelque 300 millions d'années.

Mais le Dr O'Donoghue pense que les anneaux pourraient même disparaître bien plus rapidement que cela, car la sonde Cassini a aussi détecté des matériaux tombant dans l'équateur de Saturne, réduisant leur durée de vie à environ 100 millions d'années. Bien que cela paraisse énorme, cette période est très courte comparativement à l'âge de la planète géante, estimé à 4 milliards d'années.

Le Dr Tom Stallard annonce : "Le jeune âge des anneaux a des implications vraiment surprenantes. Il est possible, à l’époque des dinosaures, que les anneaux de Saturne aient été encore plus grands et plus brillants qu’aujourd’hui. Quelque chose de dramatique a dû se passer autour de Saturne pour les rendre aussi spectaculaires, longtemps après la formation de la planète elle-même."

Les premières indications de l'existence de cette pluie torrentielle depuis les anneaux vers la surface provenaient d'observations par les deux sondes Voyager d'un phénomène apparemment sans rapport. Celles-ci incluaient des changements dans l'ionosphère de Saturne, des variations de densité dans les anneaux ainsi que la découverte, par Voyager 2 en 1981, de trois bandes sombres étroites entourant la planète.

En 1986, Jack Connerney du centre Goddard de la Nasa, publiait un article dans Geophysical Research Letters qui reliait ces bandes sombres à la forme du champ magnétique de Saturne. Cela suggérait que des particules de glace chargées électriquement des anneaux de Saturne coulaient le long des lignes de force de ce champ magnétique et se déversaient dans la haute atmosphère brumeuse de Saturne. C'est cet afflux d'eau qui, en balayant cette brume stratosphérique, la rend plus sombre en produisant ces bandes sombres visibles dans les images des Voyager.
 

 

 
Cette image montre comment le champ magnétique de Saturne relie le système d'anneaux et les bandes sombres observées sur Saturne.
Crédits: Centre de vol spatial Goddard de la NASA / David Ladd
 
Les anneaux de Saturne sont principalement constitués de morceaux de glace d'eau d'une taille allant de la poussière microscopique à des blocs de plusieurs mètres. Les particules de l'anneau se trouvent en équilibre entre la force d'attraction de Saturne, qui tend à les ramener vers la planète, et leur vitesse orbitale, qui a tendance à les projeter vers l'espace extérieur. Mais ces minuscules particules peuvent être chargées électriquement par la lumière ultraviolette du Soleil ou par des nuages de plasma émanant du bombardement des anneaux par des micrométéorites. Lorsque cela se produit, les particules peuvent se trouver sous l'influence du champ magnétique de Saturne, qui s'oriente vers la planète au niveau des anneaux. Dans certaines parties de ces anneaux, le rapport de force sur ces minuscules particules change de façon spectaculaire, et la force de gravitation les entraîne le long des lignes de champ magnétique dans la haute atmosphère.

Une fois sur place, les particules de glace se vaporisent et l'eau peut réagir chimiquement avec l'ionosphère de Saturne. Un des résultats de ces réactions est une augmentation de la durée de vie des particules chargées électriquement, appelées ions H3+, composées de trois protons et de deux électrons. Lorsqu'ils sont alimentés par la lumière du soleil, les ions H3+ brillent dans la lumière infrarouge, ce qui a été observé par l'équipe d'O'Donoghue à l'aide d'instruments spécifiques installés au foyer du télescope Keck à Mauna Kea, à Hawaii.

Ces observations ont révélé des bandes rougeoyantes dans les hémisphères nord et sud de Saturne, où les lignes de champ magnétique qui coupent le plan de l'anneau pénètrent dans la planète. Les scientifiques ont alors analysé cette émission lumineuse afin de déterminer le volume d'eau reçu depuis l'anneau et déterminer ses effets sur l'ionosphère de Saturne. Ils ont constaté que ce volume d'eau correspond remarquablement bien aux valeurs étonnamment élevées relevées plus de trente ans auparavant par Connerney et ses collègues, essentiellement dans l'hémisphère sud.

L'équipe a également découvert une bande rougeoyante à une latitude plus élevée dans l'hémisphère sud. C’est là que le champ magnétique de Saturne croise l’orbite d’Enceladus, une lune géologiquement active qui projette des geysers de glace d’eau dans l’espace, indiquant que certaines de ces particules pleuvent également sur Saturne. "Ce n'était pas vraiment une surprise totale. Nous avons également identifié Enceladus comme une source d'eau abondante, sur la base de l'observation d'une autre bande sombre étroite dans une ancienne image de Voyager."

On pense aujourd'hui que les geysers, observés pour la première fois par les instruments de Cassini en 2005, viennent d'un océan d'eau liquide sous la surface gelée de la minuscule lune. Son activité géologique et son eau océanique font d’Enceladus l’un des endroits les plus prometteurs pour la recherche de la vie extraterrestre.

En conclusion, si nous pouvons observer ces anneaux majestueux autour de la géante gazeuse, c'est tout simplement parce que l'espèce humaine est apparue pile-poil au moment précis où ceux-ci se sont formés, avant de disparaître. Un clin d'œil dans la vie du Système solaire…

Jean Etienne

Sources principales :

Research finds rings of Saturn are dying. Université de Leicester.

NASA Research Reveals Saturn is Losing Its Rings at “Worst-Case-Scenario” Rate. Nasa, centre Goddard.
 

 

 
La lune de Saturne, Encelade, dérive devant les anneaux tandis que la petite lune Pandora est visible en arrière-plan dans cette vue capturée le 1er novembre 2009 par la sonde Cassini. Toute la scène est rétro-éclairée par le Soleil, fournissant un éclairage saisissant des particules glacées qui composent les anneaux. On distingue nettement les jets émanant du pôle sud d’Enceladus, qui mesure environ 505 km de diamètre. Pandora, qui mesure environ 52 km de large, se trouvait de l’autre côté des anneaux de Cassini et d’Enceladus au moment de la prise de vue. Cette vue est également orientée vers le côté nuit de Pandora, qui est éclairée par la faible lumière dorée réfléchie par Saturne.
Crédits: NASA / JPL-Caltech / Institut des sciences spatiales
 

 

 
 
 

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