20 mai 2019

 

Recherche de vie martienne : comment ne pas se tromper de cible ?

 
"La prochaine décennie sera marquée par la recherche de traces de vie passées à la surface de la Planète rouge. Cependant, alors que les roches ignées volcaniques prédominent sur la planète rouge, la quasi-totalité des archives fossiles de la Terre proviennent de roches sédimentaires. Aussi convient-il de ne pas se tromper de cible, et ce n'est pas si facile…"

La mission Mars 2020 de la NASA, qui doit décoller l'année prochaine ainsi que le robot Exomars de l'ESA, réalisé avec une forte coopération de Roskosmos, l'agence spatiale russe, ont pour principal objectif (entre autres) de détecter des traces de vie microbienne fossilisée sur Mars.
 

 

 
Le robot ExoMars de l'ESA en phase de test. Crédit : ESA.
 

Cette détection s'apparentant à la recherche d'une aiguille dans une meule de foin, une certaine optimisation s'impose sur le terrain et dans ce but, une équipe de scientifiques suédois a entrepris de compiler des preuves de microbes fossilisés dans des environnements de roches ignées explorés sur Terre, afin de guider les recherches avec un maximum de précision.

"Nous proposons un 'atlas de microfossiles volcaniques' pour aider à sélectionner des sites cibles pour les missions cherchant des preuves de la vie extraterrestre, telles que Mars 2020 et ExoMars", explique le Dr Magnus Ivarsson, auteur principal. "L'atlas pourrait également nous aider à reconnaître à quoi pourraient ressembler les microfossiles sur Mars, en identifiant les biosignatures associées à différents types de microbes terrestres fossilisés."

La biosphère profonde de la Terre

Ivarsson et ses collègues ont entrepris l'étude des vestiges fossilisés de bactéries et autres micro-organismes ayant proliféré jusqu'à un kilomètre sous le plancher océanique terrestre depuis 3,5 milliards d'années. "On estime que la majorité des micro-organismes présents sur Terre existaient déjà dans la biosphère profonde de l'océan et de la croûte continentale", révèle Ivarsson. "Pourtant, nous commençons tout juste à explorer - à travers des projets de forage en profondeur - cette zone à peine révélée."

Dans un monde aquatique qui ne voit jamais la lumière du soleil, bactéries, champignons et autres microbes se sont adaptés pour se nourrir de la roche ignée qui les entoure - ou même les uns des autres. Ils se propagent à travers des micro fractures et des cavités, formant des communautés microbiennes complexes et étendues. "À leur mort, ces communautés microbiennes se sont fossilisées au sein même de leur environnement rocheux, fournissant ainsi aux chercheurs contemporains un historique de la vie microbienne dans la roche volcanique."
 

 

 
Image conceptuelle modifiée d'après Ivarsson et al. (2016) , montrant une coupe transversale de la croûte océanique. Les hyphes fongiques colonisent les veines et les vésicules dans les basaltes et forment de vastes mycéliums tridimensionnels (ceci est visualisé dans la zone vert foncé marquée (A) et l'image en médaillon). Source : commons. Cliquer sur l'image pour agrandir.
 

Un atlas des microfossiles

Structurellement, la croûte océanique de la Terre ressemble géochimiquement aux roches volcaniques qui dominent le paysage martien. "Notre objectif est de pouvoir utiliser l'historique de la vie microbienne fossilisée dans la croûte océanique terrestre comme modèle pour guider l'exploration martienne", explique Ivarsson. "Ce que nous en savons déjà est une première étape, mais une compréhension plus complète de la vie dans ces couches profondes est nécessaire pour indiquer où rechercher, et quoi rechercher sur Mars. Pour y parvenir, nous devons collecter davantage de données sur l'apparence et l'emplacement des microfossiles, mais également sur leur composition chimique", ajoute le scientifique.

"Ces microfossiles révèlent souvent des détails morphologiques importants et inattendus. Par exemple, des classes de champignons peuvent se distinguer par l'examen de leurs spores, de leurs fructifications ou le leur mycélium, ou de bactéries formant des générations successives de biofilms conservés sous forme de feuilles stratifiées et d’autres structures communautaires caractéristiques. Cependant, l'analyse des lipides et des isotopes de carbone dans les microfossiles permettra de discriminer des groupes plus précis en fonction de leur métabolisme", ajoute le chercheur, qui précise que ces informations aideront à identifier les types de micro-organismes les plus susceptibles d'être préservés sur Mars et les conditions géochimiques les plus favorables à la fossilisation.

Les caméras de la mission ExoMars de l'ESA, dont le pouvoir de discernement sera de 8 microns par pixel, seront parfaitement capables d'identifier in situ des structures fossilisées à partir de roches volcaniques. Le pouvoir de résolution plus réduit des caméras de l'atterrisseur Mars 2020 de la NASA (16 microns par pixel) présente une qualité d'image réduite, ce qui rendra difficile l'identification des fines structures, bien qu'il soit encore possible d'observer les vésicules fossilisées dans leur ensemble (voir illustration en fin d'article).

Jean Etienne

Sources principales :

Morphological Biosignatures in Volcanic Rocks - Applications for Life Detection on Mars. Front. Earth Sci., 01 May 2019 | https://doi.org/10.3389/feart.2019.00091.
Exomars (ESA).
Mars 2020 (NASA).
 

 

 
Images stéréomicroscopiques de mycéliums fongiques fossilisés dans une vésicule basaltique sous-marine (Koko Seamount).
Le panneau (A) montre l'image stéréomicroscopique d'origine haute résolution, et le panneau (B) montre l'aspect de la même image avec une résolution de 8 µm/pixel, ce qui correspond à la résolution la plus élevée possible pour la mission ExoMars 2020 de l'ESA.
À son tour, (C) illustre l’aspect de cette image avec une résolution optique de 16 μm/pixel, représentant la plus haute résolution possible avec l’équipement de la mission Mars 2020 de la NASA.
Source : commons.
 

 

 
 
 

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