9 janvier 2019

 

A bord de l'ISS, bactéries et virus peuvent-ils muter dangereusement ?

 
La Station Spatiale Internationale abrite des milliers d'espèces différentes de microbes, bactéries ou virus, apportés par des astronautes ou des cargaisons. Cet environnement très spécial pourrait-il provoquer des mutations dangereuses, voire pathogènes ?

"Il y a eu beaucoup de spéculations sur les radiations, la microgravité, le manque de ventilation et leurs effets sur les organismes vivants, y compris les bactéries", déclare le professeur Erica Hartmann, de la McCormick School of Engineering de Northwestern, qui a dirigé l'étude publiée dans la revue mSystems. "Ce sont des conditions exigeantes et difficiles. L'environnement sélectionne-t-il des superbactéries possédant un avantage leur permettant de survivre ?"

Bien que l'équipe de scientifiques ait constaté que les bactéries isolées dans l'ISS contenaient des gènes différents de ceux de leurs homologues terrestres, ceux-ci ne les rendaient pas plus nocives pour la santé humaine. Au lieu de cela, elles réagissent simplement, voire évoluent, pour mieux survivre dans un environnement stressant, ne se transformant pas en superbactéries dangereuses et résistantes aux antibiotiques.
 

 

 
La Station Spatiale Internationale, le 4 octobre 2018. Crédit : Nasa.
 

Objectif Mars, et au-delà

A mesure que les projets de voyage vers Mars se dessinent, un intérêt croissant se manifeste pour comprendre le comportement des microbes dans un environnement clos. "Les occupants seront enfermés dans de petits habitacles où ils ne pourront pas ouvrir une fenêtre, sortir ou faire circuler de l'air frais", prévient Hartmann. "Nous sommes vraiment préoccupés par la façon dont cela pourrait affecter ces microbes".

Aujourd'hui, le Centre national d'information sur la biotechnologie gère une base de données accessible au public contenant les analyses génomiques de nombreuses bactéries isolées de l'ISS. L'équipe de Hartmann a utilisé celles-ci pour comparer les souches de Staphylococcus aureus et de Bacillus cereus de l'ISS à celles de la Terre.

S. aureus, ou staphylocoque doré, est relativement commune sur la peau humaine ou dans le nez des personnes en bonne santé, et résistante aux antibiotiques, dont la méticilline. Elle peut toutefois provoquer des pneumonies ou des septicémies. Dans les cas graves, elle peut induire un choc toxique et entraîner le décès du patient. B. cereus est une bactérie pathogène rencontrée le plus souvent dans les produits riches en amidon, comme les céréales. Les infections dûes à cette bactérie sont généralement bénignes.

"Sur votre peau, ces bactéries sont très heureuses", annonce Hartmann. "Votre peau est chaude et contient certaines huiles et produits chimiques organiques que les bactéries aiment beaucoup. Mais si vous sous en débarrassez, elles se retrouvent dans un environnement très différent. Les surfaces d'un bâtiment sont froides et stériles, ce qui est extrêmement stressant pour elles".

Pour s'adapter à de telles conditions, les bactéries sélectionnent certains gènes plus avantageux ou mutent. Dans l'ISS, ces gènes ont potentiellement aidé les bactéries à réagir au stress, leur permettant ainsi de se nourrir, de se développer et de fonctionner dans un environnement hostile.

Aucune conséquence néfaste constatée

"D'après les résultats de l'analyse génomique, il semblerait que les bactéries s'adaptent à la vie, sans pour autant devenir pathogènes", a déclaré Ryan Blaustein, stagiaire postdoctoral au laboratoire de Hartmann et premier auteur de l'étude. "Nous n'avons rien vu de particulier concernant la résistance aux antibiotiques ou la virulence des bactéries de la station spatiale."

Bien que ce soit une bonne nouvelle pour les astronautes et les touristes potentiels de l’espace, Hartmann et Blaustein sont conscients que des personnes puissent introduire involontairement des maladies dans les stations spatiales. "Partout où vous allez, vous apportez vos microbes avec vous", déclare Hartmann. "Les astronautes sont des personnes en excellente santé. Mais comme nous projetons d'étendre le vol spatial à des touristes qui ne répondent pas nécessairement à leurs critères, nous ignorons ce qui peut se passer. Nous ne pouvons pas garantir qu'une personne infectée placée dans un tel environnement fermé ne transmettra pas sa maladie à d'autres personnes. C’est un peu comme quand on tousse dans un avion et que tout le monde tombe malade", conclut-il.

Jean Etienne

Sources principales :

Space microbes aren't so alien after all ? Northwestern University, 8 janvier 2019.

Pangenomic approach to understanding microbial adaptations within a model built environment, the International Space Station, relative to human hosts and soil. mSystems, DOI : 10.1128/mSystems.00281-18, 8 janvier 2019.
Télécharger l'étude complète en pdf (anglais - 2,69 Mo).
 

 

 
L'intérieur de la Station Spatiale Internationale peut se révéler un véritable bouillon de culture pour toutes les bactéries importées depuis la Terre. Crédit : Nasa.
 

 

 
 
 

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