18 janvier 2019

 

La peinture corporelle des peuples autochtones n'est pas qu'esthétique

 
La peinture corporelle pratiquée par certaines tribus pour diverses raisons (culturelles, religieuses, voire pour intimider un ennemi) pourrait avoir eu une conséquence inattendue, et même non voulue, en protégeant indirectement certaines peuplades de la maladie.

Une équipe de recherche internationale, essentiellement suédoise et hongroise, a démontré que des rayures blanches peintes sur le corps des membres de certaines communautés vivant en Afrique, en Australie, mais aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Amérique du Nord, protègent la peau des piqûres d'insectes, ce qui confère aussi une protection efficace contre les maladies transmises par cette voie.

Les motifs de ces peintures (rayures, taches, ondulations et damiers) sont extrêmement variés. Le point commun entre ces communautés est qu'elles vivent dans des régions où abondent moustiques, mouches tsé-tsé, ainsi que d'autres insectes se nourrissant de sang, tels le taon. Lorsqu'ils piquent ces personnes, il existe un risque non négligeable de transfert de bactéries, de parasites ou d'autres agents pathogènes.
 

 

 
Les motifs de peinture corporelle peuvent revêtir un grand nombre de formes différentes.
Crédit : The Royal Society. Cliquer sur l'image pour agrandir.
 
Pour cette expérience, conduite en Hongrie sous l'égide du Bureau national hongrois de la recherche, du développement et de l'innovation dans une région où les taons abondent, trois modèles humains en plastique de taille réelle ont été utilisés : un noir, un noir à rayures claires, et un beige. Les trois étaient recouverts d'un adhésif fin, souple et transparent destiné à piéger les insectes. Par rapport au modèle à rayures, le modèle beige a piégé deux fois plus de taons et le modèle noir dix fois plus !

Selon Susanne Åkesson, professeure au département de biologie de l'Université de Lund (Suède), la tradition de la peinture sur corps pourrait s'être développée simultanément sur différents continents. On ignore toujours à quel moment cette tradition a commencé. "La pratique de la peinture corporelle a débuté bien avant que les hommes ne commencent à porter des vêtements. Certaines découvertes archéologiques incluent des marques sur les murs des cavernes où vivaient les Néandertaliens. Elles suggèrent qu'elles avaient aussi été peintes sur le corps avec des pigments de terre tels que l'ocre", explique Susanne Åkesson, co-auteure de l'étude.

Mais ce n'est pas tout, puisque les chercheurs ont aussi démontré que le modèle en plastique beige attirait deux fois plus de sangsues que le modèle à rayures.

L'équipe de recherche avait déjà précédemment observé que les rayures du zèbre agissaient comme une protection contre les taons, tout comme, dans nos régions, une robe pâle offrait une protection aux chevaux contrairement à une robe foncée. Une constatation qui avait paru farfelue à l'époque, au point de remporter le prix IgNobel de physique en 2016 et d'être moquée dans la presse, ce qui démontre qu'aucune découverte n'est a priori à rejeter.

Plus déroutante, la constatation que seuls les taons femelles étaient attirés par les silhouettes debout, alors que mâles et femelles se précipitent sur les modèles couchés en position horizontale, une différence que les chercheurs attribuent essentiellement à la polarisation de la lumière réfléchie par les modèles, verticale ou horizontale.

La pratique de la peinture corporelle n'est cependant qu'une partie temporaire des activités sociales d'une communauté. Si le but essentiel était de repousser les insectes, il est probable que ces personnes y recourraient en permanence. Ainsi, il est probable que cette protection soit une simple conséquence de cette habitude. Cependant, les bergers africains de la tribu des Himba (Namibie) affirment qu'une pâte à base de beurre, de poudre d'ocre et d'herbes les protègent du Soleil, de l'air et surtout des insectes piqueurs. Cela laisse supposer que les peuples africains et autochtones sont peut-être familiarisés avec la fonction anti-parasite de leurs peintures corporelles.

Jean Etienne

Source principale :

Striped bodypainting protects against horseflies. The Royal Society, 16 janvier 2019. DOI : 10.1098 / rsos.181325.
 

 

 
Les modèles utilisés pour l'expérience. Crédit : The Royal Society.
 

 

 
 
 

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