28 décembre 2018

 

Evaluation de la biomasse terrestre : tout le monde s'est trompé !

 
Quelle est la forme de vie la plus abondante sur Terre ? Récemment encore, les scientifiques plaçaient les bactéries tout en haut de l'échelle, ce qui était rarement contesté. Mais il s'agissait plus d'un préjugé que d'une réelle mesure et tout le monde se trompait. La vérité est bien plus surprenante.

Comment la biomasse des océans se compare-t-elle à la vie terrestre ? Comment la biomasse des plantes peut-elle s'opposer à celle des champignons, des animaux ou des bactéries ? Quels sont les animaux les plus abondants sur notre planète ? Un nouveau type de recensement mondial basé sur la biomasse totale de différentes formes de vie sur Terre suggère que la plupart de ce que nous pensons savoir sur de telles questions repose sur des recherches obsolètes, des estimations incomplètes ou simplement des anecdotes non fondées.

Tout est parti d'un projet d'études différent. Yinon Bar-On, chercheur dans le groupe du professeur Ron Milo du département des sciences végétales et de l'environnement de l'Institut Weizmann (Israël), avait débuté une recherche visant à déterminer l'influence globale des protéines de divers organismes sur la biosphère. Voulant se fonder sur la littérature existante, il s'est alors aperçu que les données dont il avait besoin manquaient. Une absence de chiffres qui devait le conduire dans une quête intensive de deux ans qui le mènerait finalement, lui et le professeur Rob Phillips du California Institute of Technology, à une compilation d'une "distribution de la biomasse sur Terre". Pour comparer la biomasse des bactéries à celle du plancton ainsi que celle des termites, des arbres, des animaux et des humains, ils ont évalué les unités de carbone représentant chaque groupe, chiffrées en gigatonnes (Gt, ou milliards de tonnes).

On apprend dans cette étude que la biomasse totale des plantes domine de loin la vie sur toute la planète. Ainsi, si la plupart des scientifiques pensaient jusqu'à présent que les bactéries dominaient la biomasse, cette affirmation est maintenant invalidée. Même si les océans couvrent 71 % de la surface de la planète, il est maintenant établi que la biomasse terrestre est de 10 à 100 fois plus importante que la biomasse marine, une belle vengeance de l'évolution de la vie, qui a pourtant pris naissance… dans la mer. Les arthropodes (crabes, araignées et insectes) constituent le groupe d'animaux ayant la biomasse la plus élevée, suivi des poissons. Les humains, quant à eux, pèsent quelque 0,06 gigatonne de carbone, soit sensiblement la même quantité que les termites.

L'impact de l'homme sur l'environnement apparaît aussi sous un nouvel angle. Ainsi, l'étude montre que nous avons probablement décimé près de la moitié de la biomasse terrestre, et que la biomasse de l'ensemble du bétail (0,1 Gt) représente près de 15 fois celle des mammifères en liberté (0,007 Gt), dominée par les bovins et les porcs.

Ceci est également vrai pour les oiseaux sauvages et domestiques, pour lesquels la biomasse de volailles domestiques (0,005 Gt, dominée par les poulets) est environ trois fois plus élevée que celle des oiseaux sauvages (0,002 Gt). En fait, les humains et le bétail dépassent tous les vertébrés réunis, à l'exception des poissons.

L'impact de la civilisation humaine sur la biomasse mondiale ne s'est pas limité aux mammifères, mais a également profondément modifié la quantité totale de carbone séquestrée par les plantes. Un recensement mondial du nombre total d’arbres donne à penser que la biomasse végétale totale (et, indirectement, la biomasse totale sur Terre) a diminué environ deux fois par rapport à sa valeur précédant le début de la civilisation humaine. La biomasse totale des cultures par l'homme est estimée à 10 Gt environ, ce qui ne représente que 2 % de la biomasse végétale totale existante.

Jean Etienne

Source principale :

The biomass distribution on Earth, Proceeding of the National Adademy of Sciences of the United States of America. doi.org/10.1073/pnas.1711842115, 19 juin 2018.
 

 

 
Représentation graphique de la distribution globale de la biomasse par taxon.
( A ) Les biomasses absolues de différents taxons sont représentées à l'aide d'un diagramme de Voronoï, la surface de chaque cellule étant proportionnelle à la biomasse globale de ce taxon (la forme spécifique de chaque polygone n'a pas de signification).
( B) Biomasse absolue de différents taxons animaux. Les groupes associés tels que les vertébrés sont situés les uns à côté des autres. La contribution des reptiles et des amphibiens à la biomasse totale d’animaux est considérée comme négligeable.
Crédit : Institut Weizmann.
 

 

 
 
 

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